par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma, n° 366-367, été 2015
Sortie le mercredi 29 juillet 2015
Ce premier film sympathique repose sur les épaules de Isabelle Carré qui peut tout interpréter de façon à la fois naturelle et élaborée.
Ici, Marie Belhomme lui propose un rôle qui lui ressemble, celui d’une jeune femme "presque", c’est-à-dire qui se cherche et doute d’elle-même, presque musicienne, presque heureuse, presque amoureuse.
C’est ce qui a séduit la comédienne qui se reconnaît dans le personnage de Perrine : "Avant tout, elle doute. Et j’ai une attirance pour ceux qui manquent d’assurance et de confiance en eux ; ceux qui sont, du coup, dans une réserve un peu fébrile ; ceux qui ne sont pas persuadés de détenir la vérité… Elle me fait penser aux personnages de Woody Allen, même si elle subit sa vie plus qu’elle ne l’intellectualise…"
Il est évident que le cinéma et le théâtre sont friands de personnages aussi fragiles en apparence, et fins, comme Philippe Rebbot, bien à sa place dans un rôle de mort ressuscité.
L’art dramatique, Marie Belhomme, qui en vient, connaît bien le sujet et si son film peut paraître parfois un peu théâtral, ce n’est pas désagréable : l’intrigue est bien menée et Isabelle Carré s’en donne à cœur joie en héroïne lunaire - elle entre dans la vie d’un homme, adopte son chien, chausse ses pantoufles, et en tombe finalement amoureuse.
Le film fonctionne parce que chacun peut s’identifier à cette jeune femme qui ne sait rien faire et tout faire, éternelle ado qui vit déguisée en banane ou en oursonne pour des fêtes de personnes âgées ou pour faire de la publicité active dans les rues. Tout le monde doute plus ou moins, tout le monde est fragile, et ce film est comme une chanson de Souchon et Voulzy, une bluette mélancolique qu’on oublie vite mais qui revient tout aussi vite au moindre souvenir parce qu’elle parle au cœur de chacun.
Si les rôles secondaires sont moins intéressants (Carmen Maura a déjà été mieux utilisée), le film trouve son allure de croisière au rythme du mal-vivre et de la course vers le néant. Elle court, elle court la campagne, mais dans quel but, cette petite Perrine sans pot au lait, pathétique et attendrissante ? Nous sommes tous, qui plus, qui moins, des Perrine dans ce monde où l’amour est si difficile à trouver.
Le titre est juste et Marie Belhomme l’explique : "D’ailleurs, elle court beaucoup… Comme si, au jeu des chaises musicales, elle n’avait pas encore trouvé la sienne. Vous connaissez la règle : vous tournez autour des chaises en dansant et quand la musique s’arrête, vous devez en prendre une et vous asseoir dessus…"
Perrine ne trouve jamais vraiment la sienne, c’est pourquoi elle a décidé de prendre celle de l’homme dont elle a involontairement provoqué le coma.
Et c’est La Belle au bois dormant revisité qui commence alors…
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma, n° 366-367, été 2015
Les Chaises musicales. Réal : Marie Belhomme ; sc : M.B., Michel Leclerc ; ph : Pénélope Pourriat ; mont : Sébastien de Sainte-Croix. Int : Isabelle Carré, Philippe Rebbot, Carmen Maura (France, 2015, 82 mn).