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Tokyo Eyes (1998)
de Jean-Pierre Limosin
publié le mercredi 13 avril 2022

par Lucien Logette
Jeune Cinéma n°250, été 1998

Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 1998

Sorties les mercredis 9 septembre 1998 et 13 avril 2022


 


On avait un peu perdu la trace de Jean-Pierre Limosin sur grand écran. Ses documentaires télévisuels prouvaient qu’il n’avait rien abandonné de l’intelligence et de l’acuité de son regard sensibles dans Gardien de la nuit (1986), mais une aussi longue absence à la fiction - L’Autre Nuit remonte à 1989 - pouvait le laisser croire définitivement voué à la mise en valeur de l’œuvre de ses pairs, Alain Cavalier ou Abbas Kiarostami.
D’où le plaisir, et la surprise devant Tokyo Eyes, faux polar et vrai film d’ambiance, production japonaise tournée sur place, avec des acteurs locaux et dans une langue non pratiquée par son réalisateur - la seule trace d’influence française étant une version approximative de la Pauvre Lola de Serge Gainsbourg, fredonnée phonétiquement par les jeunes héros.


 

Faux polar, parce que la violence y est constamment escamotée : le tueur sanguinaire est un faux tueur qui a bricolé son arme pour qu’elle tire dans les coins, ses victimes s’effondrent sans être atteintes, la police le traque sans le chercher vraiment, même le yakusa de service - Takeshi Kitano, hilarant de maladresse - est incapable de se servir correctement de son pistolet.


 

Vrai film d’ambiance, parce que la respiration de la ville y est captée au plus juste, loin des clichés de la capitale tentaculaire : on peut marcher, quand on s’aime, dans des rues presque vides, ou cueillir du bout de la langue un cil dans l’œil de l’autre sans que les voyageurs du métro s’y intéressent. L’amour est la seule réalité, qui permet d’échapper au trompe-l’œil des jeux de rôles, même s’il faut, pour sortir des apparences, en passer par une vraie blessure.


 


 

Les deux acteurs sont éblouissants de fraîcheur sans niaiserie - mention spéciale pour Ai Takada -, et on ne peut que souhaiter que l’actuel intérêt pour les films asiatiques accélère la distribution de cette coproduction atypique.

Lucien Logette
Jeune Cinéma n°250, été 1998

* Cf. aussi "Entretien avec Jean-Pierre Limosin", Jeune Cinéma n°251, septembre-octobre 1998.


Tokyo Eyes. Réal : Jean-Pierre Limosin ; sc : J.P.L., Santiago Amigorena, Philippe Mardal & Yuji Sakamoto ; ph. : Jean-Marc Fabre ; mont : Danielle Anezin ; mu : Xavier Jamaux. Int : Shinji Takeda, Ai Takada, Takeshi Kitano (France-Japon, 1998, 90 mn).



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