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JC n°385-386 - février 2018

publié le vendredi 9 mars 2018

JEUNE CINÉMA n°385-386, février 2018.

Couverture :
Francesca Bertini

Quatrième de couverture :
Pour le plaisir des amateurs XXXV : Lyda Borelli, une "vanité"

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ÉDITO JC n° 385-386, février 2018

 

Pourquoi Francesca Bertini en couverture, alors qu’aucun article dans ce numéro de (presque) printemps n’évoque la diva ?

D’abord, parce qu’un cycle, Mélodrames italiens, proposé ce dernier mois par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, est venu nous rappeler combien les trois stars de cette courte période (1914-1920), Lyda Borelli, Pina Menichelli et Francesca Bertini, étaient encore chargées d’une intensité dramatique qu’un siècle écoulé n’a pas épuisée, et comment leur beauté défiait le temps.

Ensuite, parce que c’était là une façon d’offrir une revanche à la mémoire de l’actrice : le n° 228 de Jeune Cinéma (été 1994) devait afficher sa photographie en couverture pour illustrer le texte qu’Anne Kieffer (1) lui consacrait. Une mauvaise manipulation de dernière minute et c’est le réalisateur Emilio Fernandez qui s’est retrouvé à sa place, sans que la légende soit modifiée - les lecteurs ont découvert que la Bertini portait une moustache mexicaine et jouait de la guitare. Il ne nous a fallu que vingt-quatre années pour lui rendre justice, mais c’est fait.

Les responsables du Festival de Berlin, en annonçant leur sélection, ont tenu à insister sur le fait que celle-ci incluait quatre réalisatrices, histoire d’affirmer qu’ils prenaient en compte l’air du temps et refusaient le sexisme ordinaire. Bravo.
Mais on pourrait remarquer que quatre sur dix-neuf, ce n’est pas vraiment un pourcentage glorieux.
Et que de toutes façons, la parité en art est un objectif fallacieux : faut-il autant de romanciers que de romancières dans la sélection du prix Goncourt, de peintres que de peintre-e-s dans les expositions, etc. ? On a peine à croire qu’un comité de sélection hésiterait entre le mauvais film d’un réalisateur et le bon d’une réalisatrice. Le problème ressurgira bientôt au moment de Cannes, où le genre des élus sera examiné à la loupe.

Au moins, le problème des quotas est-il réglé au Festival de Films de Femmes de Créteil, dont le programme de la 40e édition vient d’être publié.
On n’en dira rien, la plupart des titres étant inédits. Et inconnus de nous, sauf celui de Juliette Chenais de Busscher, Le Viol du routier, vu il y a tout juste un an et dont le souvenir reste vivace comme au premier jour. Il s’agit de cinéma pauvre - deux comédiennes, des non-professionnels et une réalisatrice qui occupe tous les postes - et qui compense cette pauvreté par un noir & blanc très travaillé et une étonnante fermeté de propos à l’intérieur d’une narration libre, tout en éclats et en affrontements violents (et surtout sexuels). Rarement un discours s’est proclamé aussi ouvertement féministe, dans un registre à la fois grossier, sérieux et tendre - et toujours juste. Les hommes sont tous plongés dans le même sac, ce qui assure au film son actualité. Pour les amateurs anciens, les deux héroïnes rappellent Les Petites Marguerites de Vera Chytilova, à la puissance 10. Bancal, imparfait, mais teigneux et roboratif : tout ce qu’on aime.

Encore beaucoup de patrimoine au sommaire de ce numéro.
Non que l’actualité ne nous passionne plus, mais nous peinons à découvrir les deux ou trois chefs-d’œuvre que la presse nous vante hebdomadairement, et revenir sur Woody Allen ou Clint Eastwood n’aurait pas grand sens désormais.

Depuis décembre, deux grands films coups de cœur et une douzaine de "petits" films comme Jeune Cinéma les défend depuis l’aube des temps, allons, la moisson n’est pas si restreinte. Et si les DVD occupent un espace aussi important, c’est parce qu’ils réaffirment notre lien avec le passé d’un art dont on est loin d’avoir exploré tous les recoins. Vingt-six films de Jean Rouch inconnus permettent de mieux supporter l’intérêt souvent faible des sorties de la semaine. Depuis quelques années, l’édition vidéo est annoncée comme moribonde et l’issue fatale finira bien par arriver ; profitons donc pleinement de ses derniers beaux instants.

Et puisque nous en sommes au chapitre patrimonial, rappelons que Toute la mémoire du monde, le festival organisé par la Cinémathèque française aura lieu du 7 au 11 mars 2018, avec un hommage à Wim Wenders, dont les années créatrices sont bien loin (un doc sur le pape, jusqu’où va-t-il oser aller ?), quelques gâteries bien venues, polars mexicains d’après-guerre (Bracho et Gavaldon, (2) programme sympathique mais déjà vu à Bologne et à Lyon), perles hongroises anciennes (Szabo, Kovacs, De Toth) et, surtout, films muets de Anthony Asquith, toutes choses au sommaire du prochain numéro.

Après en avoir pris plein les yeux au temps du Cinérama et de ses écrans multiples (Les Sept Merveilles du monde à l’Empire, c’était quelque chose), on est curieux d’en découvrir la version numérique : que restera-t-il de l’éblouissement premier ?

