par Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe
Sélection de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2024
Sortie le mercredi 29 janvier 2025
Les films sur le sport, ça remonte aux origines : Étienne-Jules Marey (1830-1904) et Georges Demenÿ (1850-1917), chronophotographiaient des athlètes avant même que Louis Lumière (1864-1948) ne filme la sortie de ses ouvrières. En 1924, Jean de Rovera (1898-1939) a longuement enregistré les Jeux Olympiques, l’été à Paris, l’hiver à Chamonix. Et Maurice Champreux (1893-1976) s’est glissé au cœur du Tour de France 1925 pour y tourner Le Roi de la pédale, très long métrage (trois heures) consacré aux exploits fictifs de Georges Biscot, comique d’époque injustement oublié.
Le surgissement récent sur les écrans de nombreux titres célébrant des sportifs réels - Borg / McEnroe de Janus Metz Pedersen (2017), La Méthode Williams de Reinaldo Marcus Green (2021), Senna de Vicente Amorim (2024) -, ou imaginaires - Cinquième set de Quentin Reynaud (2020), Slalom de Charlène Favier (2020) ou Olga de Élie Grappe (2021), on en passe - n’est pas une mode, simplement la continuation d’un courant ancien, les vertus spectaculaires d’un match ou d’une épreuve ont été tôt découvertes (1).
Le problème tient à la crédibilité de l’incarnation du héros, qui doit soit ressembler à son modèle en cas de biopic - Will Smith en Mohammed Ali, Robert De Niro en Jack La Motta, Shia LaBeouf en John McEnroe -, soit montrer des qualités suffisantes pour tromper le spectateur. Conclusion : quitte à faire un film sur le sport, autant utiliser des spécialistes, c’est raisonnable. Anastasia Budiashkina est une véritable gymnaste (c’est ainsi que Olga a gagné sa véracité), Kristen Billon dans Ollie de Antoine Besse, un champion de skate-board.
Et Tessa van den Broeck une tenniswoman classée, ce qui donne à Julie se tait sa puissance et son intérêt.
Julie a 16 ans et un talent certain. Le film est simple : l’entraînement constant, jusqu’à l’obsession, les relations de la joueuse avec son ancien coach suspendu. Aucun geste "inapproprié", comme on dit en novlangue, mais on les soupçonne ambiguës, son adaptation au nouveau, ses parents, ses camarades de club et de lycée, etc.
Le titre ne devrait pas être Julie se tait mais "Julie est muette", tant celle-ci refuse de se confier à qui que ce soit - il faut attendre la dernière minute pour apprendre qu’elle va témoigner contre Jéremy, son ancien coach.
Le portrait est précis et juste et le jeu de Julie / Tessa est remarquable. Les coups droits ou les revers à deux mains claquent joliment. Peut-être Leonardo Van Dijl, pour son premier film, aurait-il pu s’imposer un peu moins de retenue et d’implicite. La progression dramatique est plus constituée d’une accumulation de scènes, qui ne prendront sens que plus tard, que d’une narration serrée, et les plans fixes muets ne sont pas toujours emplis de vibrations. Mais l’œuvre est forte et représente un des meilleurs choix de la sélection 2024 de la Semaine de la Critique.
Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe
1. "Slalom" Jeune Cinéma en ligne directe ;
"Olga", Jeune Cinéma n°410-411, septembre 2021.
Julie se tait (Julie zwijgt). Réal : Leonardo Van Dijl ; sc : L.V.D. & Ruth Becquart ; ph : Nicolas Karakatsanis ; mont : Bert Jacobs ; mu : Caroline Shaw. Int : Tessa van den Broeck, Ruth Becquart, Koen De Bouw, Claire Dodson (Belgique, 2024, 100 mn).