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Bergen, Véronique (livre)
Portier de nuit de Liliana Cavani (2021)
publié le jeudi 11 août 2022

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°412, décembre 2021

Véronique Bergen, Portier de nuit de Liliana Cavani, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2021.


 


Sorti en 1974, soit seulement trente ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le film de Liliana Cavani avait fait scandale, et pour cause. Le sujet explorait les relations ambiguës, voire érotiques, qui peuvent unir ou rapprocher un bourreau et sa victime. Le film choquait grandement, car il mettait en scène, donc directement devant nos yeux, à la fois l’horreur de la déportation et la fragilité des victimes des camps, sous les traits d’un couple inoubliable, Charlotte Rampling et Dirk Bogarde. Mais le film était encore plus dérangeant parce qu’il confrontait encore une fois ces deux protagonistes, la guerre désormais lointaine, comme pour réactiver et analyser les blessures ouvertes par ce traumatisme. En effet, les spectateurs eurent du mal à supporter ce face à face : Maximilian est portier de nuit dans un hôtel qui héberge d’anciens nazis. Lucia accompagnant son mari, chef d’orchestre, vient y loger. Maximilian reconnaît en elle une ancienne déportée qui était sa maîtresse dans le camp. Attirée par son ancien bourreau, Lucia redevient la maîtresse de Maximilian…

Philosophe, romancière et poète belge, Véronique Bergen revient sur ce film, quelque cinquante ans plus tard, pour tenter de mieux comprendre à la fois ses enjeux et l’impact qu’il peut encore avoir de nos jours. Est-il toujours aussi dérangeant, ou encore plus ?
Son livre questionne l’esthétique de Liliana Cavani, la lecture qu’elle produit du nazisme, le lien qui lie un ancien bourreau et sa victime, à partir de la notion de "zone grise" forgée par Primo Levi. Il ausculte aussi la figuration des pulsions, les dédales de la mémoire, la représentation de situations extrêmes, ainsi que le jeu magnifique de Charlotte Rampling et de Dirk Bogarde. Jeu magnifique et dangereux, qui rend l’horreur peut-être encore envisageable, ce que personne ne peut en fait ni accepter, ni même concevoir. En analysant Portier de nuit, le livre approche l’œuvre d’une cinéaste que Pier Paolo Pasolini qualifiait de "hérétique et de révolutionnaire". La caméra de Liliana Cavani sonde les mouvements du désir, des forces transgressives et les points de crise de l’Histoire.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°412, décembre 2021

* Cf. aussi "Portier de nuit", Jeune Cinéma n°79, juin 1974


Véronique Bergen, Portier de nuit de Liliana Cavani, essai, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, coll. Réflexions faites, 2021, 224 p.



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