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Kisapmata (1981)
de Mike De Leon
publié le mercredi 29 mars 2023

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 1982

Sortie le mercredi 29 mars 2023


 


Le scénario de ce film est tiré du livre de Nick Joaquin, The House on Zapote Street, inspiré d’un fait divers sanglant datant du début des années soixante. Un massacre à domicile perpétré par un policier à la retraite qui avait grièvement blessé son épouse, tué par balles sa fille et son gendre, avant de se suicider. Si dans Itim, Mike De Leon jouait sur les rapports entre le quotidien et l’au-delà, Kisapmata inaugure un autre genre : celui du film d’horreur quoique sans aucun suspense, l’événement étant encore dans les mémoires. Un collage avec les unes des journaux de l’époque constituaient l’affiche du film.


 

Le film s’ouvre sur une situation familiale précise : une jeune fille annonce à son père qu’elle est enceinte et doit à tout prix se marier. Autant dire que celui-ci ne prend pas bien cette nouvelle. Il accepte néanmoins de rencontrer le futur gendre. Frappe l’attitude de la mère, qui ne pipe mot derrière sa machine à coudre. Le père, massif dans son fauteuil, tranquille et inquiétant, pose une simple question : "Comment est-ce possible ?". En effet, le policier qu’il reste pensait avoir veillé nuit et jour sur sa fille.


 


 

Les choses commencent à se gâter très vite. Le père exige du prétendant une dot exorbitante. Il fait en sorte d’organiser lui-même les noces, de fixer la liste des invités, de préparer le moindre détail de la cérémonie. Après cette célébration, il contraint sa fille à rester auprès de sa mère prétendant qu’elle est malade et empêche tout consommation du mariage.


 


 

Le foyer joue un rôle important comme dans Itim  : panoptikon et forteresse à la fois. Le père en surveille le dedans et le dehors, à partir d’une fenêtre qui donne sur la rue. Il ajoute à la grille extérieure du fil de fer barbelé et bloque toute intrusion du jeune marié à l’aide d’une barre de fer. Le pater familias use de tous les subterfuges pour garder sa fille coûte que coûte.


 


 

Alors que Itim traitait d’un secret de famille, Kisapmata a pour thème l’emprise et ce qui va avec : l’intimidation, le chantage et la lourde menace. La fille n’y peut rien et son mari non plus : "L’homme, c’est toi", lui reproche-t-elle. L’inceste est suggéré par une scène de rêve, où elle descend un escalier inondé.


 

L’acteur Vic Salayan, dans le rôle du père, ancien flic tour à tour jovial, rusé, inquiétant, fanatique réussit une composition exceptionnelle. Le film est une métaphore à peine voilée de la dictature puisque les rapports de pouvoir plongent dans les structures patriarcales.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

* Kisapmata a fait partie de la rétrospective Mike De Leon, une vie de cinéma au Festival des 3 continents de Nantes en 2022. Le film a aussi été sélectionné par le Festival international des cinémas d’Asie de Vesoul en 2023.

** Cf aussi "Mike De Leon", Jeune Cinéma en ligne directe.


Kisapmata. Réal : Mike De Leon ; sc : Clodualdo del Mundo Jr. & Raquel Villavicencio ; ph : Rody Lacap ; mont : Jess Navarro ; mu : Lorrie Ilustre. Int : Charo Santos-Concio, Jay Ilagan, Vic Silayan, Charito Solis, Ruben Rustia, Aida Carmona, Juan Rodrigo (Philippines, 1981, 90 mn).



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