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Reinhardt, René (né en 1966) (e)
Entretien avec Andrée Tournès (2002)
publié le dimanche 21 décembre 2014

Rencontre avec René Reinhardt
à propos de Mathilda

Festival de Mannheim-Heidelberg, novembre 2002
Jeune Cinéma n° 282, mai 2003


Mathilda est, selon son auteur, un thriller romantique.

Leipzig filmé de nuit est "le lieu du crime", d’où émergent comme des stations théâtrales - dans leur ordre d’apparition - un commissariat de police, la maison du jeune amoureux Moritz, celle de la jeune fille aimée, l’arrière-boutique d’un antiquaire.

L’intrigue s’emballe avec la tournée nocturne de deux flics, un vieux ripou et Moritz le stagiaire. Une voleuse est surprise en train de décrocher une horloge d’une usine désaffectée, Moritz assomme son collègue en train de violer la fille, tombe amoureux fou, et laisse un billet avec son adresse. Quand elle l’appelle, commence une tragi-comédie des erreurs, avec secrets dans l’armoire, mort et faux mort et douloureux secret de famille.
Matilda prodigue un plaisir visuel constant avec ses flambées dans la nuit, les entassements de cercles lumineux, sa voleuse escaladeuse de parois fauchant les horloges comme le voleur de Paul Grimault les paratonnerres.

Et le spectateur perd pied devant ces révélations en pelure d’oignon, sans autre certitude que la bravoure des acteurs.

Jeune Cinéma : Pouvez-vous donner une idée de votre parcours depuis l’École d’art dramatique Ernst Bush à Berlin jusqu’à votre travail de cinéaste ?

René Reinhardt : L’École Ernst Bush formait des acteurs, mais enseignait aussi la mise en scène. Mon professeur m’a choisi comme metteur en scène. Cela concerne la période de 1988 à 1992.

Puis il y a eu la rencontre avec Rosa von Praunheim, qui était venu comme invité faire un cours à l’École. Il a voulu engager quelques élèves pour jouer dans le film qu’il préparait sur Piscator, un documentaire mêlé de fiction.

Nous avions été formés à l’école très stricte de Brecht, von Praunheim nous a fait improviser, et nous a appris un jeu plus physique, plus spontané, le type de travail un peu fou qui était le sien.
Ensuite, nous sommes allés, un petit groupe d’amis et moi, à Iéna, où nous avons squatté un théâtre à l’abandon et avons créé une scène.
On nous a laissé faire.
Enfin, nous sommes allés à Leipzig. Dans un quartier ouvrier de l’Ouest, on a repéré un vieux cinéma désaffecté, vide, sans chauffage, sans rien. Et, surprise, nous avons découvert derrière des panneaux, une salle de style art nouveau.
On a décidé de créer un spectacle théâtral sur le thème du Golem, et parallèlement, d’y présenter sur écran le film de Paul Wegener.
Le public est venu.
Et c’est là que j’ai fait ma première mise en scène de théâtre avec un Hamlet dans lequel j’avais intégré un petit film qui révélait les crimes du roi. Il hurlait et déchirait l’écran. C’était inspiré d’une mise en scène de Heiner Muller.
Puis j’ai monté Le Roi Lear.

J’ai quitté Leipzig, où le travail a continué sans moi, et suis parti pour Londres, en 1999. Je voulais apprendre la manière de produire un film de manière indépendante.

Au retour, j’ai connu Myriam, qui s’intéressait à la production, et nous avons décidé de faire notre premier film, en 2001, Das Monstrum, sur le Volkerschlacht Denkmal, cette horreur qui était censée honorer la victoire contre Napoléon.
C’était actualisé, il y avait une histoire d’amour et une intrigue grotesque sur un Américain qui achetait le monument et l’emmenait en Amérique.

C’est avec les recettes que nous avons pu produire Mathilda.

On a tourné en digital, transféré ensuite en 35, mais c’était un digital spécial, une mini-caméra avec un dispositif filmant en scope !
Tout le groupe a joué sans rémunération, on a ciblé le film sur les gens de Leipzig, et comme il a marché, on a pu payer tout le monde.
Quant aux personnages, on avait le temps de les élaborer ensemble.

Le point de départ a été pour moi la rencontre d’amour fou entre la voleuse et le flic, le reste, on l’a construit ensemble, en imaginant à chaque fois toutes les directions possibles et en laissant une grande place à l’imagination du spectateur.

Je dois rappeler aussi que je dois ma passion pour le cinéma à ma grand-mère, qui avait, Dieu sait comment, un poste de télévision, en 1970, à une époque où personne en Allemagne de l’Est n’y avait accès !
Toute la nuit, j’avais la France et le cinéma de Truffaut, de Resnais, et de Lelouch. Mon film culte, c’était Marienbad.

Propos recueillis par Andrée Tournès
Mannheim, novembre 2002
Jeune Cinéma n° 282, mai 2003

Mathilda. Réal, sc : René Reinhardt ; ph : Uwe Mann ; mu : Heiko Schneider. Int : Nele Rosetz, Roman Knizka (Allemagne, 2002, 91 mn).

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