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Wulu (2016)
de Daouda Coulibaly
publié le mardi 13 juin 2017

par Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 14 juin 2017


 


Tout le monde n’était pas content du Fespaco 2017, 25e édition. Le festival aurait cessé de représenter les cinémas d’Afrique : pas d’émotion, pas de nouvelle écriture, aucun film dérangeant, plus de séances gratuites (1).
Difficile de juger de la programmation si on n’était pas à Ouagadougou. (2)

Quoiqu’il en soit, Wulu de Daouda Coulibaly, premier film franco-malien, qui y a reçu deux prix, le prix Ousmane-Sembène et celui de meilleur interprète masculin pour Ibrahima Kouma était parfaitement digne des festivals les plus prestigieux, et pas toujours plus judicieux dans leurs sélections. (3)
Ce thriller politique, tourné au Sénégal, est certes une grosse production qui a bénéficié de fonds européens. Heureusement que ce n’est pas forcément un handicap.

C’est d’abord le portrait d’une jeunesse sans avenir et sans moyens.

Un jeune homme, qui ne réussit pas à s’en sortir honnêtement, bascule dans le monde du crime. De conducteur talentueux et malin, il devient convoyeur de drogue, grâce à ces mêmes qualités. Son ambition est de permettre à sa sœur d’entrer dans le cercle des nantis de Bamako, et d’une certaine façon, de cette manière, il va réussir.


 

Le portrait est très réussi, à la fois par l’écriture du personnage, mutique et obstiné, tout autant que par les milieux décrits, la ville des pauvres comme la bourgeoisie des corrompus. La richesse facile, la pourriture ambiante, le cynisme des trafiquants (Olivier Rabourdin est très bien, mais il est toujours très bien), tout est montré, sans jamais aucune dénonciation explicite.

Ce qui fait la force du film, c’est cette exposition sans commentaire, à laquelle s’articule une évidence : l’organisation du réseau et du trafic profite à AQMI.


 

La dénonciation des maux dont souffrent le Mali et toute l’Europe de l’Ouest (violence, corruption, chômage, prostitution, népotisme) n’est pas gratuite et/ou morale, mais éminemment politique. "Si les gens qui déstabilisent cette région ont le moyen de le faire, c’est parce qu’ils ont les ressources pour le faire".

Daouda Coulibaly ne proclame rien, il démontre, sans discours, que le combat militaire du terrorisme sans la suppression de son financement, est hypocrite et absolument inefficace. Criminel, en somme.

Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Olivier Barlet, "Fespaco 2017 : un festival déconsidéré", Africultures, 8 mars 2017.

2. On se reportera au point de vue de Jeune Cinéma, dans le comte rendu du festival de Ouagadougou, Fespaco 2017.

3. Wulu a aussi été sélectionné au festival de Toronto 2017.

Wulu. Réal : Daouda Coulibaly ; ph : Pierre Milon ; mu : Eric Neveux ; mont : Julien Leloup. Int : Quim Gutiérrez, Dembele Habib, Ndiaye Ismaël, Ibrahim Koma, Ndiaye Mariame, Inna Modja, Olivier Rabourdin, Jean-Marie Traoré (France-Mali, 2016, 95 mn).

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