Jeune Cinéma n°426, décembre 2023
Édito & sommaire
publié le mercredi 20 décembre 2023

JEUNE CINÉMA n°426, décembre 2023


 

Couverture : Nicole Romain, Tristesse des anthropophages (Jean-Denis Bonan, 1966).

Quatrième de couverture : Rajak Ohanian (1933-2023) ©Marion Ohanian.

Abonnez-vous, réabonnez-vous !
La revue refuse la publicité et ne vit que grâce à ses abonnés.



 

ÉDITO JC n°426, décembre 2023

 

Les saisons se succèdent et le moral demeure au triste fixe. Après un été qui vit disparaître (en catimini) Guy Braucourt (1942-2023, dont tous les lecteurs de Cinéma 60… et de Écran se souviennent, Bernard Chardère (1930-2023), et notre ami Claude Blanvillain, collectionneur émérite qui fit souvent profiter Jeune Cinéma de ses richesses (1), on pouvait espérer un automne moins déplorable.

C’était sans compter avec Michel Ciment (1938-2023), qui s’est éclipsé le 13 novembre 2023, tirant le rideau sur une carrière exemplaire - enseignant, critique, historien, signataire d’entretiens de haut niveau (ceux avec Elia Kazan constituent un sommet), homme de radio, directeur de revue. Il s’était identifié à Positif, où il écrivait depuis soixante ans et qu’il dirigea sans faillir jusqu’au bout. Son décès a été salué, même par les publications les plus inamicales à son égard, Cahiers du cinéma, Inrockuptibles et Libération, contre lesquelles il n’eut de cesse de ferrailler - avec talent, car il avait un sens de la polémique fort acéré. C’était un ami, abonné fidèle de Jeune Cinéma dès l’origine - ses premières critiques parurent en 1963 dans Cinématexte où il connut Jean Delmas -, et un lecteur attentif et exigeant - si l’on y écrivait du bien de Jean-Marie Straub ou de Jean-Luc Godard, le coup de téléphone était immédiat et comminatoire. Au moins, il cultivait une morale, chose pas si partagée aujourd’hui. Nous ne le croiserons plus entre Cannes, Lyon et Bologne, désormais peuplés de fantômes. On imagine que Positif va lui élever le monument qu’il mérite.

Quelques jours auparavant, le 6 novembre 2023, Rajak Ohanian (1933-2023) s’est effacé avec discrétion (2). Né et mort à Lyon, il fut un compagnon de route de toute cette bande de provinciaux qui prouvèrent que l’activité artistique pouvait être autre que parisienne, Bernard Chardère, Roger Planchon, Max Schoendorff, Raymond Chirat et les autres… C’était un photographe remarquable, qui a documenté tous les CiCi, ces Congrès indépendants du Cinéma international dont nous retracerons un jour prochain l’histoire, et qui nous a souvent permis d’utiliser ses précieux clichés. Lui offrir notre quatrième de couverture était bien le moindre des remerciements.

L’année 2023 s’achève. Fut-elle, sur le chapitre qui nous occupe, meilleure, égale ou pire que les précédentes ? Nous nous garderons d’en dresser le bilan, d’abord parce que ce n’est pas le genre de la maison (d’autres s’en chargeront), ensuite parce que le découpage temporel en tranches régulières ne signifie grand-chose pour nous - décembre 2022 ou janvier 2023, qui s’en soucie ? L’essentiel est d’avoir connu notre lot habituel d’émotions, d’admirations, de déceptions et de colères, et de continuer en 2024.

Jeune Cinéma n’a jamais fait commerce de sa couverture, ni d’aucune de ses pages : seul l’intérêt trouvé à un film a toujours justifié qu’il soit promu en vitrine de la revue, dût-il ne concerner que quelques spectateurs. C’est ainsi que nombre de cinéastes sans renom se sont retrouvés sur notre Une, le plus souvent sans qu’ils en soient avertis - dans le désordre, Cyril Mennegun, Cyprien Vial, Marine Place, Olivier Lorelle, Jean-Henri Meunier, Maryam Touzani, Eva Husson, Elisa Fuksas, Davide Ferrario, on en oublie. Manière d’attirer l’attention sur un cinéma différent de celui que le respect du mainstream contraint d’autres revues à illustrer.

Dans cette catégorie des (presque) inconnus, c’est au tour de Jean-Denis Bonan d’accéder. Cinéaste "maudit" ? Pas vraiment, dans la mesure où il a pu tourner une quatre-vingtaine de titres en presque soixante ans, même s’il s’agit, pour la majeure partie, d’ouvrages destinés à la télévision. Maudit tout de même, car les films qui lui tenaient à cœur, Tristesse des anthropophages (1966) et La Femme bourreau (1968) n’ont pas connu d’exploitation, grâce aux censeurs des années 60 - on ne rigolait pas sous le gaullisme. Luna Park Films (dont on salue le courage quasi suicidaire) leur a trouvé une audience, mesurée certes mais réelle, en les éditant récemment en DVD (3). Et le public de son superbe moyen métrage Bleu Pâlebourg ne s’y était pas trompé (4).

