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Made in the USA (2000)
de Solveig Anspach
publié le dimanche 2 août 2015

par Jacques Chevallier
Jeune Cinéma n° 272, décembre 2001

Quinzaine des réalisateurs Cannes 2001


 

Pas plus que le film de fiction, le documentaire ne peut guère se passer de récit. D’un récit faisant s’enchaîner des faits et des situations autour de personnages, de rencontres et de destins.

Dans Made in the USA, sont relatées la condamnation à mort et l’exécution, le 1er mars 2000 au Texas, d’Odell Barnes, 31 ans, noir, issu d’un milieu défavorisé, accusé du meurtre d’une amie de sa mère. Exécution au bout de plusieurs années passées dans le "couloir de la mort", malgré les résultats d’une contre-enquête favorables à l’accusé.

Le récit conduit par Solveig Anspach et la journaliste américaine Cindy Babski s’articule autour de faits et de témoignages, mêlant documents d’archives et documents filmés après la mort de Barnes.
Il est mené comme une sorte de procès-verbal - la sobriété comme règle de conduite, mais avec le souci de montrer ce qu’il peut y avoir d’exemplaire dans le "cas Barnes".

De là, quelques ruptures dans la chronologie, quelques allées et venues entre présent et passé afin que soit mis à jour ce qu’il peut y avoir d’exemplaire dans cette mise à mort : quelles sont, au Texas, les règles sociales, les "valeurs morales", les objectifs politiques qui l’ont rendue "nécessaire"…


 

Sans se départir de leur constat, les réalisatrices insèrent dans leur narration de pertinentes informations sur la justice et ses liens avec le pouvoir politique.

Champion de la production pétrolière, le Texas l’est aussi des condamnations à mort, avec ses juges élus, ses accusés pauvres privés d’avocats expérimentés, ses procès bâclés, et son futur (lorsque fut tourné le film) président des États-Unis, pleinement satisfait de sa justice.
Sur le récit proprement dit, se greffent ainsi des données informatives permettant de comprendre le mécanisme kafkaïen qui a conduit inexorablement Odell Barnes, coupable ou non, à être exécuté. Comme tant d’autres.

Les images d’archives sont éloquentes, mais celles tournées par les cinéastes ne le sont pas moins.
C’est souvent par l’image seule, son cadrage, son montage qu’elles cherchent à donner sens aux faits.

Ainsi, avant et après l’exécution de Barnes, les arrivées et départs des témoins de la partie civile et ceux du condamné, deux files indiennes qui se succèdent dans l’allée conduisant à la prison puis refont pareillement le chemin inverse - quatre plans filmés de manière identique et une tension grandissante qui surgit à la fois de cette répétition, de cette banalité, et de ce dépouillement dans la prise de vues.

Des images mais aussi des voix : celle du procureur ("La peine de mort est appropriée"), d’un opposant à l’exécution ("Gouverneur Bush, vous avez tué un innocent !"), de la mère de Barnes ("Pourquoi ?, pourquoi ?"), et de Barnes lui-même qui dit son espoir d’un futur de justice et d’amour, sans violence.
Lui aussi - comme Martin Luther King, avant de mourir - a eu "un rêve".

Jacques Chevallier
Jeune Cinéma n° 272, décembre 2001

Made in the USA. Réal : Solveig Anspach et Cindy Babski ; ph : Laurent Machuel ; mont : Anne Riegel (France, 2001, 105 mn). Documentaire.

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