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Gilets jaunes 2023 (5 ans après)
Brève
publié le vendredi 17 novembre 2023

Journal de Solomon Roth (17 novembre 2023)
Jeune Cinéma en ligne directe


 



Vendredi 17 novembre 2023

 

Aujourd’hui, c’est le 5e anniversaire du soulèvement des Gilets jaunes.

C’était en gestation depuis longtemps, et visible depuis octobre 2018, avec, au départ, une protestation contre le prix du carburant qui masquait une grande quantité d’autres soucis matériels et donc existentiels. L’étincelle s’est produite le 17 novembre 2018, avec une première grande mobilisation générale identifiée : blocage des accès aux villes, des rocades et des grands axes routiers, des aéroports, des dépôts et raffineries de carburants, opérations escargot. Bilan tactique : 2000 rassemblements et blocages dans toute la France, 600 ville touchées. À Paris, l’objectif était l’Élysée, une quinzaine de lignes de bus déviées. Bilan humain : 1 morte en Savoie percutée par une automobiliste, 409 blessés, 282 interpellations, 157 gardes à vue.


 

On s’en souvient comme d’un mouvement inédit, non structuré, et d’événements sans pareils. On se souvient aussi du mépris d’une certaine bourgeoisie, et pourtant d’une adhésion statistiquement majoritaire dans le pays, tout autant que des réticences et des récupérations des partis. On se souvient de certaines tribunes, par exemple, celle de Luc Gwiazdzinski, le 21 septembre 2019.

Cf. "Gilets jaunes (automne 2018)", Journal de Louise Wimmer (1er, 2 et 6 décembre 2018), Jeune Cinéma en ligne directe.


 

Mais, aujourd’hui, une célébration n’est pas inutile, cette révolte compréhensible et justifiée, asphyxiée par l’irruption de la pandémie de covid19, mérite une place historique, au même titre que tant d’autres en France. On pense aux contemporains, Occupy Wall Street à New York ou les Indignados espagnols, à la ZAD de Nantes, on pense surtout aux grandes références, même si elles n’ont jamais été égalées, comme les révoltes des canuts, dans le cadre des révolutions de 1830 et 1848, ou la Commune de Paris en 1871.


 

Pour cette célébration, les médias sortent tous leurs archives, mises en forme par leur point de vue socio-politique.

Cerveaux non disponibles nous offre un cadeau : leur film à eux.
Aparté pour les nouveaux venus : le nom du groupe vient d’une affirmation cynique, en 2004, du PDG de TF1, Patrick Le Lay : "Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible".

Le film est arrivé partout : dans la messagerie de Jeune Cinéma, chez LundiMatin, chez Les Mutins de Pangée, chez Mediapart, à la Fondation Danièle-Mitterrand...


 

Le film a le grand intérêt (et la particularité) de cibler une idée de base : Tout a été fait pour masquer la nature politique du mouvement, et réduire cette contestation essentielle à des humeurs conjoncturelles de casseurs, qui ne méritaient ni dialogue, ni négociation, juste l’envoi des "forces de l’ordre". Et aussi de rappeler ce constat malheureux, que seule la violence est audible par le pouvoir : une manif paisible (ses explications et ses revendications) est à peine mentionnée au Journal télévisé du 20h, et immédiatement oubliée. Dans la démocratie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, un vote quinquennal (sans décompte des abstentions et des votes nuls) suffit largement à sa légitimité. Les entretiens, conduits en 2022, sont entrecoupés d’images d’archives, racontent l’état des lieux de la pauvreté de l’époque, les raisons d’adhésion au mouvement, et les représailles policières et judiciaires.


 


 


 

Le film met également en lumière quelques temps forts : "La France qui monte à Paris", "les Parloirs sauvages", l’Appel de l’Assemblée des Assemblées à Commercy, les 26 et 27 janvier 2019, "la fin du grand débat début du grand débarras" du 14 mars 2019.
Enfin, le film a le grand mérite d’évoquer une solidarité, une fraternité même, qui se sont construites et épanouies, dans le cadre des rencontres, et des réunions qui se multipliaient. Une application naturelle et non revendiquée de l’ouvrage de Gauthier Chapelle & Pablo Servigne, L’Entraide. L’autre loi de la jungle (Les Liens qui libèrent, 2017).

Cf. "Les Magnifiques Sauvages," Jeune Cinéma en ligne directe.


 

En 2021, Amnesty International avait réalisé un documentaire de 52 minutes, Présumé coupable, autour de la question de l’arrestation abusive et du placement en garde à vue des manifestants. L’organisation estimait que 40 000 personnes avaient été condamnées abusivement. Le film s’est vu interdire aux moins de 18 ans par Youtube, mais il est visible gratuitement sur le site officiel.
Le documentaire de Cerveaux non disponibles, lui, cinq ans plus tard, réveille les mémoires, à un moment où, pour une majorité, la vie est aussi difficile sinon plus. Pour paraphraser Aldo Francia (1923-1996) dont c’est le centenaire, avec son film, Ya no basta con rezar (1972), il n’a jamais suffi de prier pour obtenir liberté, fraternité et dignité. Ne parlons pas d’égalité, dans un monde où les inégalités ne cessent de se creuser.

Bonnes lectures :

* Luc Gwiazdzinski & Bernard Floris et tous les autres, Sur la vague jaune, l’utopie d’un rond point, préface de Angelo Turco, Elya éditions, 2019.


 

* Kévin Puisieux & Céleste Lacombe, éds., L’Écologie depuis les ronds-points, La Fondation de l’écologie politique, 2023.


 



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