Anouk Aimée (1932-2024) est morte hier, le 18 juin 2024.
Fille de deux comédiens, comme il arrive souvent pour les actrices (légende ou pas), elle a été remarquée à 14 ans, dans un restaurant par Henri Calef, qui l’a fait tourner dans La Maison sous la mer (1947). C’est ainsi qu’elle a commencé très tôt sa longue carrière (et récupéré son prénom).
Dans sa filmographie - entre 1947 et 2019, 72 années et 91 films -, il n’y a aucune éclipse, sauf les sept années qu’elle a consacrées volontairement à sa vie familiale avec son dernier mari Albert Finney entre 1970 et 1978. Mais il y a les acmés populaires, et il y a les souvenirs intimes de chacun, qui ressemblent à sa voix feutrée, qui semble toujours nous confier un secret.
Parmi les grands succès, les cinéphiles citent toujours et d’abord Lola de Jacques Demy (1961).
Et le grand public du monde entier cite, évidemment, Un homme et une femme de Claude Lelouch (1966), Palme d’or du festival de Cannes 1966, Oscar du meilleur film étranger et Oscar du meilleur scénario original en 1967.
Ainsi, naturellement, que ses deux sequels : Un homme et une femme : Vingt ans déjà (sélection officielle, hors compétition du Festival de Cannes 1986), puis Les Plus Belles Années d’une vie (sélection officielle, hors compétition du Festival de Cannes 2019), on ne change pas une équipe qui gagne.
Mais, bien qu’elle soit toujours restée, depuis ses débuts à l’écran, à peu près la même "jeune fille" distinguée et douce, comme entraîneuse ou comme veuve, certaines images, plus rares, stationnent dans les mémoires, qui semblent mieux la définir.
Par exemple, on n’a jamais oublié Jeanne, dans Les Dragueurs de Jean-Pierre Mocky (1959), avec le peigne qui retient ses cheveux et qui se révèle boiter.
Et on aime Anne, aussi passionnément que Mathias, de façon aussi rêveuse et aussi irréelle que lui, dans Un soir, un train de André Delvaux (1968).
Les rôles que Federico Fellini lui a réservés, aux côtés de Marcello Mastroianni, sont plus connus, mais de la même nature, discrets, différents et inoubliables. Dans La dolce vita (1960), Maddalena s’ennuie au milieu du tintamarre de la grande fête, mais elle est patiente. Dans Huit et demi (1963), Luisa, avec ses lunettes, est moins frivole, moins fantasque qu’aucun des autres protagonistes, elle représente comme une sorte de sagesse sérieuse.
Sa carrière aura été très française, avec Henri Decoin (1890-1969), Julien Duvivier (1896-1967), Anatole Litvak (1902-1974), Marcel Carné (1906-1996), Jacques Becker (1906-1960), André Cayatte (1909-1989), Georges Franju (1912-1987), Alexandre Astruc (1923-2016), Jean-Pierre Mocky (1929-2019)... Et, bien entendu, Claude Lelouch né en 1937, avec qui elle a tourné plus de dix fois. Il dit d’elle qu’il lui doit sa carrière : "J’ai eu la chance de la filmer quand elle était jeune, moins jeune et très fatiguée". En effet, à partir du succès de 1966, il ne l’a plus quittée, la marquant probablement d’une étiquette spéciale, et influençant son image.
Les nécrologies titrent sur la disparition d’une "icône de la Nouvelle Vague". C’est trompeur et il ne faut pas entendre cette marque stricto sensu, dans la mesure où Jacques Demy (1931-1990) ne n’appartient pas véritablement, à la galaxie "Nouvelle Vague". D’ailleurs au tournant des années 1960, quand elle apparaît avec, par exemple, Le Beau Serge de Claude Chabrol (1958), Anouk Aimée vit en Italie, où elle tourne beaucoup avec les plus grands. De ces années-là, en plus des films de Federico Fellini, on retient spécialement Le Terroriste de Gianfranco De Bosio (1963), où elle attend calmement son amant, et surtout, en prolongation de son séjour italien, Le Saut dans le vide de Marco Bellocchio (1980), où elle est dépressive (Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 1980).
Du côté anglo saxon, elle a, à son actif, peu de films marquants, mais tout de même, à Hollywood, elle a tourné en 1969, avec Sidney Lumet (1924-2011) et avec George Cukor (1899-1983). Et, en 1995, avec Robert Altman (1925-2006).
Variety la décrit comme une "présence distante mais séduisante à l’écran" et le New York Times comme "une star énigmatique".
Au début des années 2000 - elle a 70 ans -, est venu pour elle le temps des reconnaissances internationales "pour l’ensemble de la carrière" : un César d’honneur en 2002 ; un Ours d’or d’honneur à Berlin en 2006 ; le Silver Medallion Award à Telluride en 2009.
Mais elle était loin de l’avoir terminée, sa carrière, et, toujours réservée, elle joua encore dans une dizaine de films, jusqu’à dernier en 2018, alors quelle avait 86 ans.