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Beineix, Jean-Jacques (1946-2022)
Brève
publié le samedi 15 janvier 2022

Jeune Cinéma en ligne directe
Journal de Shi-Wei (samedi 15 janvier 2022).


 


Samedi 15 janvier 2022

 

Jean-Jacques Beineix (1946-2022) est mort avant-hier, jeudi 13 janvier 2022.


 

Le succès de Diva (4 César en 1982) nous irritait fortement et ça faisait des engueulades entre amis. Nous, oui, on pensait que c’était "un petit malin au style de pubard". Mais ce n’était pas, comme le suggère Le Parisien, que nous ayons été "des gardiens du Temple", ni des intellos rigides, ni des enfants de la Nouvelle Vague. Il ne faut pas tout confondre, les temples et les chapelles, les artistes et les "créateurs" de look branché.


 

On ne lui en voulait pas à lui, tout le monde a le droit de faire des films de pub. On adore ceux de Roy Andersson, et son sens de l’ellipse. Et même, on a apprécié l’émission Culture Pub (1986-1989). Mais on les aimait ristretti. Diva de Jean-Jacques Beineix était un clip allongé, bien branché, bien frimeur, on n’aimait ni ses amateurs, ni ses laudateurs, ni ses succès. On pressentait dans cette bande de pretenders, comme un reflux, une "réaction", l’embryon de cette nouvelle société qui commençait à s’installer, que, cette fois, aucun nouveau Mai 68 ne pourrait déstabiliser.

Donc c’est d’un œil distrait qu’on avait été voir La Lune dans le caniveau (1983), plus pour le bienaimé David Goodis et son joli titre, The Moon in the Gutter (1953)
et pour la photo de Philppe Rousselot. Mais on n’avait guère reconnu quoi que ce soit d’éclatant. À sa décharge, peut-être qu’on préférait le noir et blanc des films noirs. Il faudrait le revoir.


 

Ensuite, on est allé voir 37°2 le matin (1986), pour Philippe Djian, et comme dernière chance pour Jean-Jacques Beineix. Et là, ça a marché. Ce n’était pas un chef d’œuvre, mais on aimait pas mal cette Béatrice Dalle inconnue, encore toute fraîche, et on suivait Jean-Hugues Anglade depuis un moment, au théâtre et au cinéma, avec Patrice Chéreau, même quand c’était raté comme Great Britain d’après Edouard II de Christopher Marlowe, au Théâtre Nanterre-Amandiers.


 

37°2 le matin (1986) eut du succès, commercial et critique. Mais le film ne promettait rien, en tout cas pas une œuvre, peut-être était-il entaché de soupçons. C’est peut-être pour ça qu’on n’a pas été voir les films suivants, et qu’on n’a même pas vraiment repéré les échecs de Jean-Jacques Beineix et sa progressive disparition des écrans.
La rubrique people l’avait à nouveau amené sur le devant de la scène au moment de la mort de Yves Montand (1921-1991), avant la fin du tournage de leur film, IP5 : L’île aux pachydermes (1991). Il était carrément devenu un cinéaste maudit.


 

Il paraît qu’il a eu une œuvre documentaire, à partir des années 1990. On ne la connaît pas.
Le destin social de Jean-Jacques Beineix est étrange et sans doute injuste. Il était peut-être trop éclectique, mais cela n’a pas empêché nombre de réalisateurs de poursuivre une carrière.
Il n’était pas un loser, il ne devint pas un perdant magnifique alors même qu’il était relativement solitaire et semblait aimé par son cercle proche.
Mais il n’était sans doute pas non plus un vrai gagnant. Il avait dit quelque part : "Il y a un danger dans le succès, j’ai toujours pensé ça". "Voglio e non voglio", comme aurait dit Zerlina face aux avances de Don Juan. C’est comme si, au cours de sa vie-son œuvre, il n’avait trouvé en lui-même que ses failles et jamais son authenticité.



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