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Deville, Michel (1931-2023) II
Brève
publié le mardi 21 février 2023

Jeune Cinéma en ligne directe
Journal de Solomon Roth 2023 (mardi 21 février 2023)


 


Mardi 21 février 2023

 

Michel Deville (1931-2023) est mort jeudi 16 février 2023.


 

Sa mort n’a été annoncée qu’hier soir, après ses obsèques dans l’intimité dont rien n’avait filtré, parce que "Michel détestait les cérémonies". Cette sortie en douce de la vie publique ressemble un peu à son style comme à la réception de son œuvre, importante mais inégale et méconnue.

Si, avec ses 34 films entre 1958 et 2005, il a travaillé à peu près tous les genres, après sa formation comme assistant de Henri Decoin (1953-1958), il faut distinguer sa première période avec Nina Companeez (1937-2015). Le réalisateur débutant aborde le tournant de sa trentaine, la très jeune monteuse s’affirme scénariste, et pendant douze ans (1959-1971), ils vont chacun, en quelque sorte, "devenir eux-mêmes" ensemble.

Ce temps est une période de légèreté, leurs années 60 sont fécondes, avec des films aux succès inégaux, mais qui culminent avec un film libertin Benjamin ou les Mémoires d’un puceau (Prix Louis-Delluc 1967). Le film sort en janvier 1968.


 

Suivront Bye bye, Barbara (1969) et L’Ours et la Poupée (1970), avec Brigitte Bardot.


 

Pas trace, dans leur vision imperméable, de ce qui se passait alors partout autour d’eux dans le monde, et pas seulement à Paris dans les rues du Quartier latin, mais aussi dans les mentalités individuelles et collectives. Ils demeurent dans une conscience à la Marivaux (1688-1763)), "pré-révolutionnaire" pourrait-on dire, ou, en euphémisant, au moins, délibérément "non-violente".


 

Dans la catégorie, une fois le calme revenu, Michel Deville et Nina Companeez devaient avoir raison, puisque leur dernier film, Raphaël ou le débauché fut sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 1971. Après cette acmé, Nina Companeez décide de devenir réalisatrice, et lui, il confirme : "Nous vieillissions ensemble, c’était bien, mais nous étions toujours dans le même sillon, notre numéro était trop bien rodé".


 

À partir de 1973, Michel Deville aborde une période plus autonome. Après deux films en coproduction France-Italie, notamment La Femme en bleu avec Michel Piccoli et Lea Massari, un film non récompensé mais très charmant, il revient à la production française, et réalise régulièrement des films qu’il scénarise puis co-scénarise avec Rosalinde Damamme, la plupart du temps à partir d’œuvres littéraires. S’il continue à apprécier les histoires intimistes, l’érotisme soft, s’il demeure un amateur de sophistications perverses, ses goûts se sont "socialisés". On va alors voir sortir des œuvres marquantes, qui ne sont pas forcément des succès commerciaux, mais qui sont sélectionnés dans des festivals, et figurent souvent parmi les sélections des César.

* Le Dossier 51 (1978) primé au Festival international du film de Saint-Sébastien 1978.


 

* Eaux profondes (1981), qu’il ne faut pas confondre avec le film de Adrian Lyne, Deep Water (2022). Les deux films sont adaptés du roman de Patricia Highsmith (1957), sans que ce dernier soit le remake du premier.


 

* Péril en la demeure (1984), sélectionné en compétition officielle à la Berlinale 1985.


 

Peut-être tout particulièrement quand il s’est autorisé à réaliser Le Paltoquet (1986).


 

On a eu alors, le sentiment que Michel Deville avait trouvé sa place dans le cinéma français, qu’il était même devenu un auteur.

Et confirmation avec :

* La Maladie de Sachs (1999), primé au Festival international du film de Saint-Sébastien 1999.


 

L’étonnement devant l’hapax La Petite Bande (1983), puis la déception devant une récidive, La Divine Poursuite (1997) n’ont pas réussi à le desservir.


 

La Cinémathèque française a proposé récemment une Rétrospective Michel Deville (9-26 mai 2019). En revanche, le nouveau (jeune) grand public devrait avoir du mal à faire connaissance avec son œuvre. Et ce n’est pas son dernier film, Un fil à la patte (2005), il y a 18 ans mais au 21e siècle quand même, qui pourra le remettre dans une chaude actualité. Il est loin le temps (fin du 20e siècle) où on pouvait encore considérer, au théâtre comme au cinéma, Georges Feydeau (1862-1921) comme un "contemporain", et le vaudeville comme ne serait-ce qu’une distraction.


 

La télévision n’a pas pris la peine d’annoncer sa mort, à part une ou deux breaking news, et la plupart du temps, on l’a défini comme "un cinéaste qui avait fait tourner Brigitte Bardot, Catherine Deneuve et Michel Piccoli", rien de moins, mais rien de plus.

Michel Devillle restera un réalisateur respecté par les cinéphiles, pour son indépendance, sa relation aux acteurs et son incontestable élégance. Un homme qui aimait les femmes. comme il l’expliquait à l’INA. Les amateurs de son œuvre, à la fois disparate et souterrainement cohérente, n’ont pas disparu. Jeune Cinéma va mettre en ligne les chroniques de ses films parues lors de leurs sorties.

* Cf. Michel Volkovitch, "Michel Deville étrangement méconnu", Jeune Cinéma n°326-327, été 2009.

* On trouvera l’analyse des 4 coffrets DVD sur le Blog de Michel Volkowitch.

Sur France Culture.



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