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Old Oak (the) (2023)
de Ken Loach
publié le mercredi 25 octobre 2023

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 25 octobre 2023


 


Ce nouveau film de Ken Loach (et de son scénariste Paul Laverty), se situe dans la suite directe de ses deux derniers, Moi Daniel Blake (2016) et Sorry, We Missed You (2019), qui décrivaient comment un système économique ultra-libéral s’est évertué à punir une classe ouvrière à l’agonie (1).


 


 

En 2016, au cœur d’une mondialisation triomphante, dans cette petite ville minière sinistrée du nord de l’Angleterre, où les briques délavées des maisons et les rues désertes suent la misère sociale et le chômage, le constat est accablant. Il reste "The Old Oak", ce pub à la devanture fanée, au comptoir hors d’âge, aux banquettes décolorées, que le patron, TJ Ballantyne, fatigué et revenu de tout, maintient difficilement à flot. Il est le dernier territoire où les victimes de la violence sociale et politique contemporaine se retrouvent, avachis devant leurs pintes, esquintés par l’absence de lendemains, ruminant leur rancœur d’où sourdent des propos xénophobes.


 

Alors, quand des femmes et des enfants syriens, fuyant la folie meurtrière de Bachar El-Assad, traumatisés, hagards, débarquent, accueillis par une association d’aide aux migrants, le choc est rude pour les tenants de la préférence nationale.


 


 

La méfiance s’installe au sein des familles anglaises cabossées qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Mais TJ Ballantyne et quelques âmes charitables font de l’intégration un dernier combat. Au contact de Yara, une jeune Syrienne douce et résolue, qui photographie son quotidien, le propriétaire du pub retrouve un peu de ses rêves de fraternité et de résistance collective. Dans une arrière-salle du Old Oak, Yara découvre les murs couverts de photos de la grande grève des mineurs contre le gouvernement Thatcher, en 1984-1985, prenant conscience d’une passion commune : témoigner chacun de la misère et de l’abandon que leurs peuples ont connus.


 


 

Mémoire et convergence des luttes rapprochent ces deux solitudes en une amitié lumineuse, capable de déplacer des montagnes. Cette arrière-salle deviendra un restaurant solidaire où les plus démunis, Syriens et Anglais, se retrouveront l’espace d’un repas, quelques jours par semaine. "Quand on mange ensemble, on se serre les coudes". La phrase souligne cette fraternité, tout comme celle de la mère de Yara "Parfois, dans la vie, il n’y a pas besoin de mots, seulement de nourriture".


 


 

L’initiative est modeste mais chargée d’une rage idéaliste face aux tentatives de destruction. Ken Loach crée une œuvre sobre et magnifique, bouleversante et lucide, vibrante d’un espoir, ténu mais réel, d’une humanité meilleure.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. "Moi Daniel Blake", Jeune Cinéma n°377, décembre 2016.
"Sorry We Missed You", Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019.


The Old Oak. Réal : Ken Loach ; sc : Paul Laverty ; ph : Robbie Ryan ; mont : Jonathan Morris ; mu : George Fenton, cost : Jo Slater . Int : Dave Turner, Ebla Mari, Claire Rodgerson, Trevor Fox, Jordan Louis (Grande-Bretagne-France-Belgique, 2023, 109 mn).



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