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Une seconde mère (2015)
de Anna Muylaert
publié le mercredi 24 juin 2015

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 366-367, été 2015

Sélection de la section Panorama de la Berlinale 2015.
Prix spécial du jury au Festival de Sundance 2015.

Sortie le mercredi 24 juin 2015.


 


Présenté au dernier festival du cinéma brésilien à Paris, et couvert de prix, dont ceux des festivals de Sundance et de Berlin, ce quatrième long métrage d’une réalisatrice brésilienne de talent est très sympathique.
Tout comme Casa Grande de Fellipe Barbosa, Une seconde mère propose un portrait de la bonne bourgeoisie brésilienne.


 

Val, interprétée par Regina Casé, placée depuis de longues années dans une famille très aisée de Saõ Paulo, est devenue comme la deuxième mère du fils unique, Fabinho, au détriment de sa propre fille, Jessica, laissée à la garde de son père. On ne saura jamais très bien quel est le métier exercé par la patronne, Barbara, mais on se doute que c’est un métier inutile autour du luxe et du style.

Le film est tendre et comique à la fois, mais la réalisatrice ne manque jamais sa cible lorsqu’elle veut toucher là où ça fait mal. Une scène cruelle parmi d’autres, très évocatrice du milieu bourgeois : le jour de l’anniversaire de Barbara, Val, qui doit se mettre au mieux avec elle pour qu’elle accepte que Jessica vienne s’installer provisoirement, lui offre un service à café de mauvais goût. Barbara le regarde à peine et refuse que Val s’en serve le jour où elle organise une réception. Lorsque Val donnera enfin sa démission pour aller vivre avec sa fille, elle emportera ce service, tout heureuse de l’avoir repris à sa patronne.


 

De même, les relations entre Fabinho et Val sont présentées comme très tendres, presque incestueuses. Elles font pendant à la froideur et au non-dit qui règnent dans la famille bourgeoise où les échanges sont purement formels.
Il en va de même entre Jessica et sa mère, qu’elle méprise, en s’affichant parfois supérieure, sous prétexte qu’elle va entamer des études d’architecture. Le scénario est bien construit, qui met toujours en parallèle les deux situations sans tomber dans la caricature.


 

Si Jessica doit vivre avec un lourd secret, ce n’est pas pour autant qu’elle sera être épargnée par la réalisatrice qui la montre souvent comme une pimbêche.
De même, Fabinho, petit garçon trop vite grandi, n’est pas particulièrement sympathique, sa veulerie étant parfois trop apparente, notamment dans ses rapports avec sa mère ou dans ses études, guère brillantes.


 

La réalisatrice ne tombe dans aucun écueil et ne nous livre pas un film misérabiliste ou sentimentaliste. Elle sait se tenir à la lisière de tout pathos et n’oublie pas son humour - ainsi, la séquence de la demande en mariage entre le patron et la fille qui a envahi tout l’espace de la maison.
C’est un des rebondissements auquel on s’attendait, évidemment, mais il est traité de manière si inattendue qu’il fait le sel d’un film que l’on jugera à l’aune de son propre humour - qui est la politesse du désespoir, comme on sait.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 366-367, été 2015


Une seconde mère (Que horas ela volta ?). Réal, sc : Anna Muylaert ; ph : Barbara Alvarez ; mont : Karen Harley ; mu : Fabio Trummer, Vitor Araujo. Int : Regina Casé, Michel Joelsas, Camila Mardila, Karine Teles (Brésil, 2015, 112 mn).



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