Richard Dindo (1944-2025) est mort à Paris mercredi 12 février 2025.
Il est né à Zürich, et, bien qu’il ait émigré à Paris dès 1966, à ce jour, seule la presse suisse annonce sa mort.
Petit-fils d’immigrants italiens, il avait quitté l’école à 15 ans, mais il lisait Marcel Proust et Arthur Rimbaud, et à 22 ans, en 1966, il décida d’apprendre vraiment le français et émigra à Paris. Sa vraie formation a été la Cinémathèque française et Mai 1968.
À 26 ans, il réalise un premier court métrage en 1970, et, tout de suite, en 1971 et 1973, deux longs métrages dont on ne sait pas grand chose. Il se fait connaître, avec son troisième long métrage Des Suisses dans la Guerre d’Espagne (Schweizer im spanischen Bürgerkrieg), lauréat du Festival de Mannheim-Heidelberg 1974.
Le film est un documentaire sur les Suisses qui ont rejoint les Brigades internationales, réalisé à partir d’archives d’époque, et d’entretiens avec les survivants. Rentrés en Suisse, ils ont été considérés comme dangereux, emprisonnés pendant quelques années puis amnistiés mais marginalisés.
En 1976, il co-réalise avec le journaliste Niklaus Meienberg
L’Exécution du traître à la patrie Ernst S. (Die Erschiessung des Landesverräters Ernst S).
À partir d’exécutions de 17 "traitres à la patrie", entre 1942 et 1944, des événements plus ou moins tenus secret, le film est une enquête sur le premier de la série, un jeune ouvrier Ernst S. Il avait dérobé quatre obus et une grenade anti-char et les avait vendus à un agent allemand 800 francs suisses. Ernst S. n’avait pas les moyens de s’offrir un avocat. Pendant ce temps, la plupart des industriels helvétiques commercent avec les Nazis au vu et au su du gouvernement. Grosse polémique dans les médias suisses et au parlement fédéral.
Les deux films sortent en France en septembre 1979. Ils apparaissent comme définissant l’œuvre engagée de Richard Dindo, et l’identifient comme un documentariste perturbateur. Le cinéaste a trouvé son rôle : remettre en question les récits officiels, et, à travers des destins individuels, se tenir du côté des vaincus. Il tiendra désormais à se définir comme "documentariste", et pas simplement réalisateur, préférant l’authenticité et la vérité historique, et considérant que le réel dépasse la fiction.
Il se dira aussi "travailleur de la mémoire", en précisant qu’il cherchait à fonder un "art de la biographie". Et c’est la seconde partie de son œuvre, poétique celle-là, celle d’un rêveur de révolutions à jamais impossibles. Ses "docu-fictions" en témoignent, où se révèlent les morts, comme Arthur Rimbaud, une biographie (1991), Qui était Kafka ?, (Wer war Kafka ?, 2006) ou, en 2018, son dernier film, Le Voyage de Bashô, journal de voyage du père de la poésie haïku, Bashô (1644-1694).
Après ses deux premiers films emblématiques du milieu des années 1970, suit une période où la demi-douzaine de films qu’il réalise ne sortent qu’en Suisse alémanique ou en Allemagne, jusqu’en 1987. Cette année-là, il réalise Dani, Michi, Renato & Max, sélectionné et récompensé au Forum de la Berlinale 1988, un film sur les manifestations de la jeunesse à Zürich en 1980 et les débordements policiers.
Les Français découvrent alors Richard Dindo, - et Jeune Cinéma dans son n°188 -, alors qu’il était, depuis plus de 20 ans, quasiment un compatriote.
Entre 1970 et 2018, il aura réalisé 32 films, tous plus ou moins de la même eau, toujours troublant les bonnes consciences, suisses essentiellement. Il disait : "En ce qui me concerne, je ressens le cinéma suisse comme ma patrie, ma vraie, ma seule patrie. En voyant un film suisse, je me sens parmi les miens, parmi mes semblables". Au cours de ses dernières années, pourtant il avait du mal à trouver des financements dans son pays, pour continuer son travail.
En 2014, pour ses 70 ans, le festival Visions du réel à Nyon et la Cinémathèque suisse à Lausanne lui ont rendu hommage.
On trouve toute sa vérité dans son Autoportrait qui figure sur son site officiel.