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À propos du financement participatif (crowdfunding)
publié le lundi 22 juin 2015


 


Nous inaugurons aujourd’hui une nouvelle rubrique : le financement participatif.
Le service public (et la solidarité qui le sous-tend), cela va de soi pour l’éducation, la santé, la retraite. Pour la "culture" aussi, évidemment.

Autrefois, on a beaucoup aimé tous les mouvements d’éducation populaire.
La revue Jeune Cinéma est née des ciné-clubs de jeunes et de la Fédération Jean-Vigo, des mouvements subventionnés.
Plus tard nous avons suivi les mouvements des Maisons de la culture et de la politique de décentralisation menée par Jean Vilar et Jeanne Laurent (entre autres).

Sauf que le mot de "culture" est devenu si polysémique qu’il en est devenu louche.
La question de la "culture" est toujours aussi épineuse : elle est toujours la première à écoper quand l’État fait des économies, et elle est de plus en plus considérée comme acccessoire dans la formation des humains (pour l’éducation, ils y vont moins fort, ils n’osent pas, ou disons, pas encore).

Si bien que tous les cultureux sont "habillés pour l’hiver" et déguisés en mendiants.
Les plus habiles préviennent l’humiliation et se déguisent en courtisans, comme au bon vieux temps des seigneurs mécènes.
Les autres émargent au régime des intermittents, tant qu’il existe encore.

Remarquez, "ils" n’ont pas tort, de leur point de vue : sous couvert de la négliger, la "culture", ils s’en méfient à juste titre. Le désordre et les interrogations viennent souvent des artistes, c’est leur job. Et nous nous obstinons à croire que, sur le long terme, ce sont les artistes qui font les vraies révolutions.


 

Cette digression pour en venir au fait, et envisager comme une libération le financement participatif, le "crowdfunding", ce qu’on appelait plus anciennement les tontines.

Jeune Cinéma avait refusé une subvention diminuée, et, dans un éditorial resté célèbre, le 26 mars 1970, Jean Delmas avait "refusé l’aumône".
Toutes les subventions des fédérations de ciné-clubs avaient été diminuées de 50% et celle de Jeune Cinéma, la revue la plus engagée, de 75%. La Fédé et la revue ont continué, dans la dèche mais avec obstination, leur travail contre la censure, et notamment les activités de leur ciné-club Anastasie. Et la petite revue pauvre a survécu, sans pub et sans maître, grâce à ses abonnés. (1)

Nous connaissons des éditeurs qui ont préféré périr plutôt que de demander des subventions. Nous étions autrefois pour l’autogestion, nous croyons aux associations.
Et puis, nous avons un glorieux modèle : La Marseillaise de Jean Renoir, produit de cette façon, par une souscription nationale auprès du "peuple de gauche", en 1938. (2)


 

Nous savons, bien sûr, que ça les arrangera, les pouvoirs publics, que ce système se développe. Mais ces pouvoirs publics, qui sait de quoi ils seront faits, dans le futur ?
Nous savons aussi que les mots de la même famille que le mot "liberté" sont eux-aussi très dangereusement "polysémiques".

Mais voilà, les hiérarchies, les féodalités, les courtisaneries, pour nous, appartiennent à l’Ancien Régime, dont nous n’aimons pas qu’il regicle de partout à tout propos, sans qu’on s’en émeuve plus que ça.
Nous n’invoquons pas la République à tout bout-de-champ, parce que, depuis 1789, nous la considérons comme acquise, même du temps des ressacs.
Pour tout vous dire : on a même cru qu’on pouvait la dépasser, la République, en allant jusqu’au socialisme.
C’est vrai, c’était il y a très très longtemps.

Alors affirmons au moins ceci : nous croyons en l’horizontalité plus qu’en la verticalité. Ou quelque chose comme ça. La démocratie, ce n’est pas seulement le vote, les réunions, ou les référendums. C’est désormais aussi les réseaux sociaux, comme ils vont se construire et se stabiliser peu à peu. Pour peu qu’on ne se contente pas de like, de smileys, d’invectives et autres boutades.
C’est la réflexion et le débat, actifs et permanents. Ça prend du temps. Mais les smileys aussi...

Jeune Cinéma (juin 2015)

1. Cf. Les dates-clés de Jeune Cinéma.

2. Sur La Marseillaise de Jean Renoir (1938), cf. Cinéma et histoire.



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