Pierre-William Glenn (1943-2024) est mort mardi dernier, dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024, à la Maison nationale des artistes, à Nogent-sur-Marne.
C’était un artiste, spécialiste français de la Steadycam, directeur de la photo, un grand chef op’, avec une longue carrière de 76 films, à partir de 24 ans, entre 1967 et 2018, tournés avec les plus grands cinéastes du cinéma français.
Après l’Idhec, il commencé en 1967 par des courts métrages avec Claude Miller, Jacques Doillon, Jean-Louis Comolli. Et dès 1968, il n’a pratiquement plus cessé de tourner.
En 1969, on remarqua Paulina s’en va, le premier film de André Téchiné. Mais personne ne s’attarda sur le générique, et ce n’était que son deuxième long métrage à lui. Peut-être que sa notoriété dans le métier a commencé à s’amplifier à partir de Out One, Noli me tangere de Jacques Rivette, et que, du coup, après ses collaborations avec François Tuffaut, il a été souvent identifié comme "Nouvelle Vague".
Mais cette appellation est extrêmement réductrice pour une personnalité qui a fait ses premières armes en filmant les grèves et les manifestations en Mai 68 - qu’il considérait comme une utopie non réalisée -, et, qui, trotskiste revendiqué, en 1970, a travaillé avec Marin Karmitz pour Camarades.
Elle est aussi contradictoire, cette qualification, étant donnée sa fidèle collaboration avec Bertrand Tavernier (1941-2021) (à la cinéphilie opposée) sur 7 films entre 1973, pour L’Horloger de Saint-Paul, et 1982 avec Mississippi Blues de Bertrand Tavernier & Robert Parrish. D’une façon générale, il fut fidèle à des cinéastes non "encartés" Nouvelle Vague, surtout français, René Gilson, José Giovanni, Alain Corneau, Roger Vadim, Claude Lelouch, ou Yannick Bellon, dont il disait qu’elle était "morale, pas moraliste".
Mais Pierre-William Glenn avait un rapport particulier avec l’Amérique. Il fit quelques films, avec Joseph Losey, George Roy Hill, Corey Allen, Samuel Fuller, John Berry, et Robert Parrish.
Il fut surtout un soutien indéfectible, avec la Commission supérieure technique de l’image et du son (CST), de Peter S. Kirkpatrick et Françoise Ravaux-Kirkpatrick créateurs, en 1993, du Festival du film français de Richmond, en Virginie, reconnu comme le plus important festival du film français dans le pays.
En 2019, au cours de la 27e édition du festival, il avait fait une inoubliable masterclass, introduite en anglais, mais en français filmée par Gilles Porte.
C’était aussi un motard. Sa mort fait la Une de Moto Magazine. Il y avait déclaré, dans "Ciné et moto sans préjugés" : "J’ai toujours fait de la moto... et des films. Je ne me déplace que sur ma Triumph Mecatwin ou sur mon Suzuki Bandit 1200 modifié. Dans mes films, la moto est un animal, un objet vivant, un vaisseau pour l’inconnu. Si j’avais eu la chance de faire de la piste, j’aurais peut-être passé plus de temps derrière un guidon plutôt que l’œil derrière la caméra. Je me suis toujours dit que je n’avais pas le budget... Mais, avec le recul, mes films me coûtent tout autant, si ce n’est bien plus".
Car ce qu’on sait moins, c’est qu’il réalisa 11 films, entre 1970 et 2019.
Son premier long métrage est un documentaire consacré aux douze circuits de Grand Prix, qui constituent le championnat du monde de vitesse en moto : Le Cheval de fer (1974). Le film, pas forcément très connu du grand public, est un grand classique pour tous les motards, devenu mythique parce que rare. Mais on le trouve en DVD.
Il revint à cet univers avec deux autres films :
* 23h58 de Pierre-William Glenn (1992).
Une fiction, l’histoire d’un braquage au cours des 24 Heures du Mans par deux anciens champions de moto.
* Portrait de groupe avec enfants et motocyclettes de Pierre-William Glenn (2009).
Un documentaire sur les pilotes en herbe de l’Academy FFM.
Deux films, des années 1980 passèrent inaperçus : Les Enragés (1985), et Terminus (1987), avec Johnny Hallyday. Mais son film documentaire, Les Silences de Johnny (2019), sur la carrière d’acteur ratée de son ami de 30 ans, lui aussi motard invétéré, a été sélectionné par le Festival de Cannes 2019 dans la sélection Cannes Classics.
Pierre-William Glenn collaborait régulièrement au Festival Lumière, créé à Lyon en 2009. C’était lui qui accompagnait le traditionnel remake du premier film de l’Histoire, La Sortie de l’usine Lumière à Lyon, de Louis Lumière (1895), dont le réalisateur était le récipiendaire du Prix Lumière.
La dernière fois qu’il a été là, c’était, au Festival Lumière 2018, comme chef op’ de Jane Fonda.
L’Institut a tweeté : "Il faisait partie de l’aventure Institut Lumière, et nous a accompagnés de sa précieuse présence au fil des années. Le directeur de la photographie Pierre-William Glenn, compagnon de route, entre autres, de Bertrand Tavernier, nous manquera".
Il fut co-directeur, pendant quinze ans, du Département Image de la Fémis. L’Association française des directrices et directeurs de la photographie cinématographique (AFC) dont il avait été fondateur puis Président, puis Président d’honneur.
L’AFC a mis en ligne une jolie séquence filmée l’année dernière, en février 2023, par Gilles Porte, où il lui avait demandé de dessiner un Caméflex sur une vitre, face caméra.
C’était un ami. On l’appelait Willy.
En 2016, il était venu à Lyon soutenir Bernard Chardère (1930-2023), au moment de la mort de sa femme, Alice Chardère.
Sur France Culture, en 5 épisodes.