par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe
Sortie le mercredi 6 janvier 2016
C’est l’histoire de la jeune mère de Noé, Élisa, qui, née sous X, cherche à retrouver sa mère biologique. (1)
Ce film (2) est un de ces bons films français dont le spectateur et chaque personnage détiennent différentes pièces d’un puzzle que chacun cherche à reconstituer plus ou moins ardemment.
Le spectateur croit avoir une longueur d’avance puisqu’il sait d’emblée la relation entre la mère et la fille. Alors il scrute dans les regards, les gestes, les réactions des femmes qui sait quoi, qui comprend quoi, qui résiste, qui consent.
Elles, en revanche, ne pressentent leur lien que très lentement, au cours du film.
Finalement, l’essentiel avait échappé au spectateur : la raison et l’origine de l’abandon. Et même ceux qui les connaissent ne les évaluent pas.
On arrive ainsi à une espèce de suspense, parfois souligné musicalement, dans lequel les parties prenantes ne cherchent pas toutes la même chose.
Le film, surtout centré sur les deux comédiennes, Céline Sallette et Anne Benoît, est d’autant plus attachant qu’il est charnel parce que physique. Élisa (Céline Sallette) est kinésithérapeute, une admirable kiné, dont tous les gestes sont justes. Sa façon de prendre à bras-le-corps ses patients est parfaite, douce et obstinée à la fois, inégalable.
Mais au delà des corps manipulés, il y a aussi les regards, les contacts, les petits riens, par exemple les scènes entre Renée (Françoise Lebrun) et Annette (Anne Benoît).
Le film est aussi imparfait. Il semble s’achever, et puis un rebondissement, et puis une autre fin possible, et une coda. Cela tient à pas grand-chose, un épisode sexuel inutile, quelques détails de construction.
Le rôle de Anne Benoit semble inabouti : sa demande de maternage est incongrue et on a du mal à prêter à cette mère censurée un passé romantique.
Mais il n’est pas exclu que ces imperfections soient des éléments du charme indéniable de cette histoire simple.
En fait, seul le titre pose problème.
La référence à la lettre à Écusette de Noireuil de André Breton ravit, évidemment. D’autant que les deux derniers paragraphes sont lus durant le générique final (même si Grand Corps Malade ne semblait pas le meilleur pour l’exercice).
Mais elle ne correspond en rien au ton du film, ni à son propos objectif.
En fin de compte, ce qu’on souhaite dire à Noé, le petit garçon un peu insolent - et on l’aurait souhaité encore plus à la petite fille de André Breton - ce n’est pas "Je vous souhaite d’être follement aimé(e)", mais "Je vous souhaite d’aimer follement".
Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe (décembre 2015).
1. Le problème de la filiation semble préoccuper Ounie Lecomte. Dans Une vie toute neuve (2009) elle traitait de l’adoption.
2. Le film a été présenté en avant-première le 7 décembre 2015 par Gérard Camy aux Rencontres Cinématographiques de Cannes.
Je vous souhaite d’être follement aimée. Réal : Ounie Lecomte ; sc : O.L. & Agnès de Sacy ; ph : Caroline Champetier ; mont : Tina Baz ; mu : Ibrahim Maalouf. Int : Céline Sallette, Anne Benoît, Françoise Lebrun, Louis-Do de Lencquesaing, Pascal Elso, Micha Lescot (France, 2015, 100 mn).