par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°342-343, décembre 2011
Ce film, inspiré du livre de Valérie Zenatti paru aux éditions de l’École des Loisirs, se présente comme un conte.
Après avoir été ébranlée par la seconde Intifada, Valérie Zenatti écrit son premier livre en 2002, Quand j’étais soldate, qui raconte son expérience dans l’armée israélienne.
Lorsqu’on lui demande quel camp elle choisit dans cette guerre fratricide entre Palestiniens et Israéliens, elle ne peut s’empêcher de répondre : les deux.
Elle écrira donc ensuite Une bouteille à la mer comme pour le prouver.
Thierry Binisti propose une transposition très libre du livre en nous offrant une histoire différente par certains côtés, même si l’esprit de l’original demeure.
"Le livre a une forme épistolaire, écrit-il, et c’était la principale difficulté en vue d’une adaptation. Comment fait-on pour passer d’une narration par mails à des images ? Le recours à la voix off a bien sûr permis de relayer l’écriture. L’essentiel était de donner aux personnages une vie propre, qu’ils ne soient plus seulement portés par le contexte politique mais aussi par leur vie quotidienne."
Et il faut dire que le film est une réussite. Sous forme de conte, il aborde de façon frontale et amoureuse le conflit qui semble ne jamais vouloir s’éteindre entre les deux communautés, avec des torts partagés.
Ces temps-ci, il semblerait que le cinéma s’essaie à disséquer les raisons de la discorde et quelquefois tente d’apporter des solutions.
Ici, le cinéaste, qui a réalisé divers courts métrages pour le Forum des Images, et le long métrage L’Outremangeur ainsi que de nombreux téléfilms, s’attaque au conflit israélo-palestinien et offre une fable romantique, sensible, qui frôle parfois le mélodrame mais sans jamais y sombrer.
Outre les images d’une grande beauté et les acteurs superbes (Mahmoud Shalaby, Hiam Abbass et Agathe Bonitzer, bien meilleure que dans le grotesque Mariage à trois de Jacques Doillon), le film se présente sous une forme originale en utilisant à la fois les nouvelles technologies, notamment le fil d’Ariane d’Internet, censé réunir les âmes isolées et les moyens de communication ancestraux comme la bouteille à la mer.
Ce mélange de genre aussi, entre la comédie et le drame, fait la force d’un film qui s’érige en métaphore même si la fin, assez attendue, aurait pu être plus puissante.
Reste à espérer que ce film d’engagement pacifique sera écouté, montré dans les classes, suivi, imité, bref qu’il fera école.
"La force de la parole échangée, déclare Thierry Binisti, a été le point de départ. La volonté farouche de nos personnages a permis à cette parole échangée de devenir une parole entendue et ressentie…" Espérons-le.
Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n° 342-343 de décembre 2011
Une bouteille à la mer. Réal : Thierry Binisti ; sc : T.B., Valérie Zénatti ; ph : Laurent Brunet ; mont : Jean-Paul Husson ; mu : Benoît Charest. Int : Agathe Bonitzer, Mahmud Shalaby, Hiam Abbass, Abraham Belaga, Jean-Philippe Ecoffey (France, 2011, 109 min).