Ô temps, suspends ton vol !
Pour le plaisir des amateurs en ligne 28
publié le vendredi 23 octobre 2015

C’est cette nuit de samedi 24 à dimanche 25 octobre 2015, qu’on "gagne" une heure.
Qu’aurons-nous fait de cette "heure en plus" ?
Que fait-on des illusions et des fantômes ?
(1)


 

©Sergio Rapisardi


Depuis l’invention de machines diverses pour le mesurer (calendriers lunaires, cadrans solaires, sabliers, clepsydres, horloges, chronomètres, portables), le temps fait semblant d’être objectif.
Rien de plus fallacieux : Avec le rire, le temps est le propre de l’homme.
Il se niche donc dans chaque conscience et dans chaque solitude, tout autant que dans chaque tribu.

Ce n’est pas Jacques Le Goff, né le 1er janvier 1924, et mort le 1er avril 2014, qui nous contredira.
Le temps est subjectif et social, il est relatif et humain.
On le perd, on le retrouve. On tente de l’encager dans le triptyque passé-présent-futur. On le découpe en tranches, on le conjugue, on le tripote.

Il résiste pourtant, ni avec nous, ni sans nous.

Il est élastique. Il s’allonge dans l’attente. Il se rétrécit dans l’urgence. Il est infini dans l’enfance et minuscule pré-carré dans la vieillesse.
Il est presque insensible pour la majorité des humains quand ils vieillissent ensemble.
Il est hyperréaliste pour les professeurs qui vieillissent seuls face à des classes éternellement jeunes.

Il s’évapore devant l’écran hypnotique des ordinateurs.
Il sursaute dans les tempêtes et les révolutions.
Il balise et il rythme, mais il passe et il manque.
Il règne en son royaume, celui du futur antérieur.

Dans le labyrinthe de nos collections, voici quelques images.
Le "marabout-de-ficelle" est peut-être la forme qui convient le mieux au temps.


Commençons par l’horloge de Hiroshima, le 6 août 1945, à 8 h 16 min 2 s, avant et après.


 

Poursuivons par cette œuvre majeure, The Clock.

Avec une heure qui pourrait être objective, puisqu’il n’y a plus personne pour la voir et la comprendre, dans l’Arsenale déserté, à l’heure de la fermeture (Biennale de Venise en 2011)...


 

... Si l’on ne savait pas que cette heure-là, Christian Marclay l’avait conçue écrasante...


 

À propos de Venise...

L’heure y est celle des astres, et de leur "grande année" : chaque 26 000 ans, c’est l’éternel retour.


 

Il y a les visions des artistes.

Celle de James Torlakson.


 

Celle de Anatoly Belsky.


 

Celle de Salvador Dali.


 

Celle de Susan Beatrice.


 

Celle de Lu-Jun.


 

Celle de Fiona Hall.


 

Et de tant d’autres...

Il y a aussi le simple vécu des vivants.

Le temps végétal


 

Le battement


 

L’impasse


 

Le combat


 

En conclusion provisoire.

Une seule certitude : le temps est irréversible.


 

Et quelques réactions à cette certitude :

"La colère monte" disait Arman, en 1961.


 

"Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur des instants", disait André Gide, en 1897.
 

Avant lui, Pierre de Ronsard, en 1578, disait : "Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie".


 

"Who cares ?" disait un quidam, on ne sait quand ni à quelle heure, et on s’en fout.


 

Jeune cinéma en ligne directe (octobre 2015)

1. Nous pensons avec tendresse (et une terreur sacrée) aux Romains, qui se sont couchés le jeudi 4 octobre 1582 pour se réveiller le vendredi 15 octobre 1582.
Qu’ont-il fait de cette faille temporelle de dix jours que leur avait tricotée le pape Grégoire XIII (avec sa mise en place du calendrier Grégorien) ?

Dans quelle zone du vaste univers vagabondaient leurs âmes et leurs rêves, au cours de cette longue nuit ?
C’est au cours de cette longue nuit-là que Sainte-Thérèse d’Avila mourut.

Si même les papes peuvent vivre dangereusement, la jouer à la Prométhée et défier les dieux, qui sait le désordre qu’une telle audace a pu produire dans l’univers ?
Un second "péché originel", dont, peut-être, nous n’aurions pas fini de payer les dégâts ?



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