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Part des anges (la) (2012)
de Ken Loach
publié le jeudi 29 juin 2017

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°346, juillet 2012

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2012. Prix du Jury

Sortie le mercredi 27 juin 2012


 


Les prix à Cannes ne se comptent plus pour un Ken Loach encore auréolé de sa Palme d’or de 2006 pour Le vent se lève. Après le relatif échec de Route Irish (2010), il retrouve avec ce film la veine de la comédie sociale dont Raining Stones (1993) (1) restait jusque-là un des plus beaux fleurons. La Part des anges est à la hauteur de cette belle réussite.


 


 

Une audacieuse et hilarante introduction présente chacun des quatre protagonistes dans une succession d’audiences au tribunal de Glasgow. Ils sont tous tombés dans la petite délinquance et sont condamnés à des travaux d’intérêt général sous la houlette d’Henry, "cousin germain" des personnages joués par Ricky Tomlinson, un éducateur direct et attachant, habitué aux entourloupes de ces jeunes déphasés immatures et joyeux.


 


 

Parmi eux, Robbie, petit et fin, presque fragile, frère jumeau du Steve (Robert Carlyle) de Riff Raff (1990) est un écorché vif, concentré de violence, souvent incapable de se maîtriser sous l’emprise de la drogue. Il espère que la naissance de son enfant va changer sa vie et l’éloigner des bagarres de rue incontrôlées. Mais, passé à tabac par ses futurs beau-père et beaux-frères, il comprend que la vie de famille ne sera pas facile. Opiniâtre, il s’accroche à son bébé et à sa mère pour ne pas sombrer. Heureusement, Henry lui tient la tête hors de l’eau en l’initiant avec ses camarades d’infortune à la dégustation de whisky. Dans cette Écosse que Ken Loach a pris depuis longtemps comme point d’ancrage de ses films, Robbie, montre d’étonnantes dispositions gustatives et olfactives qui attirent même l’attention d’un grand collectionneur du délicieux breuvage.


 


 

Avec ses trois camarades, enthousiastes et difficilement contrôlables, pieds-nickelés sympathiques condamnés au chômage, il décide de forcer le destin et de monter un coup, lors d’une vente aux enchères d’un millésime extrêmement rare. Le scénario de Paul Laverty, l’ami indéfectible, déroule son action avec une belle liberté. Jamais désinvolte, toujours attentif à l’évolution des personnages et aux relations entre eux, il trousse avec bonheur une fable sociale drôle et généreuse, qui, comme Raining Stones, se fait joliment amorale pour le plus grand plaisir des spectateurs. Entre petite délinquance et whisky, Ken Loach montre une nouvelle fois la voie vers l’espoir d’un changement - déjà en 1969, dans Kes, (2) l’enfant s’échappait d’un quotidien brutal en s’initiant au dressage d’un faucon -, pour ces martyrisés de la vie, laissés pour compte du système néolibéral et de la société de consommation.


 


 

Il leur offre même une revanche jubilatoire. Spolier un riche américain incapable de reconnaître un whisky d’exception n’est pas une faute de goût, bien au contraire, nous dit le cinéaste, qui laisse à ses héros, habitués à voir des pluies de pierres leur pourrir l’existence, une part des anges bien méritée. Avec l’argent gagné, pourront-ils s’offrir une nouvelle vie ? Rien n’est moins sûr. Mais Ken Loach refuse de terminer sur une note pessimiste et le départ de Robbie avec femme et enfant vers un ailleurs chargé d’espérance fait du bien. Même si la rédemption semble beaucoup moins certaine pour les trois acolytes qui regardent le van s’éloigner.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°346, juillet 2012

1. "Raining Stones", Jeune Cinéma n°224, octobre 1993

12. "Kes", Jeune Cinéma n°193, février-mars 1989.


La Part des anges (The Angels’ Share). Réal : Ken Loach ; sc : Paul Laverty ; ph : Robbie Ryan ; mu : George Fenton ; mont : Jonathan Morris ; déc : Fergus Clegg. Int : Paul Bannigan, John Henshaw, Gary Maitland, Jasmin Riggins, William Ruane, Roger Allam (Grande-Bretagne-Belgique-France-Italie, 2012, 106 min).



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