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Caravage (le) (2015)
de Alain Cavalier
publié le mercredi 28 octobre 2015

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°368, automne 2015

Sortie le mercredi 28 octobre 2015


 


Alain Cavalier revient au documentaire radical. Par le sujet, le cheval de Bartabas ; par la forme, sans paroles (ou presque), sans commentaire.
Son film peut paraître exigeant pour qui attend de voir les spectacles équestres du créateur de Zingaro.
Deux courts extraits de ses derniers spectacles sont consentis au spectateur. Donc le cheval et son maître, les mille soins apportés au corps du Caravage par les palefrenières et les assistants vétérinaires. Vu de cette manière, le film risque de paraître rébarbatif pour qui n’est pas sensible à l’équitation, au rapport homme-cheval.


 

C’est sans compter avec ce que Alain Cavalier peut opérer, caméra à la main. Contrairement à son habitude, il n’intervient pas du tout verbalement, sauf pour un "bonjour" initial et, vers la fin une remarque lorsque le cheval vient lécher l’objectif, gardant le flou de l’image.
Tout est dans le regard que le réalisateur porte sur une réalité qu’il découvre et qu’il cherche à percer, sans jamais dévoiler ce qui, de toute évidence, reste de l’ordre du mystère. Mystère du rapport entre Bartabas et son cheval, entre un homme taiseux, hiératique dans la manière dont il guide l’animal dans des exercices routiniers. Le spectateur est dès lors livré à une sorte de contemplation dans laquelle le réalisateur ne cherche pas à intervenir. On sent qu’il cherche à trouver un angle d’approche, un regard, lui-même fasciné par ce qu’il découvre. Cette fascination transparaît de manière plus directe dans sa manière de filmer l’animal au repos, pendant les soins qui lui sont prodigués. Il s’attarde sur les gestes des palefrenières, sur la toison de l’animal, ses formes, son œil souvent filmé en gros plans. Alain Cavalier tisse alors une véritable poétique autour de Caravage, capte la part de sensualité qui entre dans le parcours des mains qui lissent le poil. Il nous fait découvrir tout ce qui entre dans la préparation de l’animal, les gestes harmonieux de la jeune femme qui entoure les pieds d’une bande, la précision de l’homme qui nettoie et soigne les sabots.


 

Il faut accepter de s’abandonner à cette découverte d’un univers tactile, sensuel, regarder sans comprendre cet éblouissant assemblage homme-cheval qui décrit des figures subtiles et ces moments de liberté laissés à Caravage dans le hangar du fort d’Aubervilliers quand le cheval se roule dans la poussière. Il y a peut-être bien une part de peintre dans le travail de Alain Cavalier, oserions-nous dire une part de Caravaggio.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°368, automne 2015


Le Caravage. Réal, ph : Alain Cavalier ; mont : Emmanuel Manzano. Avec Bartabas (France, 2015, 70 mn). Documentaire.



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