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Effacement (l’) (2024)
de Karim Moussaoui
publié le mercredi 7 mai 2025

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°436, mai 2025

Sélection du Festival du film francophone d’Angoulême 2024

Sortie le mercredi 7 mai 2025


 


C’est l’histoire d’un cadet, dans une famille algérienne aisée, dont le patriarche, appartenant à la génération des bâtisseurs de l’Indépendance, dirige avec autorité "son" entreprise d’hydrocarbures, une multinationale pleine d’employés ambitieux, où il intègre son fils cadet, Reda, dont l’ainé est allé chercher un contexte plus favorable pour devenir DJ en France.


 


 

Dans le cadre d’une vie quotidienne archétypique - revendication des héritiers à disposer du domicile familial, jeune servante familière, gentille promise imposée -, celui-ci est comme accablé par l’emprise du potentat abusif qu’est son père. Il est frustré, préparé à rien, abimé, inexistant, "ne créant l’événement nulle part". Les événements venus d’ailleurs, traumatisants, il va devoir les affronter : au service militaire, l’enculage à la matraque du bizutage, la mort de son père, et son licenciement de l’entreprise.


 


 

Ainsi dressé, il devient violent et ne se reconnaît pas, ne se voit plus dans les miroirs. Mais il va rencontrer une femme plus mûre, Malika "qui vient d’un milieu violent, alors elle, la loi du plus fort, ça ne lui convient pas". Une forte connexion charnelle avec elle va lui restituer son image, son reflet, son identité en devenir.


 


 

On voit peu l’Algérie dans le film (il faut dire que les temps de censure n’y ont pas permis les tournages, plus éclairés des lumières de Marseille ou de la Tunisie). On ne voit pas non plus vraiment d’Algériens et les ambiances professionnelles et familiales sont assez standardisées. Mais les comédiens sont remarquables. Sammy Lechea, intensément présent, avec ou sans reflet, Zar Amir, mémorable après Les Nuits de Mashad (1), l’héroïne positive du film, Hamid Amirouche, le père chevronné…


 


 

Pas de bavardages, juste des regards. Et on ne lit pas nécessairement l’accablement dans les yeux scrutateurs du jeune Reda, dont l’expression évoque plus l’observation, la réflexion, l’évaluation de situations justifiant son choix d’une abstention qui protège sa liberté de pensée. Avec ce deuxième long métrage (2), Karim Moussaoui propose un schéma de rébellion, d’émancipation de la jeunesse à base de rupture violente. Mais on peut aussi y voir un simple dépassement des situations contradictoires. Finalement, il n’y a pas eu écrasement, juste effacement d’une aparence

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°436, mai 2025

1. "Les Nuits de Mashad", Jeune Cinéma n°416, été 2022.

2. Son premier long métrage, "En attendant les hirondelles" a été sélectionné au Festival de Cannes 2017 (Un Certain Regard), Jeune Cinéma n°382-383, automne 2017.


L’Effacement. Réal : Karim Moussaoui ; sc : Karim Moussaoui & Maud Ameline d’après le roman de Samir Toumi (2016) ; ph : Kristy Baboul ; mont : Clément Pinteaux ; déc : Karim Lagati ; cost : Elfie Carlier. Int : Sammy Lechea, Zar Amir, Hamid Amirouche, Djalila Kadi-Hanifi, Idir Chender, Nadia Kaci (France, 2024, 91 mn).



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