par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°422, mai 2023
Sortie le mercredi 14 juin 2023
El suavecito, littéralement "le doucereux", est une comédie légère qui mal se termine. La trame paraît simple : deux amoureux différents de caractère ne peuvent pour autant se quitter. Leur relation dure depuis l’enfance. Lupita (Aurora Segura), jeune fille courageuse prend soin de son père handicapé et fait les courses pour sa vieille voisine, la mère de son petit ami. Elle tient le bureau de tabac de la bourgade où se situe l’action. Son promis est un chulo, un petit gars de banlieue se la jouant dandy, toujours tiré à quatre épingles, inconstant plutôt que véritablement infidèle, passant d’une fille à l’autre.
Comme de bien entendu, le jeune homme s’adonne à des activités pas toujours bien légales. Il fréquente une bande de joueurs de poker et de billard à la détente facile. Lupita montre des signes d’exaspération au point d’être tentée par le boniment d’un chauffeur de taxi qui s’intéresse à elle. Leur manège éveille la jalousie du fiancé en titre. Celui-ci n’hésite pas à faire boire son rival plus que de raison et à l’entraîner dans une partie de cartes où l’inexpert, face à des semi-professionnels communiquant par signes, perd son pactole, y compris son taxi. Sentant s’être fait pigeonner, le perdant s’emporte.
Dans la rixe qui s’ensuit un coup de revolver atteint une des femmes présentes dans l’établissement. La bande désigne comme coupable le chauffeur. Le suavecito fait un faux témoignage dans ce sens. Il est grassement récompensé par ses amis qui lui conseillent de mettre les voiles un certain temps. Mais, pris de remords après sa dénonciation mensongère, il se rend dans un commissariat de police et se rétracte.
Fernando Mendes nous offre alors la plus belle séquence de son film, une chorégraphie mathématique où la bande de malfrats cerne l’anti-héros avant de le battre à mort. Comme dans toute tragédie ou roman-photo qui se respecte, Lupita arrive à point nommé pour recueillir le dernier souffle de l’être aimé et l’assurer de sa fidélité. Dans la belle distribution, se distingue plus particulièrement Victor Parra, dans le rôle-titre. Avec sa nonchalance, sa voix chantante, sa façon d’émailler l’espagnol d’anglicismes, sa fantaisie, sa joie de vivre.
Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°422, mai 2023
* La Cineteca Nacional de Mexico, créée en 1974, a brûlé en 1982. Lourd bilan : six morts, destruction de la bibliothèque, des deux cinémas et de 6 000 bobines de films. Elle a pu récupérer toutes les fictions déposées à l’Université, ou chez les les distributeurs et a rouvert dans de nouveaux locaux en 1984.
En France, le cinéma mexicain a commencé à être diffusé à l’automne 1992, avec une rétrospective à Beaubourg (28 octobre 1992-1er février 1993) et au Festival des 3 continents à Nantes 1992, avec une section spéciale consacrée aux rumberas (cinéma des cabarets des bas-fonds).
En 1999, le Forum des images a programmé Portraits de Mexico (1er septembre-24 octobre 1999).
En 2011, Roberto Gavaldón (1909-1986) a été redécouvert à la Cinémathèque française (13 avril-30 mai 2011), et au Festival d’Amiens : Lumières mexicaines : Gavaldón, Figueroa et quelques autres.
Dans la connaissance du cinéma mexicain, les Films du Camélia tiennent une place capitale.
En 2021, ils ont sorti en salle 5 nouveaux films inédits de Roberto Gavaldón.
En 2023, ils réitèrent une opération analogue avec une rétrospective de Cinq films noirs de l’âge d’or du cinéma mexicain.
Roberto la douceur (El Suavecito). Réal : Fernando Méndez ; sc : Gabriel Ramírez Osante ; ph : Manuel Gómez Urquiza ; mont : Carlos Savage ; mu : Gustavo César Carrión. Int : Víctor Parra, Aurora Segura, Dagoberto Rodríguez, Jacqueline Evans, Manuel Dondé, Federico Curiel (Mexique, 1951, 89 mn).