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Rabourdin, Dominique (livre)
Cinéma surréaliste (2017)
publié le dimanche 3 mars 2019

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°384, décembre 2017

Dominique Rabourdin, Cinéma surréaliste, Jean-Michel Place, 2017.


 


Le surréalisme et le cinéma, le surréalisme au cinéma, le cinéma des surréalistes, les surréalistes et le cinéma, toutes les permutations ont été utilisées ad libitum pour aborder le sujet : quels sont les liens véritables entre l’un et l’autre ? La question ne date pas d’hier, mais d’un peu plus de soixante ans, lorsque parut Le Surréalisme au cinéma, premier ouvrage de Ado Kyrou, en 1953.
Depuis, les témoins, défricheurs, analystes, praticiens, universitaires, dilettantes, ont multiplié les approches au fil des ans, privilégiant un auteur ayant écrit sur le cinéma (Philippe Soupault, Robert Desnos, Antonin Artaud, Benjamin Péret, André Delons, Brunius), ou établissant un usuel précieux, à un moment où l’accès aux originaux n’était pas encore facilité par la numérisation des fonds : Les Surréalistes et le cinéma, composé, en 1976, par Alain & Odette Virmaux.
Les quelques anthologies recueillaient des textes écrits par des membres du groupe, au hasard des journaux et périodiques du temps - et les titres sont nombreux qui les accueillirent, Film, L’Humanité, Cinéa-Ciné pour tous, La Revue du cinéma, Spectateurs, Regards, entre dix autres, pour les seules années 20 et 30.

Le travail de compilation effectué par Dominique Rabourdin, qui, dans les vingt-cinq pages érudites de la préface, cerne précisément le sujet, obéit à un critère beaucoup plus strict : ne prendre en compte que les articles sur le cinéma publiés dans les revues surréalistes "officielles", de la première, Littérature, à la dernière, L’Archibras, ou dans les numéros spéciaux "surréalistes" de revues extérieures au mouvement, Variétés, Documents 34, L’Âge du cinéma. L’ensemble, à l’aune de l’importance du cinéma pour les membres du groupe, n’est pas si vaste : moins de soixante textes, de quelques lignes à une douzaine de pages. À première vue, il ne manque rien.

L’avantage de ce choix est de voir surgir, aux côtés des "cinéphiles" répertoriés, Brunius ou l’équipe de L’Âge du cinéma - Gérard Legrand, Georges Goldfayn, Robert Benayoun, etc. -, des noms inhabituels que l’on n’associe pas d’habitude au 7e Art, tels Irène Hamoir, Nora Mitrani, Maurice Heine ou Jean-Pierre Duprey. Et même "la riche et très mystérieuse" Irène Hillel-Erlanger (1), dont les seuls lecteurs de Littérature (période Dada) connaissaient l’étrange fantaisie sur Pearl White (1889-1938). L’ouvrage regorge de textes "historiques", ceux de André Breton, si peu nombreux - on ne signalera jamais suffisamment la beauté de "Comme dans un bois" (1951), le long manifeste collectif sur L’Âge d’or (1930), les perles que rassemble le n° 4-5 de L’Âge du cinéma (1951).

On y découvre même des raretés extrêmes, que les seuls éplucheurs frénétiques des revues du mouvement avaient en magasin, comme les articles publiés dans l’éphémère Clé (1939) par Brunius et Yves Allégret dont le papier sur Lénine en octobre de Mikhaïl Romm est un régal, ou les courtes notes parues dans Medium (1ère série) en 1952 et 1953. L’article de Alain Jaubert, repris de L’Archibras (1968), qui accorde aux Petites Marguerites de Vera Chytilova (1966) un brevet "d’excès surréaliste", est une jolie façon de boucler la boucle.

Ce volume s’insère harmonieusement dans la remarquable collection dirigée par Georges Sebbag, où ont été abordés, entre autres aspects, les enquêtes, les jeux, les sommeils, les procès, les fait divers, tout ce qui constitue l’inoubliable activité du mouvement surréaliste.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°384, décembre 2017

P.S. Max Schoendorff, peintre, fondateur de l’URDLA (Centre international estampe et livre), et, par ailleurs, un des bons génies qui présidèrent à la naissance de Jeune Cinéma (c’est lui qui créa la maquette et le lettrage initial du titre) a disparu brutalement en octobre 2012. Tous ceux qui ont connu son appartement lyonnais ont gardé le souvenir d’un endroit extraordinaire, dans lequel s’entassaient tableaux, livres - une des plus complètes bibliothèques que l’on ait vues - et objets à haute intensité ajoutée. Cinq ans plus tard, tout est encore en place. Le court métrage, Chez Max Schoendorff que Dominique Rabourdin, y a tourné en 2017, capte l’esprit d’un lieu qui "défie le temps". Le DVD est distribué par Luna Park Films dont, par ailleurs, le catalogue vaut d’être visité.

1. Cest ainsi que la qualifie Dominique Rabourdin. Les éditions Allia avaient réédité, il y a une vingtaine d’années, son étonnant Voyage en kaléidoscope, qui n’est sans doute pas épuisé.


Dominique Rabourdin, Cinéma surréaliste, coll. Surréaliste, Paris, Jean-Michel Place, 2017, 204 p., 16 €



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