En Cisjordanie, Kamal tient une boutique pour touristes aidé par sa fille Mariam. Il a recueilli son neveu Sami, un adolescent déjà bien conscient du fonctionnement des lignes de démarcations sociales et politiques entre son village et Jérusalem. Tout centré sur ses préoccupations personnelles, il veut retrouver son pigeon voyageur qui s’est évadé, son pigeon bagué avec un message, et pas un autre.

Devant sa détermination, son oncle Kamal qui doit livrer quelques unes de ses belles statuettes en bois artisanales accepte de l’emmener à Bethléem, chez l’ami qui lui avait donné le précieux pigeon, qui aurait sans doute rejoint son lieu de naissance. Mariam tient à les accompagner quitte à fermer la boutique, parce qu’elle voudrait s’acheter une perche à selfies à la ville.

S’ensuit un road movie semé de contre-temps et de rebondissements, qui dévoile au spectateur les sites mémorables impressionnants de ce foyer historique, jusqu’à Haïfa. Ils ont une belle voiture, des portables et des soucis de batterie, les frontières sont plus ou moins étanches, mais Haïfa est une ville bienveillante.

Le cinéma est le meilleur moyen de montrer à la fois l’apparente tranquillité de la vie quotidienne et l’effort d’adaptation permanent qu’elle requiert là-bas. On cherche à comprendre, dans le regard oblique intense de Kamal, ce qui traduit une patience résignée face à l’obstination des enfants nullement inhibés, et ce qui relève d’une recherche de contournement des obstacles à la circulation ou ce qui tient à des préoccupations familiales ou plus profondes.

C’est un beau film palestinien qui ne montre pas la guerre, mais les check points franchissables sous réserve de justifications à plaider devant des militaires israéliens plus ou moins tatillons, mais disposant d’une certaine délégation d’appréciation.
Rashid Masharawi, né en 1962 dans un camp de réfugiés à Gaza, a réalisé, depuis 1987, une vingtaine de films. Dès 1994, ses docu-fictions ont été sélectionnés (et récompensés) dans de très nombreux festivals, dont Cannes ou Venise, totalisant 14 victoires et 9 nominations (1). Il a fondé le Centre de production et de distribution cinématographique de Ramallah en 1996, et initié le projet From Ground Zero (2) sélectionné pour les Oscars 2025.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°434-435, mars 2025

1. Notamment Couvre-feu (Hatta Ishaar Akhar, 1993) à Cannes, Montpellier, Nantes ; Haifa (1996) à Cannes, Valencia ; Ticket to Jerusalem (2002) à Amiens, Le Caire ; Attente (2005) à Venise, Amiens, Mons ; L’Anniversaire de Leila (Eid milad Laila, 2008) à Amiens, Singapour, Carthage.

2. From Ground Zero, Jeune Cinéma en ligne directe.

Songe (Passing Dreams). Réal, sc : Rashid Masharawi ; ph : Duraid Munajim ; mont : Johanni Curtet. Int : Ashraf Barhom, Aseel Abu Ayyash, Emilia Al Massou (Palestine-Suède-France-Arabie saoudite, 80 mn).