par Gérard Camy
Jeune Cinéma n° 366-367, été 2015
Sortie le mrecredi 7 octobre 2015
Avec Sicario, le réalisateur canadien Denis Villeneuve signe un thriller puissant, d’une noirceur aux fulgurances impressionnantes.
Lorsque Kate Macer (Emily Blunt), agent du FBI à la tête d’une équipe spécialiste des enlèvements, découvre le massacre commis dans une propriété appartenant à un cartel mexicain, le choc l’ébranle profondément. Elle rejoint alors une mission clandestine dirigée par Alejandro (Benicio del Toro), un mystérieux et magnétique agent colombien, et par l’agent spécial Matt Graver (Josh Brolin).
Même si Kate fait tout pour se convaincre qu’elle se bat pour la justice, elle se retrouve au cœur d’un champ de bataille chaotique et confus où s’affrontent des cartels de la drogue militarisés et impitoyables et des services secrets qui s’affranchissent des lois pour mieux combattre ceux qui n’en respectent aucune.
Derrière le film policier, Villeneuve pose un regard sur les États-Unis, partagés entre la volonté, au nom d’un idéalisme démocratique, de lutter contre ces zones de non-droit installées au nord du Mexique, et le réalisme qui oblige à utiliser les mêmes méthodes radicales que celle de ces bandes organisées.
À créer en quelque sorte ses propres monstres. Kate, déterminée, honnête et droite, éprise de justice, qui met sa vie en danger à chaque seconde, prend conscience que le respect de la loi est un frein à son action, que la démocratie n’offre pas les boucliers nécessaires.
Rongée par cette remise en cause de son métier, troublée par le magnétique Alejandro, elle s’aventure peu à peu sur les chemins tortueux de l’illégalité qui brouillent les consciences, souillent les âmes.
L’explication du titre prend alors tout son sens : "Le mot sicaire vient des zélotes de Jérusalem, des tueurs qui traquaient les Romains qui avaient envahi leur patrie. Au Mexique, sicario signifie tueur à gages".
Villeneuve sonde les mystères de la nature humaine, questionne la moralité des États, explore la frontière du bien et du mal sans jamais donner de réponse.
Véritable puzzle émotionnel, Sicario est une œuvre forte, intense, fascinante par moment, au rythme soutenu et aux personnages denses et complexes.
Gérard Camy
Jeune Cinéma n° 366-367, été 2015
Sicario. Réal : Denis Villeneuve ; sc : Taylor Sheridan ; ph : Roger Deakins ; mont : Joe Walker ; mu : Johann Johansson. Int : Emily Blunt, Benicio del Toro, Josh Brolin, Jon Bernthal, Victor Garber (USA, 2015, 121 mn).