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Uski Roti (1969)
de Mani Kaul
publié le mercredi 4 janvier 2023

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 4 janvier 2023


 


Uski Roti (1969), qu’on peut traduire par Pain quotidien, inaugure la série de fictions de Mani Kaul. (1)
L’auteur, âgé de 25 ans, adapte une nouvelle de l’écrivain Mohan Kahesh, qui sera également le scénariste et dialoguiste du long métrage suivant.
Le film décrit la vie d’un couple, celui de Sucha Singh, conducteur d’autobus, qui, entre ses trajets, passe son temps à jouer aux cartes avec ses amis, et de Balo, épouse attentionnée qui lui apporte chaque jour son déjeuner à l’arrêt du bus (d’où le titre du film, qu’il faut prendre aussi au sens figuré), passant l’essentiel de son temps à attendre ce moment.


 

Les époux se retrouvent le jour du repos du chauffeur, le mardi. L’homme est des plus exigeants envers sa femme, ne lui passant aucun retard dans la livraison du repas, malgré les horaires capricieux du car qui la force, elle, à patienter, de jour comme de nuit. Cette attente est sa raison de vivre. Le reste du temps, elle vaque à des travaux agricoles. Ses proches et ses voisins tentent en vain de lui ouvrir les yeux sur la personnalité du mari et sur sa condition de femme au foyer. La conduite, si l’on peut dire, du chauffeur et du joueur est discutable : il fréquenterait une mignonne en ville, d’après la rumeur.


 

Sur le thème du sacrifice féminin dans une société patriarcale, trame des plus claires, se greffe une structure filmique discontinue, discrète, diraient les sémiologues, fragmentée, elliptique, allusive et, de ce fait, pleine d’ambiguïtés. Tout se passe comme si le metteur en scène luttait contre la forme réaliste que devait lui imposer un tel sujet. Ce par quoi il détonne, au sens où l’entendait Robert Bresson - cinéaste qu’il vénère - par la façon de diriger les acteurs, quitte à surprendre l’audience indienne de son époque.


 

D’autant que, dans le cas qui nous occupe, Mani Kaul emploie des comédiens amateurs et, comme il était d’usage à Cinecittà, le son est traité indépendamment de l’image, pré-enregistré ici, peut-on penser, et non post-synchronisé comme en Italie. Ces deux façons d’agir produisent des effets de distanciation, de perception autre, suffisamment rares pour être mentionnés.


 

Par ailleurs, de longues plages de silence permettent de contempler les prises de vue du chef opérateur K.K. Mahajan. Enfin, des fondus au noir en plein milieu d’une scène ont de quoi susciter la perplexité du spectateur ou stimuler son imagination.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

* Cf. "Rétrospective Mani Kaul" (janvier 2023), Jeune Cinéma en ligne directe.

1. Les deux premiers longs métrage de Mani Kaul (1944-2011), en 1966 et 1967 sont des documentaires, suivis, en 1967 et 1968, de deux courts métrages. Uski Roti est sa première fiction.


Uski Roti. Réal : Mani Kaul ; ph : K.K. Mahajan ; mont : Hemanta Bose. Int : Gurdeep Singh, Garima, Savita Bajaj, Lakhanpal, Richa Vyas (Inde, 1969, 110 mn).



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