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Orage (2015)
de Fabrice Camoin
publié le mercredi 7 octobre 2015

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 7 octobre 2015


 

Orage, premier long métrage de Fabrice Camoin, est un film puissant, tant sur le plan de la narration que sur celui, plus mystérieux et difficile, de la psychologie des personnages.

Le film oscille entre film d’action et drame psychologique, largement inspiré du roman Dix heures et demie du soir en été de Marguerite Duras, qui en avait elle-même projeté une adaptation.

Le livre avait été reçu froidement par la critique, de même que le film que Jules Dassin en avait tiré en 1967 avec Mélina Mercouri et Romy Schneider.

Fabrice Camoin s’est débarrassé de la musique durassienne pour ne garder que la trame narrative, le désespoir que provoque l’alcool sur une bourgeoise en manque d’aventure, frustrée dans son couple et sa vie.

Abandonnant le conditionnel qui a longtemps fait la marque de fabrique du style M.D., le jeune réalisateur a choisi d’incarner cette histoire improbable dans le réel de nos années sombres, en gardant les mêmes prénoms pour les personnages, la même situation - un huis clos dans un hôtel à la frontière espagnole - et la même histoire d’amour entre quatre êtres qui se cherchent.


 

Pierre courtise Louise, la meilleure amie de Maria, son épouse, qui, de son côté, va rencontrer un homme qui vient de tuer sa femme et son amant.

À la différence du roman, la situation est souvent vue par les yeux de Judith, la fillette du couple, qui comprend tout et a peur de perdre sa mère, perdue dans la folie de l’alcool.
Mais aussi par les yeux omniscients des caméras de surveillance.

Enfin, autre différence, l’assassin n’est plus espagnol, mais arabe, interprété par le génial Sami Bouajila qui donne à son personnage une touche de folie désespérée.


 

Reprenant presque mot pour mot les confidences de Marguerite Duras sur l’alcoolisme, Fabrice Camoin s’approche au plus près de son sujet, qui n’est pas seulement la déréliction de la bourgeoisie, mais surtout les tourments de l’amour et de la passion. Qu’est-ce qui pousse Maria à suivre cet homme traqué, sinon le désir vague, inspiré par une folie dont elle ne prendra conscience qu’en entendant à la fin la voix de Judith au téléphone ?

Le film est construit comme un road-movie dans lequel Maria commence à prendre la place principale, d’où elle sera peu à peu évincée par Nabil, qui n’a rien d’un assassin en cavale, mais qui doit pourtant faire seul son voyage au bout de la nuit.

"Nabil fait tout un parcours, déclare le réalisateur. Il commence dans le coffre de la voiture, passe à l’arrière, puis devant, à côté du conducteur. Puis il prend le volant, conduit l’histoire, littéralement, et éjecte enfin Maria de la fiction sans qu’il n’y ait eu aucun rapprochement physique entre eux".

C’est dans cette folie, cette frustration affective, dans ce désir qui ne se vit pas, que ce film, magnifiquement filmé et interprété, se rapproche de l’univers romanesque si particulier de Marguerite Duras, en échappant à la littérature.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe (octobre 2015)

Orage. Réal : Fabrice Camoin ; sc : F.C. & Ariane Fert d’après Marguerite Duras ; ph : Pierre Gantelmi d’Ille & David Chizallet ; mont : Muriel Breton ; mu : Alexis Rault. Int : Marina Foïs, Sami Bouajila, Valérie Donzelli, Louis-Do de Lencquesaing (France, 2015, 83 mn).

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