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Cannes 2014 : Panorama-bilan
Cannes 2014, 67e édition (14-24 mai 2014)
publié le dimanche 19 avril 2015

Cannes 2014, 67e édition, du 14 au 24 mai 2014

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°360, été 2014

Festival de Cannes 2014, 67e édition (14-24 mai 2014)


 

Voir aussi les sections parallèles :
* Semaine de la critique
* Quinzaine des réalisateurs
* ACID


Non, nous n’allons pas resservir notre conclusion du bilan de Cannes 2013, déjà émise à l’occasion de Cannes 2012, elle-même déjà, etc.

Et pourtant…

D’une année à l’autre, le paysage général demeure stable et, malgré quelques effets de mode en surface qui permettront de dater le millésime, les préoccupations perdurent - en gros, la vie, l’amour, la mort, comme depuis la première édition de 1946.

Existe-t-il une différence de nature entre, pour s’en tenir à l’année 1951, All about Eve de Joseph Mankiewicz et Sils Maria de Olivier Assayas, entre Los olvidados de Luis Buñuel et Geronimo de Tony Gatlif  ? Entre Renato Castellani ( Deux sous d’espoir, 1952) et les frères Dardenne ?

Tout change et rien ne change, et l’émotion, lorsqu’elle surgit, est aussi intense.
Alors, maintenant que le spectre de "la mort du cinéma", considérablement sollicité il y a quelques décennies, est au placard, on peut évoquer la fin d’une époque, ou, comme le numéro spécial des Fiches du Cinéma, le passage d’un monde à un autre. Pourquoi pas - tout est envisageable avec la même pertinence.

Certes, l’atmosphère n’est pas celle des années 50, les questions essentielles (et existentielles) se posent différemment, les enjeux de la survie ne sont plus les mêmes. La violence est plus violente, l’angoisse plus angoissée.

 

Compétition officielle

 

Dans la compétition, tous les genres étaient représentés : le biopic, sous forme classique avec Mr. Turner de Mike Leigh, ou moderne avec Saint Laurent de Bertrand Bonello ; le polar avec Captives de Atom Egoyan ; le western avec The Homesman de Tommy Lee Jones ; le film de guerre avec The Search de Michel Hazavicinius ; le film social avec Deux jours, une nuit de Luc et Jean-Pierre Dardenne ; le film politique avec Timbuktu de Abderrahmane Sissoko ; la dénonciation du spectacle avec Maps to the Stars de David Cronenberg ; le drame psychologique avec Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan ; l’expérimental avec Adieu au langage de Jean-Luc Godard, et on en passe…

Le principal : avoir l’impression que l’on se trouve, dix jours durant, au cœur du monde et que les mesages expédiés du reste de la planète étaient nécessaires. Même si la planète se réduit : quatre titres asiatiques (sur quarante) dans les sections officielles, deux hispano-américains, deux africains.
On verra dans le détail (Jeune Cinéma spécial Cannes 2014 a onze pages de plus qu’en 2013), ce que les rédacteurs, sur le terrain et ici, ont retenu de cette édition - bien que certains films qui méritaient une note manquent à l’appel, tels Going Home de Zhang Yimou, Les Combattants de Thomas Calley ou P’tit Quinquin de Bruno Dumont, vus il y a trop longtemps et pas revus là-bas, dans la course constante aux projections.

Globalement, la qualité était au rendez-vous, comme en témoigne le tableau, dans Le Film français quotidien, des "étoiles de la critique" qui certifient la température ambiante. Oublions les grincheux de service, Le Figaro (1), les Cahiers du cinéma et Télérama, qui ont chacun détesté cinq films de la compétition sur quinze (mais pas les mêmes).
Le reste de la confrérie a manifesté sa satisfaction, multipliant les cotations "à la folie" pour nombre de titres, parfois à contre-courant de ce que le jury déciderait : le film le plus apprécié, Deux jours, deux nuits, est reparti bredouille, et le moins, Les Merveilles de Alice Rohrwacher a décroché le Grand prix.

Et puisque nous en sommes au jury, décernons lui le prix du mérite exigeant ou de l’exigence méritante, au choix.
Il y a longtemps qu’un palmarès ne nous avait autant réjouis, et fors Timbuktu, qui valait largement un prix spécial, aucun titre n’a été oublié.
Sans doute aurions-nous attribué, plutôt que les prix du jury, le prix de l’agitation à Mommy de Xavier Dolan - mais le jeune Canadien a ses fanatiques -, et celui de 30 millions d’amis à Adieu au langage - le chien Roxy intéressant apparemment Godard plus que ses personnages.
Mais qu’importe. La palme offerte à Nuri Bilge Ceylan pour Winter Sleep confirme ce que les lecteurs de Jeune Cinéma savaient depuis le dernier numéro : il s’agit d’un film d’exception - dont le public pourra goûter les richesses dès le 13 août 2014, belle manière de célébrer le cœur de l’été -, figure majeure du lot, quelques coudées au-dessus de Léviathan de Andrei Zviaguintsev, de Foxcatcher de Bennett Miller et de Maps to the Stars, ou de Timbuktu, autres sommets de la compétition.

 

Un certain regard

 

La section Un certain regard recèlait quelques pépites.
Outre la Caméra d’or justement décrochée par Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger & Samuel Theis, le superbe Charlie’s Country du trop rare Rolf De Heer, et la belle promenade au pays de Sebastião Salgado, The Salt of the Earth de Wim Wenders & Juliano Ribeiro Salgado, avouons notre prédilection pour des films pas très bien reçus : Lost River de Ryan Gosling, très attachante vision fantastique de l’Amérique perdue, The Disappearance of Eleanor Rigby de Ned Benson, ou A Girl at My Door de July Jung.
Et Jauja, dans lequel Lisandro Alonso nous convainc enfin.
Et Force majeure, où l’on retrouve les qualités des films précédents de Ruben Östlund - à l’inverse de White God, où l’on ne retrouve rien du Kornel Mundruczó que l’on admire.

L’ubiquité étant difficile sur la Croisette, regrettons de ne disposer, à titre personnel, que d’un point de vue (trop) limité des autres sections, Quinzaine des Réalisateurs et Semaine de la Critique - mais les collaborateurs parisiens de Jeune Cinéma les ont vus et ont fait leur choix.
Enfin, en tant qu’amateur du jeune cinéma français, félicitons les sélectionneurs de ACID. C’est là que l’on percevait le mieux l’émergence de cette nouvelle génération de cinéastes, Fabianny Deschamps, Marianne Tardieu, Pascal Tessaud ou Virgil Vernier, dont nous n’avons pas fini de parler.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°360, été 2014

1. Avec une médaille en chocolat spéciale pour Éric Neuhoff, qui a collé un point noir à tous les films du palmarès ! Le Figaro ou le terreau de la contestation…



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