Faudra-t-il agrandir l’espace de la rubrique "Chercheurs & Curieux" ?
Les textes qui valent d’être redécouverts se multiplient - bientôt quelques savoureux documents sur Claude Autant-Lara, d’autres surprises viendront. Si nous avons choisi de sortir des limbes quelques pages sur le Festival de Cannes 1968, c’est parce qu’elles rendent bien compte de la folle atmosphère qui régnait alors dans notre petit monde. La fièvre révolutionnaire emportait tout - même si, comparées à certains des propos tenus lors des États généraux du cinéma, rue de Vaugirard, à la même date, les discussions cannoises semblent modérées… Les images filmées montrées, Jean-Luc Godard et François Truffaut, étant toujours les mêmes, on percevra mieux, avec la reproduction de ces débats chaotiques, la couleur de ces moments intenses où l’on ne craignait pas le ridicule de réclamer l’impossible.

La recension des livres promise dans notre précédent numéro ne figurera, pour des raisons tout à fait indépendantes de notre volonté, que dans notre prochain sommaire. Qu’ils ne soient pas oubliés, en cette période propice aux cadeaux. Pour mémoire : Le Décor de film de Jean-Pierre Berthomé, Le Bougiote, journal d’Algérie de Marcel Martin, Boudu sauvé des eaux de Patrick Saffar, qui tous valent le détour. Nous y ajouterons Pour une contre-histoire du cinéma 2 de Francis Lacassin, et les deux magnifiques volumes de Varda par Agnès, publiés par Ciné Tamaris et La Martinière.

L’édition des écrits complets (1964-2023) de Bernard Chardère parus dans Jeune Cinéma est donc définitive (5). Il n’empêche : il a essaimé tant de textes depuis 1952 que l’on en trouve encore, peu accessibles et jamais repris. Ainsi, ces deux pages parues dans une publication oubliée et qui nous permettent de clore cet ultime numéro annuel en tirant notre chapeau à l’ami disparu.

Lucien Logette

1. Page 60 : une photo très rare de la chanteuse et actrice suédoise Zarah Leander (1907-1981), à la voix extraordinaire, et à la filmographie remarquable.

2. Rajak Ohanian (1933-2023).

3. Le coffret Troubles 1966-1968, édité par Luna Park Films, contient 5 films de Jean-Denis Bonan.

4. "Bleu Pâlebourg", Jeune Cinéma n°396-397, octobre 2019.

5. Bernard Chardère. Textes (1964-2023), édition définitive, Jeune Cinéma n° hors série, septembre 2023.



 

SOMMAIRE JC n°426, décembre 2023

 

 
Cinéma français
 

* Et pourtant ils tournent…, par René Prédal.

* Jean-Denis Bonan, Cinéaste béni ou maudit ?, par Jean-Max Méjean.
* Rencontre avec Jean-Denis Bonan, par Jean-Max Méjean.

* Bernadette Lafont, l’indomptable, par Nicole Gabriel.

 
Wim Wenders
 

* La trilogie de la route, par Francis Guermann.

* Anselm, le bruit du temps, par Gisèle Breteau Skira.

* Wenders / Berlin, une fiction, par Gisèle Breteau Skira.

 
Festivals
 

* Biarritz 2023, par Alain Souché.

* Auch 2023, par Alain Souché.

* Montpellier 2023, par Alain Souché.

 
Patrimoine
 

* Purgatorio, épisode 6 : Les conséquences de l’inconséquence, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.

* Detlef Sierck, mélodramaturge allemande, par Nicole Gabriel.
* Douglas Sirk, né Detlef Sierck, par Nicolas Villodre.

 
Cinéma & Histoire
 

* Vienne accueille les nazis : Le Cardinal de Otto Preminger, par Jean-Michel Ropars.

 
Cinéma & Peinture
 

* Bonnard Pierre et Marthe, par Gisèle Breteau Skira.

* Munch, le cri du cœur, par Gisèle Breteau Skira.

* Ricardo et la peinture, par Gisèle Breteau Skira.

 
DVD
 

* Glanures : De René Clair à Bela Tarr, par Philippe Roger.

 
Chercheurs & curieux
 

* Cannes Mai 68, "Nous devons à l’amabilté de Jean Rouch..."

 
Actualités
 

* Anna, par Nicolas Villodre.

* Conann, par Hugo Dervisoglou.

* Guerre et Paix, par Sylvie L. Strobel.

* La Rivière, par Nicole Gabriel.

* L’Enfant du paradis, par Jean-Max Méjean.

* Sergent-major Eismayer, par Nicole Gabriel

* Winter Break, par Anne Vignaux-Laurent.

 
Livres
 

* Yves Lavandier, L’Essence de la comédie, par Jean-Max Méjean.

* Alain-Michel Jourdat, Le Bonsaï qui cache la forêt, par Jean-Max Méjean.

 
Divagations
 

* L’absente de toute image, par Patrick Saffar.

 
Humeur
 

* Réalisme et vérité au cinéma, par Bernard Chardère.



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts