Lacombe, Gilles T. (e)
Un rien de commun (expo 2016)
publié le jeudi 21 janvier 2016

À propos de Un rien de commun à la Galerie Louis Gendre.

par Gilles T. Lacombe et Catherine Mariette
Jeune Cinéma en ligne directe (janvier 2016)


 

Galerie Louis Gendre (22 janvier-27 février 2016). Du mercredi au vendredi :de 14h à 20h. Le samedi : de 10h à 18h.


Pour cette exposition, la galerie Louis Gendre a choisi des sculptures qui ont plus de vingt ans et d’autres, juste achevées, dont elle aimait l’idée.
Toutes sont inédites en France.
 
Gilles T. Lacombe a ensuite construit un dialogue baroque entre un méga-assemblage plutôt insolite et la grande maison bourgeoise aux parquets cirés qui abrite la galerie.

D’où vient l’impression de jamais-vu émanant de cette installation constituée d’objets pourtant familiers ?

Est-ce en raison des mariages improbables qu’elle dispose, comme celui qui associe un billard et un piano ?
Est-ce à cause des récits cocasses ou énigmatiques, voire inquiétants, que génèrent ces curieuses combinaisons ?

Gilles T. Lacombe aime autant faire des choses avec ce qui passe par ses mains qu’inventer des fictions où les objets qui envahissent nos univers sont transformés en aide-mémoire de l’histoire récente, pour l’histoire à venir.


 
 

Il met en œuvre une comptabilité presque obsessionnelle de la matière pour venir au secours de la fragile imperfection du souvenir.

Il se méfie de la création spontanée. 

Chacune des œuvres est le résultat d’une longue décantation faite d’ajouts, de repentirs, d’essais, de découvertes. 

À chaque fois, cela commence par une évidence : celle d’un premier dessin sur un pauvre bout de papier, celle d’une forme "juste" trouvée en pliant une chambre à air ou en s’intéressant aux disques de tronçonneuse ; ensuite, il y a la transformation de la matière, qui prend un temps si long que les pensée affluent, saugrenues, agressives, jubilatoires.


 
  
Quand le hasard intervient, c’est lors de cette seconde étape, qui fait émerger des choses que l’artiste ignorait, qu’il associe dans des raccourcis saisissants. 

Si la gravité est sous-jacente aux jeux de mots, c’est qu’il s’agit là d’une morale de l’élégance. Souvent oubliées en chemin, ces pensées restent inscrites dans la sculpture qu’elles ont nourrie.
 
C’est pourquoi l’exposition convie chacun des visiteurs, à son tour, à élaborer sa propre gamberge mêlant intuitions, fulgurances formelles, sédimentation de sensations et réflexions inattendues.

C.M.


Les œuvres présentées, commentées par Gilles T. Lacombe.

* La clé dorée
 

Surdimensionner pour parler plus fort ?
Si la porte qu’ouvre cette clé existait, elle mesurerait 60 mètres de haut.
D’ailleurs, sur quoi ouvre-t-elle ?


 

* Piallard et Bino
 

Il est parfaitement inutile, ce n’est plus un piano, ce n’est plus tout à fait un billard. 
Le billard et le piano sont devenus injouables.
On tire sept boules de billard d’une défense d’éléphant et il y a eu des millions de billards vendus à travers le monde.
Dans une défense, on peut faire tout au plus quinze ou vingt claviers, et il y a eu encore plus de pianos fabriqués que de billards ! 
Le Piallard et Bino est donc le plus gros tueur d’éléphants au monde.
Une manière de dire qu’une catastrophe pointe à l’horizon.
 

* La robe couleur du temps 
 

Si on se rappelle Peau d’Âne, le roi, à qui la fée demande une chose impossible, parvient à la réaliser à chaque fois. 
Et l’impossible, c’est ça, une robe de mariée avec des explosions dessus, des explosions naturelles, volcaniques ?
Aujourd’hui, le ciel de la robe couleur du temps est plutôt chargé.
 

* In nails we rust
 

C’est anormal un si gros tas de clous rouillés. 
Encore plus anormal qu’ils soient recouverts de rognures d’ongles géantes.
De quel événement inédit est-ce l’annonciation ?
S’agripper, clouer, pour moi, c’est un peu la même chose. J’en étais à me demander si les clous n’avaient pas été inventés pour crucifier. Ensuite, j’ai découvert que c’était le même mot en allemand, en anglais, en danois, en suédois...
 

* Inouis et Nickelfeet
 

Deux tribus se feraient face, d’un côté des envahisseurs nordiques, de l’autre une tribu de pieds nickelés chamanisés par Œil de lynx.
De qui aurions-nous le plus hérité ?
 

* Grand hôtel Il Tiempo
 

Comme sortis d’une armoire où l’on aurait suspendu le temps, des cintres coiffés de crins, tous provenant de mèches d’archets. Quatre cents archets pour une coiffe, à raison de milliers de notes par jour, une sacrée cadence.
 

* Le tricheur
 

Par un juste retour des choses, les "géants" du pétrole sont roulés dans le goudron et les plumes. Puissions-nous ne pas y laisser notre peau.
 

* Increvable
 

Un pneu tordu, pincé distraitement, et tout-à-coup une forme qui surgit, celle d’un corps, tête incliné, bras en croix, pieds croisés. Unijambiste céleste prêt pour une éternelle course en sac, Bibendieu est une figure œcuménique évoquant le calvaire du dieu des chrétiens mais aussi sa vigueur : bimillénaire dans sa version chrétienne, il est centenaire dans sa version pneumatique.
 

* Défense de touche
 

Parmi les défenses conservées au Muséum d’histoire naturelle de Paris, la plus belle porte la référence 19231001. Elle a été offerte à la France le 5 mars 1923 par le Prince héritier d’Éthiopie. Hailé Sélassié sera couronné Négusse l’année suivante.  
Les mesures prises sur place ont été multipliées par trois : cinquante cm de diamètre, six mètres de longueur, quatre mètres carrés et demi en développé, soit 4470 touches récupérées sur une centaine de pianos avant qu’ils soient détruits.
Le dessin exposé est le plan de réalisation de cette défense.

Propos de Gilles T. Lacombe recueillis par Catherine Mariette
Paris, janvier 2016.
Jeune Cinéma en ligne directe

Galerie Louis Gendre, 7 rue Charles Fournier, 63400 Chamalières.

Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts