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Mon cher petit village (1985)
de Jiri Menzel
publié le jeudi 26 novembre 2020

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°182, juillet 1987

Sélection aux Oscars du meilleur film étranger 1987
Inédit en France


 


Jiri Menzel s’était fait connaître il y a vingt ans avec un film tragi-comique particulièrement réussi : Trains étroitement surveillés. (1)

Cette chronique d’une petite bourgade de Tchécoslovaquie qu’il nous présente aujourd’hui dans Mon cher petit village s’avère tout aussi savoureuse mais dénuée de tout élément dramatique. Alors que son premier film voyait son fragile héros mourir en déposant une bombe dans un train de munitions allemand. Ici le happy-end est de rigueur et surtout, Jiri Menzel refuse de décrire des personnages totalement méchants (2).


 


 

Au centre de l’histoire et des préoccupations de village, il y a Otik, grand jeune homme un peu simplet, fou de cinéma et camarade de travail dévoué corps et âme à Pavek, père de famille débonnaire et affectueux qui le considère un peu comme un fils.
Mais Pavek a décidé de se séparer de ce collègue pot de colle et trop prévenant par qui toutes les catastrophes arrivent. Otik, dont la maison est convoitée par plus d’un responsable de l’usine doit donc partir à la ville, lui qui n’a jamais quitté son cher village. L’intransigeance de Pavek, la décision désespérée d’Otik, vont mettre les habitants en effervescence.


 

Jiri Menzel pose son regard tendre et farouche, compréhensif et satirique sur ce petit monde provincial qui vit aux rythmes des petits drames et des joies simples du quotidien. Du chauffeur Turek trompé par sa femme, au docteur plus confident que médecin, de la belle et sérieuse institutrice, suscitant bien des élans amoureux, au zootechnicien manipulateur et intrigant, le réalisateur brosse une multitude de portraits décapants, hilarants mais toujours très humains. Tous ces personnages se retrouvent dans des situations insolites, amusantes et tendres, cocasses et émouvantes.


 


 

Par sa mise en scène fluide et discrète, il nous rend sensibles à l’absurdité de certains comportements. Otik et Pavek, tels Laurel et Hardy, descendent fièrement la grande rue pour se rendre à leur travail. Otik, oreilles au vent, sourire ravi et jambes immenses, essaie continuellement de se mettre au pas de Pavek. Seul et désespéré, il ne comprend pas la colère de Pavek à qui il voue une admiration et une amitié sans borne. Otik encore, perdu dans la capitale, un casque de walkman sur la tête, essaie de retrouver son chemin au milieu de passants indifférents. Otik toujours, luttant contre les ascenseurs, les chasses d’eau et les cordons de stores dans l’appartement que le directeur de l’usine lui a donnés en échange de sa jolie maison, prend peu à peu conscience de son triste sort.


 


 

Autant de séquences traitées de main de maître et montées sur un rythme alerte par une caméra compréhensive et moqueuse, qui suit les comportements des personnages, s’arrête sur les détails drôles et fins, les menant jusqu’aux rives de la tragi-comédie en alternant des gags dignes des grands burlesques américains (la séquence de la cantine entre Otik et Pavek), de l’humour plus subtil et des moments touchants.


 

Retrouvant toutes les ressources de la truculence tchèque, le réalisateur ne démontre pas, ne dénonce rien, ne donne aucune leçon de morale, se contentant avec malice de présenter ses personnages avec leur mesquinerie et parfois leur grandeur d’âme, leur besoin d’aimer et d’être aimé. Jiri Menzel parvient à extraire des situations les plus conventionnelles une fraîcheur, une drôlerie, une naïveté et finalement une émotion qui sont les marques de son grand talent.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°182, juillet 1987

1. Trains étroitement surveillés, Sélection officielle Hors compétition au Festival de Cannes 1967 et Oscar 1968 du meilleur film étranger, est sorti en salles les 22 novembre 1967 et 12 novembre 2014.

2. Le film a été sélectionné au Festival de Chamrousse 1987 où il a reçu le Grand Prix du film d’humour.
Cf. Entretien avec Jiri Menzel,à propos de Mon cher petit village, in Jeune Cinéma n° 181, mai 1987.

* En hommage à Jiří Menzel (1938-2020), mort le 5 septembre 2020, devait sortir en salles une rétrospective, le 11 novembre 2020, annulée en raison du Confinement II.
En DVD chez Malavida, le coffret est épuisé.
Mais on trouve encore : Trains étroitement surveillés (Oscar Meilleur film étranger 1968), Un été capricieux, Une blonde émoustillante (Mention spéciale à la Mostra de Venise 1981) et Mon cher petit village.


Mon cher petit village (Vesnicko má stredisková). Réal : Jiri Menzel ; sc : Zdenek Sverak ; ph : Jaromir Sofr ; mu : Jiri Sust. Int : János Bán, Marián Labuda, Rudolf Hrušínský, Petr Čepek, Libuše Šafránková, Jan Hartl, Zdeněk Svěrák, František Vláčil (Tchécoslovaquie, 1985, 98 mn).



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