La Cinémathèque, dans sa salle Henri, rend hommage à Michel Piccoli avec deux films de Jacques Rozier.
Ce soir, chez vous :
* À 20h30 : Le Parti des choses : Bardot et Godard (1963) et Paparazzi de Jacques Rozier (1963).
Au fond, ce qu’on aurait aimé, c’est que dans les hommages à Piccoli, dans les souvenirs, les documentaires, les entretiens, dans l’océan du Net, aparaisse un film puissant qui hante nos mémoires :
* Le Saut dans le vide (Salto nel vuoto) de Marco Bellochio (1979).
Mais Marco Bellochio, un des précurseurs de Mai 68 avec Pugni in tasca (1965), a toujours eu, quel que soit les sujets de ses films, une place à part dans le monde du cinéma, celle des subversifs, et il a traversé des déserts.
Dans le cas de la folie, il avait de "mauvaises" fréquentations, par exemple Franco Basaglia (1924-1980).
Il semble qu’il soit revenu en grâce, en 2019, avec Le Traître (Il traditore).
Pour se consoler, on se regarde le film collectif légendaire :
* Fous à délier (Matti da slegare) de Silvano Agosti, Marco Bellocchio, Sandro Petraglia et Stefano Rulli (1975).
Matti da slegare "Locos de desatar" (Silvano Agosti, Marco Bellocchio, Sandro Petraglia,Stefano Rulli, 1975) from Rodolfo Alvarez del Castillo on Vimeo.
Michel Piccoli (1925-2020) est mort mardi dernier, le 12 mai 2020.
Il appartient désormais, pour les médias unanimes, à la confrérie aristocratique des "monstres sacrés".
L’expression viendrait de Proust, et a fait le titre d’une pièce de Cocteau en 1940.
Reprise en cliché par les troupeaux, elle évoque, irrésistiblement, l’idée de "vache sacrée", à laquelle il est interdit de toucher, et, bien sûr, celle de monstre, ce qu’il n’était jamais devenu.
Le Monde l’a qualifié de légendaire, c’est déjà mieux.
Partout également, la musique du Mépris, devenant rengaine, et les machintrucs-cultes habituels. C’est bien Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963) et aussi ce que Piccoli en disait, c’est bien Les Choses de la vie de Claude Sautet (1967), et peut-être même que ce n’est pas si "grand public" qu’on le croit. Donc c’est juste de les évoquer.
Mais pourquoi ne pas en profiter pour entraîner vers la découverte ? Le "grand public", imaginé par les médias, ne "découvre" pas seulement les dernières pubs, il est ouvert, intelligent et curieux.
Car Michel Piccoli méritait plus que ça, un peu plus de temps de recherche même pour un simple flash au JT, un regard plus attentif, outre ses 233 films, ne serait-ce que l’évocation de son travail théâtral avec les plus grands metteurs en scène Jean-Marie Serreau, Claude Régy, Jean-Louis Barrault, Jean Vilar, Peter Brook, Patrice Chéreau, Luc Bondy, Bob Wilson, Klaus Michael Gruber, André Engel...
Il réalisa aussi 4 films, et peut-être qu’en tant que réalisateur, il en disait plus long sur sa vision et son art qu’en tant qu’interprète.
* Alors voilà, de Michel Piccoli (1997), sélectionné et récompensé à la Mostra de Venise 1997, et ce qu’il en disait.
* C’est pas tout à fait la vie dont j’avais rêvé de Michel Piccoli (2005), sélectionné à Cannes 2005.
Notre souvenir le plus ancien de lui, c’est lui tout seul, sous le regard de Ado Kyrou, qui, à l’époque, s’appelait encore Adonys, flânant dans le Marché aux Puces, y croisant André Breton, et tombant fou en amour pour des cheveux de femmes. Kyrou était présent et nous avait raconté l’anecdote de cette rencontre inattendue, pas prévue dans le script.
* La Chevelure de Adonys Kyrou (1960).
(Si on tombe sur un "désolé" noir, prière de persévérer, c’est visible.)
On avait programmé le court métrage au ciné-club hebdomadaire de l’UNEF, Zéro de conduite (1964-1967), à l’amphithéâtre annexe de la Sorbonne, le mercredi 24 novembre 1965. Au programme de cette soirée mémorable : Hommage à Positif, avec d’autres courts métrages, de Raymond Borde, Bernard Chardère, Nelly Kaplan, Louis Seguin.
Et on l’avait revu au printemps 2010, à la Cinémathèque, dans le cadre de Anarchie et cinéma, une carte blanche à Jean-Pierre Bastid, une copie sans Breton, qui semble être la seule qui circule désormais, pour d’obscures raisons de droits, ou quelque chose comme ça.
Nicole Gabriel aussi rend hommage au Piccoli des origines :
* Sans laisser d’adresse de Jean-Paul Le Chanois (1950).
* La Voleuse de Jean Chapot (1966).
Avec Michel Piccoli et Romy Schneider.
On s’approche un peu de lui, sur Arte :
* L’Extravagant monsieur Piccoli de Yves Jeuland (2015).
Disponible sur Arte du 18 mai au 18 juin 2020.
Bonne lecture :
* Jacques Zimmer, Piccoli grandeur nature, Éditions Nouveau Monde, 2008.