Les Mémoires de Jean Charles Tacchella, tout tissés de passion et de modestie, se sont révélés à la hauteur de notre attente.
Il y décrit si bien son travail sur ses films qu’il nous a donné envie de les revisiter. Jeune Cinéma avait été parmi les premières revues à défendre son Voyage en Grande Tartarie et nous avions suivi ensuite toute sa production avec attention. Mais ça ne date pas d’hier et nous désirions les revoir avec notre regard d’aujourd’hui ; compte en sera rendu dans le n° 387, mais on peut d’ores et déjà recommander la lecture de cette somme fort goûteuse et qui restitue un grand pan d’histoire du cinéma français des sept dernières décennies - Tacchella, certes, mais aussi Léonide Moguy et Yves Ciampi (qui s’en souvient ?).
Recommandation également valable pour Le Cinéma en héritage de Jean-Claude Missiaen : inutile d’attendre notre recension prochaine pour savourer ce superbe album de souvenirs - on en attendait pas moins d’un admirateur aussi affûté de Cyd Charisse et de Anthony Mann.
Le Festival de Berlin commence, celui de Cannes s’annonce.
La belle saison est proche.

Lucien Logette

P.S. : Ciel rouge de Olivier Lorelle (2016) un de nos coups de cœur, sort en DVD (Jour2fête). Il est temps de rattraper sa distribution confidentielle.

1. Bertini, Francesca (1892-1985). Francesca Bertini, déesse du cinéma italien. (Jeune Cinéma n° 228, été 1994).

2. Gavaldón, Roberto (1909-1986). Lumières mexicaines : Gavaldón, Figueroa et quelques autres… (Jeune Cinéma n° 344-345, printemps 2012).



SOMMAIRE JC n°385-386, février 2018

 

Coups de cœur
 

* La Forme de l’eau, par Anne Vignaux-Laurent.

* Pentagon Papers, par Bernard Nave.

Du monde entier
 

Cinéma italien, par Lucien Logette

* De Rome à Paris 2018.

* Cinéma italien d’hier…

* … et d’avant-hier.

* L’Italie au miroir de son cinéma, vol. 2. sous la direction de Jean A. Gili.

* Simon Simsi (1938-2018), par Jean A. Gili.

Entretien
 

* Rencontre avec Juan Martin Guevara, frère du Che, par Nicole Gabriel & Nicolas Villodre

Festivals
 

* Festival international de films de femmes (Créteil 2017), par Marceau Aidan.

Documentaires
 

Jean Rouch inconnu.

* Jean Rouch, un cinéma léger (DVD), par Nicole Gabriel.

* La Punition ou les mauvaises rencontres, par Lucien Logette.

DVD
 

* Glanures. De Hanns Heinz Ewers à Solveig Anspach, par Philippe Roger.

* Chronique du printemps 2018, par Jérôme Fabre.

* Variétés. De Youssef Chahine à Tony Gatlif, par Robert Grélier.

Patrimoine
 

* Inferno 12. Élégie de l’ennui : Éric Rohmer, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi

* Grandes et petites énigmes de l’histoire du cinéma muet IV & V, par Vincent Pinel.
IV. La Fée aux choux et Alice Guy.
V. La naissance d’un nouveau regard.

* Le retour de Fantômas, par René Prédal.

* Projections éphémères, par Nicole Gabriel.
Le Tombeau hindou de Fritz Lang et Thea von Harbou (1921).
La Mort du cygne de Evgueni Bauer (1916).

Précinéma
 

* Lanternes magiques 2, par René Prédal.

Cinéma et Littérature
 

* Toute la mémoire du surréalisme (3), par Robert Grélier

* André Delons et Nicole Vedrès, par Lucien Logette.

Expérimental
 

* Chefs-d’œuvre du cinéma expérimental, par Gisèle Breteau Skira.

* Stan Brackage. Anticipation of the Night, par Nicole Gabriel.

Animation
 

* Alice Comedies vol. 2 en salle, par Nicolas Villodre.

* Alice Comedies [vol. 1] en DVD, par Claudine Castel.

* L’Esprit du lieu, 10 ans de résidence à l’abaye de Fontevraud, par Lucien Logette.

Actualités
 

* 3 Billboards. Les Panneaux de la vengeance, par Bernard Nave.

* Jusqu’à la garde, par Sol O’Brien.

* La Caméra de Claire, par Gisèle Breteau Skira.

* La Belle et la Belle, par Jean-Max Méjean.

* 9 doigts, par Nicole Gabriel.

* Féminins plurielles, par Gisèle Breteau Skira.

* La fête est finie, par Jean-Max Méjean.

* NON, par Thomas Coster.

* Winter Brothers, par Nicole Gabriel.

* Les Destinées d’Asher, par Gisèle Breteau Skira.

* La Prière, par Jean-Max Méjean.

* Drop of Sun, par Gisèle Breteau Skira.

Hommage
 

* Jean-Christophe Averty, la bio, par Nicolas Villodre.

Livres
 

* L’Atalante de Jean-Max Méjean et Madame de… de Dominique Delouche, par Lucien Logette.

* Les Vacances de Julie Wolkenstein, par René Prédal.

* À la recherche d’Iracema de Jorge Bondansky, par Robert Grélier.

Nécrologies
 

* Jacques Lassalle (1936-2018), par René Prédal.

* Paul Paviot (1926-2017), par Nicolas Villodre.

Humeurs
 

* Humeurs d’hiver, par Bernard Chardère.

JEUNE CINÉMA n°385-386, février 2018.



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