par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe
Cinema for Peace Award à la Berlinale 2025
Sélection officielle au FIPADOC de Biarritz 2025
Sortie le mercredi 23 avril 2025
2009 : le docteur Izzeldin Abuelaish, obstétricien né dans le camps de Jabalia, habite toujours Gaza avec sa grande famille. Il traverse tous les jours à pieds la ligne de démarcation pour prendre son service à l’hôpital en Israël où il est le premier médecin palestinien.
Les tirs et ripostes n’ont pas cessé durablement depuis 2001 entre Gaza et Israël, les engins de guerre circulent, les familles semblent s’adapter, vont à la plage, restent attentives.
Un jour, le 16 janvier 2009, le docteur voit pointer un canon vers sa fenêtre, il contacte un journaliste israélien, puis ses fenêtres sont bombardées et c’est en direct que les téléspectateurs peuvent entendre les cris des explosés : le journaliste estime qu’il n’était pas en droit d’interrompre ce témoignage non programmé. Trois des filles du docteur sont tuées dans la déflagration - celles de la jolie photo prise à la plage quelques jours avant - et une de ses nièces. D’autres sont blessés, leur demeure est en ruines.
Sans haine, sans crainte, le docteur demande justice. Des explications, des justifications, des excuses, des interlocuteurs. "Il s’agit d’une opération de guerre, l’État n’est pas responsable", répondent tant le tireur que tous les échelons des instances judiciaires israéliennes.
Le docteur entame alors sa croisade pour la justice. Il publie un livre I shall not hate en 2012 (1), et persévère dans son combat judiciaire pour obtenir la dénonciation du crime dont sa famille a été victime. Il s’est réfugié au Canada en 2011, pour protéger ses enfants survivants et poursuivre son plaidoyer pour la paix mais, depuis le 7 octobre 2023, c’est 22 personnes de sa famille qui ont été tuées à Gaza. Il continue à rappeler ce crime du 16 janvier 2009, horreur pour les ciblés, petit geste autorisé et banal pour le tireur. Un quasi fait divers dans cette longue entreprise de désarmement des Gazaouis et du Hamas (qui avait gagné les élections).
Le docteur Izzeldin Abuelaish a reçu de prestigieux soutiens, il a été nominé cinq fois pour le Prix Nobel de la Paix, mais ne reçoit du gouvernement israélien ni justification, ni argument, ni même une désignation de ce crime englobé dans les opérations de guerre.
Pour les spectateurs d’aujourd’hui, le film évoque de façon désespérante en raccourci le requiem actuel. Mais à défaut de puissants discours mobilisateurs, quelques interventions comme ce film peuvent contribuer à infléchir un processus infernal.
Tal Barda, la réalisatrice franco-américaine se dit impressionnée par le courage du docteur Abuelaish, capable de dominer des instincts vengeurs naturels pour prêcher la réconciliation. Mais son combat obstiné mobilise aussi le Droit et les institutions : la reconnaissance des faits, des parts de responsabilité, la coexistence pacifique n’impliquent pas la réconciliation, elles en sont peut-être plutôt des conditions.
Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe
1. Izzeldin Abuelaish, I Shall Not Hate : A Gaza Doctor’s Journey on the Road to Peace and Human Dignity, New York, Bloomsbury USA, 2012. Je ne haïrai point : Un médecin de Gaza sur les chemins de la paix, traduction de Michel Faure, préface de Marek Glezerman, Paris, Robert Laffont, 2012.
Un médecin pour la paix (I Shall Not Hate). Réal : Tal Barda ; sc : T.B., Geoff Klein, Saskia De Boer sur la base du livre du docteur Abuelaish : Je ne haïrai point (2011) ; ph : Hanna Abu Asaad ; mont : Geoff Klein ; mu : Robert Marcel-Lepage. Narration Professeur Dr. Izzeldin Abuelaish ; témoignages de Rezik Abuelaish, Yousra Abuelaish, Shatha Abuelaish, Dalal Abuelaish, Mohammed Abuelaish, Abdallah Abuelaish, Raffa Abuelaish, Schlomi Eldar, Michael Sfard, Marek Glazerman, Hussein Abu Hussein, Christiane Amanpour (Canada-France, 2024, 92 mn). Documentaire.