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O’Connor, Sinéad (1966-2023) I
Brève
publié le vendredi 28 juillet 2023

Jeune Cinéma en ligne directe
Journal de Solomon Roth (vendredi 28 juillet 2023)


Vendredi 28 juillet 2023

 

Sinéad O’Connor (1966-2023) est morte avant-hier, à Dublin, le 26 juillet 2023.


 

On a appris la nouvelle par le Irish Times, qui a transmis le communiqué de la famille : "C’est avec une grande tristesse que nous annonçons le décès de notre bien-aimée Sinéad. Sa famille et ses amis sont dévastés et ont demandé l’intimité en cette période très difficile". Le journal a ensuite énuméré les condoléances qui affluaient, le Président Michael D Higgins, les ministres, le Sinn Féin, tous y sont allés de leur désolation, et naturellement les musiciens amis.


 

Ceux qui suivaient la chanteuse ont pu se demander de quelle "famille" il s’agissait, après toutes ces années de dispersion et de solitude. Ses frères et sœurs, ses enfants, ses ex, maris ou amants ? En 2017, son interlocuteur, c’était Facebook, où elle appelait à l’aide : "Je suis seule, je n’ai personne dans ma vie, à part mon médecin, mon psychiatre, l’homme le plus gentil du monde, qui me dit que je suis une héroïne, et c’est bien la seule chose qui me maintient en vie. Depuis deux ans, ma vie consiste seulement à ne pas mourir".

Au départ, une famille irlandaise "normale" de cinq enfants, mais à partir du divorce des parents, Sinéad O’Connor jeune fille, a connu deux périodes traumatisantes.

D’abord, entre 1974 et 1979, des sévices sexuels de la part de sa mère dépressive et alcoolique, ultra religieuse. Elle en a souvent parlé, mais longtemps après la mort de celle-ci en 1985. Par exemple dans sa chanson Fire on Babylon (1994), ou, en 1997, dans un entretien donné aux Inrocks, et dans ses mémoires, publiées en 2021.


 

Quand elle quitte sa mère et rejoint son père, à 13 ans, elle est une adolescente insurgée, et très vite on l’interne dans le très fameux Magdalene Asylum, dont on connaît maintenant les dérives grâce à deux films : The Magdalene Sisters de Peter Mullan (2002) et Philomena de Stephen Frears (2013). Elle dira, en 1988, au magazine Rolling Stone qu’elle n’a jamais vécu (et ne vivrai sans doute jamais) dans un tel état de panique, de terreur et de souffrance. Mais c’est là qu’elle apprend la musique.


 


 

Les années 1980 lui sont plus favorables. À partir de 1983, dans un nouvel internat, sa vie prend une nouvelle tournure. Elle a 18 ans, un bon professeur d’irlandais, qui découvre sa voix et l’aide à, rencontrer les bonnes personnes, en 1984, elle forme un groupe, en 1986, elle rencontre David Howell Evans, le guitariste de U2. Entre 1987 et 2009, elle va produire 10 albums studio, avec, en 1990, la reprise d’une vieille chanson de Prince, Nothing Compares 2 U, qui lui vaut un succès mondial.


 

Mais elle ne fait pas une carrière douce. Elle n’a jamais eu aucune envie d’être dans "la prison" des pop star. "Je définis le succès en fonction du respect du contrat que j’ai conclu avec le Saint-Esprit avant d’en conclure un avec l’industrie de la musique [...] Je n’ai jamais signé quoi que ce soit qui disait que je serais une bonne fille". Et elle ne se prive pas de régler quelques comptes politiques et personnels. En 1992, invitée de l’émission de divertissement "Saturday Night Live" sur NBC, elle déchire une photo du pape Jean-Paul II pour dénoncer le silence sur ce qui n’était pas encore de notoriété publique mais qui faisait écho à son enfance, les abus sexuel au sein de l’Église catholique. L’anecdote est bien connue, et le scandale établi sur le moment. Elle expliquera plus tard, qu’elle se considérait comme "la représentante de tous les enfants abusés", et qu’il s’agissait d’une photo venant de sa mère.


 

L’événement va avoir des séquelles douloureuses. Les réactions de Frank Sinatra ou des associations catholiques, elle s’en fout sans doute. Mais le huées et les injures de la salle, deux semaines plus tard, sur la scène du Madison Square Garden où on fête les trente ans de carrière de Bob Dylan, c’est une autre histoire. Sa prestation est supprimée dans le double CD, "The 30th Anniversary Concert Celebration", paru en 1993. Les consolations de Kris Kristofferson et le fait que la séquence soit gardée sur le DVD pirate, ne font pas le poids devant le silence / absence de Bob Dylan.


 


 

Dans ses mémoires, en 2021, elle raconte la découverte, dès son enfance, de l’album "Blood on the Tracks", comment elle aima son attitude, et l’influence de la chanson Idiot Wind, qui fut l’origine lointaine et l’unification de son monde dissocié : la musique et la colère. "It’s really angry, and he says loads of mean things to someone. It’s really brave. He isn’t pretending to be nice all the time." La violence du concert du Madison Square Garden, ce ne fut pas seulement un tournant de sa carrière, mais surtout, sans doute, une sorte d’effondrement intérieur.


 


 

Il y eut, dans sa vie, beaucoup d’autres infractions au code de bonne conduite généralement admis même chez les icônes punk, et aussi des incohérences pour le commun de mortels, par exemple ses allers et retours entre le catholicisme et l’islam. C’était une mystique qui cherchait la paix, ce qui, en soi, est déjà une aporie. Il y eut, enfin, le simple malheur, la mort de son fils Shane, en janvier 2022, dont elle ne se sera jamais remise.


 

On peut la retrouver dans deux films, une fiction et un documentaire :

* Butcher Boy de Neil Jordan (1997).


 


 

* Nothing Compares de Kathryn Ferguson (2022)


 

Bonne lecture :

* Sinéad O’Connor, Rememberings, Londres, Penguin Group, 2021.


 

Cf. Le site officiel de Sinéad O’Connor.

Cf. aussi Sinéad O’Connor, II, Jeune Cinéma en ligne directe.



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