Salón Mexico est un film du genre "carabetero", mâtiné de mélodrame. Une danseuse de beuglant, faisant des heures sup en étage, Mercedes, jouée par Marga López, remporte une compétition de danse de société au Salón Mexico.

Son partenaire, Paco (Rodolfo Acosta) empoche le montant du prix et lui cède la coupe. Elle récupère cependant l’argent dans la chambre d’hôtel où il dort en galante compagnie. Sa visite nocturne est remarquée par un gendarme (Miguel Inclán) qui surveille l’établissement et qui, en outre, a un faible pour elle. Nous apprenons que l’argent qu’elle gagne au Salón Mexico est destiné à sa jeune sœur, qui fait des études censées la sortir de la mouise familiale.

La directrice de l’école, femme de devoir, catholique et humaine est jouée par Mimi Derba, une actrice du muet et une des premières réalisatrices du cinéma mexicain. Les deux sœurs visitent le musée national ce qui permet au spectateur de découvrir les belles sculptures d’art précolombien. Elles assistent au discours d’un responsable politique qui célèbre la révolution mexicaine. Cette vision diurne de la vie courante contraste avec le quotidien moins idyllique de la danseuse de cabaret.

En effet, Emilio Fernández n’hésite pas à explorer de manière expressionniste les mœurs en vigueur dans les bas-fonds de la cité. Ainsi, Mercedes reçoit une fameuse raclée du partenaire qu’elle avait grugé, heureusement pour elle interrompue par l’arrivée de son admirateur le gendarme. Tandis que sa sœur s’apprête à épouser le fils de la directrice de son pensionnat, un aviateur héros de la guerre contre le Japon, elle n’a, quant à elle, aucune perspective d’ascension sociale.

Le récit s’appuie sur le stéréotype de la prostituée au grand cœur que le déterminisme pousse à mener une vie de chien. Ce personnage féminin est rendu crédible par l’interprétation subtile de Marga López. Mais la "vie vertueuse" paraît aussi des plus ennuyeuses et le spectateur préférera sans doute l’atmosphère surchauffée des bouges enfumés, animés de musique et de numéros de danse en vogue afro-cubains, brésiliens et nord-américains sensationnels, panachant rumba, cha-cha-cha, mambo, samba et bebop magistralement captés par Gabriel Figueroa.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°422, mai 2023

 
* La Cineteca Nacional de Mexico, créée en 1974, a brûlé en 1982. Lourd bilan : six morts, destruction de la bibliothèque, des deux cinémas et de 6 000 bobines de films. Elle a pu récupérer toutes les fictions déposées à l’Université, ou chez les les distributeurs et a rouvert dans de nouveaux locaux en 1984.

En France, le cinéma mexicain a commencé à être diffusé à l’automne 1992, avec une rétrospective à Beaubourg (28 octobre 1992-1er février 1993) et au Festival des 3 continents à Nantes 1992, avec une section spéciale consacrée aux rumberas (cinéma des cabarets des bas-fonds).
En 1999, le Forum des images a programmé Portraits de Mexico (1er septembre-24 octobre 1999).
En 2011, Roberto Gavaldón (1909-1986) a été redécouvert à la Cinémathèque française (13 avril-30 mai 2011), et au Festival d’Amiens : Lumières mexicaines : Gavaldón, Figueroa et quelques autres.

Dans la connaissance du cinéma mexicain, les Films du Camélia tiennent une place capitale.
En 2021, ils ont sorti en salle 5 nouveaux films inédits de Roberto Gavaldón.
En 2023, ils réitèrent une opération analogue avec une rétrospective de Cinq films noirs de l’âge d’or du cinéma mexicain.

Les Bas-fonds de Mexico (Salón México). Réal : Emilio Fernández ; sc : E.F. & Mauricio Magdaleno ; ph : Gabriel Figueroa ; mont : Gloria Schoemann ; mu : Antonio Díaz Conde. Int : Marga López, Miguel Inclán, Rodolfo Acosta, Roberto Cañedo, Mimí Derba, Silvia Derbez, Fanny Schiller (Mexique, 1949, 95 mn).