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Mademoiselle I (2016)
de Park Chan-wook
publié le lundi 31 octobre 2016

par Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°374, été 2016

Sélection officielle en compétition du festival de Cannes 2016

Sortie le mardi 1er novembre 2016


 

Cf. aussi Mademoiselle II (rebond) par Anne Vignaux-Laurent.


Film à la forme proliférante, parfois à l’excès, Mademoiselle s’élabore, tel Le Bruit et la Fureur, en trois parties.

La première adopte le point de vue (ou plutôt le regard) d’une servante, pas si innocente que ça, engagée pour veiller sur une riche Japonaise (nous sommes dans la Corée des années 30), la seconde épouse les machinations de cette dernière, cloîtrée dans une immense demeure somptueusement décorée, tandis que la troisième partie résout, en une manière plus objective, le complot ourdi en coulisses par celui qui se fait passer pour un comte japonais.

On n’en dira pas plus des différents méandres et retournements de ces intrigues multiples, dont le nœud consiste précisément à l’évacuer (le nœud, i.e masculin) : au cours d’une superbe scène saphique, la Coréenne et la Japonaise s’allient physiquement tout en imaginant tour à tour ce que l’homme (le faux comte) aurait pu faire en pareilles circonstances.


 

La forme (au sens étymologique de “moulage”) masculine se voit ainsi conviée dans le jeu érotique, dans le même temps qu’elle en est évacuée, et cela est logique similaire, la défloraison est proprement déniée à l’homme, au profit de l’auto-mutilation dont le caractère “artificiel” nous est superbement transmis par un mouvement de caméra qui, d’une robe aux coquelicots, se dirige vers un drap tacheté de sang.

C’est le triomphe de la femme, des femmes, sur toute forme de domination masculine, jusques et y compris la domination par le regard, qui culmine dans un dispositif sadien explicitement revendiqué comme tel.


 


 

Que l’on puisse voir également, dans Mademoiselle, un apologue sur les relations sino-coréennes ne fait que confirmer la richesse d’un film à la maîtrise et à l’inventivité rarement démenties.

Patrick Saffar
Jeune Cinéma n°374, été 2016

Mademoiselle (Agassi aka The Handmaiden). Réal : Park Chan-wook ; sc : P. C-W & Chung Seo-kyung d’après le roman de Sarah Waters, Fingersmith (2002) ; ph : Chung Chung-hoon ; mu : Jo Yeong-wook ; mont : Kim Jae-bum & Kim Sang-beom ; cost : Jo Sang-gyeong. Int : Kim Min-hee, Ha Jung-woo, Kim Tae-ri, Cho Jin-woong, Moon So-ri, Kim Hae-sook, Jeong Ha-dam, Han Hana (Corée du Sud, 2016, 144 mn).



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