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Mort est mon métier (la) (1977)
de Theodor Kotulla
publié le samedi 20 juin 2015

par Daniel Sauvaget
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

Film inédit en France


 

Pour saluer son cinquantenaire, Jeune Cinéma a posé une question à ses collaborateurs : Quel film des cent dernières années aimeriez-vous sortir de l’ombre ?
Ce film fait partie des hidden gem (re)découverts à cette occasion.


Lorsqu’il tourne en 1976 son adaptation du roman de Robert Merle consacré au commandant d’Auschwitz, La mort est mon métier, Theodor Kotulla a choisi pour titre original Aus einem deutschen Leben, ce qui pourrait être traduit par "Extraits de la vie d’un Allemand".


 


 

Car le point de vue du film est que Rudolf Höss (1) n’est pas un cas singulier, mais le produit d’une histoire, d’une éducation, d’une société, de tout ce qui a frayé la voie au nazisme. L’auteur a toujours eu une posture critique vis-vis de l’histoire de l’Allemagne et des amnésies qui ont suivi la guerre. Ainsi, un de ses autres films, Bis zum Happy-End (1968) se fondait-il, selon ses propres termes, sur l’idée qu’il y aurait un cadavre dans le placard de chaque famille allemande. (2)


 

Si l’on compare le roman et l’adaptation de Theodor Kotulla, on s’aperçoit vite que son film insiste plus sur la dimension sociologique et la représentativité que sur la psychologie. À la fois brechtien et admirateur de Robert Bresson, auquel il a consacré un documentaire, (3) il réussit la fusion de ces deux démarches artistiques, l’utopie des années 1970 rarement concrétisée. Grande cohérence, donc, sur un thème ardu, Auschwitz - coté bourreaux.


 


 

Le cinéaste, né en 1928 et mort en 2001, était un homme de gauche, inapte aux concessions, modeste, à l’écart des clans et des coteries, qui n’a pas eu, même en Allemagne (où, pourtant il était très respecté), la reconnaissance qu’il méritait.
Encore étudiant, il avait fondé avec son ami Enno Patalas (futur directeur de la Cinémathèque de Munich) et l’universitaire Walter Hageman une revue de cinéma qui deviendra Filmkritik, à laquelle il collaborera jusqu’en 1967. (4) C’est seulement après sa mort qu’est paru (en 2005) le premier livre sur son œuvre, grâce à la Cinémathèque de Berlin. (5)


 

Le film est sorti en Allemagne de l’Ouest le 18 novembre 1977. En France, il n’a pas connu de distribution commerciale. Il a été diffusé en téléfilm en 1982 (tard le soir et en version doublée), puis seulement sur Arte en 1995.

Daniel Sauvaget
Jeune Cinéma n°361-362, automne 2014

* Cf. aussi "Rencontre entre Jean Delmas et Theodor Kotulla", à propos de La mort est mon métier Jeune Cinéma n°115 décembre 1978-janvier 1979.

1. Ne pas confondre Rudolf Höss (1900-1947) témoin au procès de Nuremberg, condamné à mort par le Tribunal suprême de Pologne, pendu le 16 avril 1947 à Auschwitz. et Rudolph Hess (1894-1987), jugé à Nuremberg, condamné à la prison à perpétuité, retrouvé pendu en détention le 27 août 1987 .

2. En Allemagne, Bis zum Happy-End a été présenté au Festival de Mannheim 1968 et le film est passé à la télévision allemande en 1970. Le titre anglais : Till the Happy End.

3. Il s’agit de Zum Beispiel Bresson (1967), littéralement "Par exemple Bresson", traduit généralement par Au hasard Bresson, un court métrage de 31 minutes, sur le tournage de Mouchette, avec une caméra portable.

4. Filmkritik (1957-1984) a été la première revue de cinéma à paraître après la guerre.

5. Rolf Aurich & Wolfgang Jacobsen, éds., Theodor Kotulla, Regisseur und Kritiker, Munich, Deutsche Kinematek, Text + Kritik, 2005.


La mort est mon métier (Aus einem deutschen Leben). Réal, sc : Theodor Kotulla, d’après le roman de Robert Merle (1952). Int : Kai Taschner, Götz George, Elisabeth Schwarz, Hans Korte, Matthias Fuchs, Peter Franke (Allemagne, 1977, 145 min).



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