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Habitants (les) (1992) II
de Alex Van Warmerdam
publié le vendredi 30 décembre 2022

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°349, décembre 2012

Sorties les mercredis 13 septembre 1995 et 26 décembre 2012


 


Les Habitants de Alex Van Warmerdam (plasticien, homme de théâtre, écrivain et cinéaste) ressort pour Noël, dans une copie restaurée et digitalisée. Au moment de sa sortie en 1995, la critique avait salué cet ovni venu des Pays-Bas, n’hésitant pas à convoquer Jacques Tati, Lui Buñuel, René Magritte et Piet Mondrian. (1)


 


 

Dans un temps suspendu autour des années 60, un lotissement qui n’a jamais été terminé. Une seule rue qui semble un décor construit tout exprès pour un western-spaghetti dans le désert d’Almeria, sauf qu’à la place du saloon, il y a, rutilante, la boucherie de Jakob. La clientèle exclusivement féminine du maître-boucher et l’usage qu’il fait de la chambre froide rappellent le protagoniste de La Rue sans joie de Georg Wilhelm Pabst (1925), même si notre homme est tout de même meilleur bougre.


 


 

En pays calviniste, son épouse colloque avec saint François et succombe bientôt à un délire mystique. Quelques maisons plus loin, un autre couple mal assorti : le garde-chasse, un obsédé du maintien de l’ordre et son épouse en mal d’enfant. Le facteur, interprété par Alex Warmerdam himself, se délecte à lire les lettres au lieu de les distribuer. Autre figuration de l’auteur, un gamin de 12 ans, pour qui la seule réalité est celle de la radio et des nouvelles de l’Afrique qui se libère.


 


 

L’hypocrisie, la sauvagerie latente sous le vernis de respectabilité font penser au premier Rainer W. Fassbinder, celui du Bouc (1969), de même que la façon théâtrale de traiter l’espace. Mais ces scènes de chasse sont tempérées par une nonchalance somnambule et un humour pas toujours noir. Côté cour, il y a la rue où chacun épie l’autre, côté jardin, la forêt et ses drôles d’oiseaux, sa mare, ses cadavres exquis.


 


 

Entre les deux espaces, circulent des personnages muets à l’existence improbable, un Africain en chair et en os, une sirène comme dans les contes, et Dikke Willie, rouquin, patibulaire, pétaradant sur sa moto. Ce dernier est incarné par Theo Van Gogh, mort (en 2004) parce qu’il croyait "qu’on ne tue pas l’idiot du village". Dans le plat pays, la réalité a dépassé la fiction.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°349, décembre 2012

1. "Les Habitants", Jeune Cinéma n°235, janvier 1996.


Les Habitants (De noorderlingen). Réal, sc : Alex Van Warmerdam ; ph : Marc Felperlaan ; mont : René Wiegmans ; mu : Vincent Van Warmerdam. Int : Alex Van Warmerdam, Jack Wouterse, Annet Malherbe, Rudolf Lucieer, Loes Wouterson, Theo Van Gogh, Henri Garcin (Pays-Bas, 1992, 108 mn).



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