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Femmes d’Argentine (2019)
de Juan Solanas
publié le mercredi 30 décembre 2020

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°395, été 2019

Sélection officielle Hors compétition du Festival de Cannes 2019

Sortie le mercredi 11 mars 2020


 


La loi Veil sur l’IVG n’est pas sortie toute seule de la volonté de la ministre de la Santé de 1975. Le terrain avait été préparé par le manifeste des 343 "salopes" de 1971 (1). Tout ceci est pour nous de l’histoire ancienne, un acquis que même les déclarations d’un candidat réactionnaire aux élections européennes ne peuvent plus remettre en question.


 

On pouvait croire que le sens du progrès, avec plus ou moins de retard, était univoque et que toute la planète marcherait un jour du même pas. Les récentes décisions honteuses de quelques États nord-américains, le réarmement moral pratiqué par quelques gouvernants est-européens prouvent qu’il n’en est rien et que le combat n’est jamais achevé.


 


 

C’est ce que montre Juan Solanas filmant les manifestations, dans les rues de toute l’Argentine, de femmes réclamant que le Sénat vote enfin la loi autorisant l’avortement. (2)
À la bonne école de son père Fernando - que son statut de sénateur n’empêche pas, à 83 ans, de continuer à tourner (3) -, il a su faire un documentaire militant et informé, sans caricaturer les opposants, laissant les postures et les discours parler d’eux-mêmes (les médecins venant défendre la germination à la tribune du Sénat sont gratinés).


 

L’enthousiasme général, la joie de toutes ces femmes d’être ensemble, la justesse de leurs arguments, l’exemplarité des cas dramatiques évoqués, l’intelligence de quelques prêtres (tout arrive) et de quelques sénateurs (Pino Solanas en tête), tout est enthousiasmant. Malgré le vote négatif du Sénat, fin août 2018, le mouvement ne s’arrêtera pas.


 


 

Parmi les nombreux docs de l’année, c’est un des plus porteurs d’espoirs, sans schématisme ni a priori  : il donne la parole aux partisans Pro Vie et ce n’est pas de son fait si leur propos est aussi ridicule - "la Vie, La Foi et la Patrie", quel programme !

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°395, été 2019

1. Pour les jeunes : Le Manifeste des 343, rédigé par Simone de Beauvoir, est paru le 5 avril 1971 en Une du n° 334 du Nouvel Observateur, signé par 343 femmes connues pour la plupart, déclarant "Je me suis fait avorter". L’avortement (qui deviendra l’IVG) était illégal et elle s’exposaient à des des poursuites pénales. Après une Une de Cabu dans Charlie Hebdo la semaine suivante, le Manifeste deviendra dans deviendra "le Manifeste des 343 salopes." Ce manifeste suivait la légalisation de la contraception (1967), et précéda le procès de Bobigny (1972). La Loi Veil, dépénalisant l’IVG, date du 17 janvier 1975.
Cf. "Le féminisme français en devenir. État des lieux au tout début du 21e siècle" (2010).
Cf. aussi : Histoires d’A de Charles Belmont & Marielle Issartel, premier documentaire sur la liberté de l’avortement, financé par le Planning familial, qui fut interdit par la censure en 1973.

2. En Argentine, l’avortement n’est légal qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, ce qui n’est jamais établi. Une femme meurt chaque semaine des suites d’un avortement clandestin. "Que sea ley !" (Que ce soit la loi !) est le cri de ralliement des manifestantes.

3. Fernando Solanas (1936-2020). Son dernier film, Le Grain et l’Ivraie (Viaje a los Pueblos Fumigados, 2018) est sorti en France en 2019.
Son premier long métrage, L’Heure des brasiers (La hora de los hornos : Notas y testimonios sobre el neocolonialismo, la violencia y la liberación) un documentaire de 4 heures 20 minutes, date de 1968. Il fut présenté au Festival de Pesaro en juin 1968, au Festival de Mannheim en novembre 1968, au Festival de Cannes en mai 1969, et à Cannes Classic en mai 2018.
Juan Solanas est né en 1966. Que sea ley est son troisième long métrage et son premier documentaire.


Femmes d’Argentine (Que sea ley) : Réal, ph, sc, dial, son, mont : Juan Solanas ; mu : Paula Moore (Argentine-Uruguay-France, 2019, 86 mn). Documentaire.



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