Didier Bezace (1946-2020) est mort mercredi dernier, le 11 mars 2020.
Nous l’avons suivi depuis le début de sa vie théâtrale, quand il avait rejoint, au début des années 1970, avec Jean-Louis Benoît (né en 1947), le Théâtre de l’Aquarium, troupe d’intervention autogérée fondée par Jacques Nichet (1942-2019), en 1968, dont les spectacles, des créations collectives, tournaient dans toute la Décentralisation, et notamment dans les neuf Maisons de la Culture.
Marchands de ville en 1972 (la spéculation immobilière) ou La jeune lune tient la vieille lune toute la nuit dans ses bras en 1976 (la parole des ouvriers) marquaient les esprits, prolongeant la grande ferveur de Mai 68.
À partir de 1972, le Théâtre de l’Aquarium s’est stabilisé et installé à la Cartoucherie de Vincennes.
C’est là, à l’initiative de son voisin Philippe Adrien (né en 1939) et son Théâtre de la Tempête, à partir de La Misère du monde, l’ouvrage dirigé par Pierre Bourdieu paru en 1993, qu’a mûri le projet des Rencontres de la Cartoucherie : de multiples petites formes spectaculaires, "entre Bourdieu et Brecht", en 1996, le thème était "Le monde comme il va".
Pour Didier Bezace, qui citait Otto Dix (1891-1969) et la Nouvelle Objectivité, qui travaillait au plus près des gens ordinaires et du réel, ce n’était que la prolongation du travail théâtral d’enquête mené par l’Aquarium première manière des années 70. Au plus près de la citation de Spinoza placée en exergue par Bourdieu : "Ne pas déplorer, ne pas rire, ne pas détester mais comprendre".
Ce fut Le jour et la nuit en mai 1996, en 3 parties : Travail de nuit, un entretien de Rosine Christin ; L’Émancipation, un entretien de Abdelmalek Sayad ; Épouse et collaboratrice, un entretien de Jean-Pierre Faguer.
Et puis, il prit la direction du Théâtre de la Commune, en 1997, à Aubervilliers. C’était du temps de Jack Ralite. C’était il y mille ans.
Didier Bezace était aussi un grand acteur de cinéma.
Pour nous, il demeurera d’abord le Lulu de L627 de Bertrand Tavernier (1992)
Et l’inoubliable Castelot de Ma vie en l’air de Rémi Bezançon (2005).
Sans oublier le docteur Paul Courrèges, aux côtés de Emmanuelle Béart, dans Le Désert de l’amour de Jean-Daniel Verhaeghe (2012), qui fut parmi les tout premiers collaborateurs de Jeune Cinéma, en 1964.