Kris Kristofferson (1936-2024) est mort le 28 septembre 2024 à Hawaï.
On l’a appris, ce matin, par une breaking news du New York Times. Comme pour la plupart des morts âgés, on parle de mort paisible. Pas question de mettre en doute les informations venues des familles, mais dans son cas, on sait qu’il était malade depuis des années, et qu’il y avait eu des erreurs de diagnostics. Malgré cela, il avait continué à se produire sur scène jusqu’en 2021.
Sur son site officiel, on peut voir les grandes étapes de sa carrière. Pour l’instant cette chronologie s’arrête en 2019, avec le Willie Nelson Lifetime Achievement Award, le plus haut degré de reconnaissance dans le domaine de la musique country, une musique qu’il avait, en douceur, transfomée en ce qu’on a appelé "Country Outlaw".
Comme chanteur, et comme acteur, il était une légende. À cause de son talent, bien sûr, mais peut-être aussi parce qu’il incarnait une époque, révolue et mythique, et un choix de vie. Fils de militaire, bonne famille, bonnes études, il a refusé l’establishment - on lui avait proposé un poste de professeur de littérature anglaise -, et a été renié par ses parents, parce que, installé à Nashville, il préférait faire des petits boulots - par exemple concierge des studios Columbia -, écrire et chanter, et fréquenter des gens plus intéressants, plus engagés contre les guerres. À l’époque, c’était celle du Vietnam qui défrayait la chronique.
Par exemple, Johnny Cash (1932-2003), avec qui il constituera un groupe, The Highwaymen (1985-2002), avec aussi Waylon Jennings (1937-2002) et Willie Nelson, né en 1933.
Ou bien Janis Joplin (1943-1970) qui reprendra une de ses compositions juste avant sa mort : "Me and Bobby McGee",
Et Bob Dylan (né en 1941), qui dira de lui : "Il y a Nashville avant Kris, et Nashville après Kris. Car il a tout changé". Le site Expecting Rain (Bod Dylan News) renvoie aujourd’hui à tous les articles parus à propos de sa mort.
Dans sa double carrière, commencée au début des années 1970, il est difficile de dire quelle est la partie la plus importante. Mais dans Variety, on souligne "He ultimately tallied more than 100 movie and TV acting appearances", et naturellement on cite ses multiples récompenses.
Au cinéma, dès ses débuts, il a eu de bonnes fréquentations. Son premier film, c’est en 1971, sous la direction de Denis Hopper, The Last Movie (1971).
À partir de là, il travaille beaucoup (à la télévision aussi entre 1979 et 2015), et fait au moins un film par an. Il trouve la gloire (pas tout de suite) avec Pat Garrett et Billy le Kid de Sam Peckinpah (1973), avec une bande son magnifique de Bob Dylan
Il retrouvera Bob Dylan, en filigrane dans I’m Not There de Todd Haynes (2007).
L’année suivante, en 1974, il enchaîne avec Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia (Bring me the Head of Alfredo Garcia) toujours de de Sam Peckinpah, qu’il retrouvera une troisième fois pour Le Convoi (Convoy) en 1978.
De grands réalisateurs font alors appel à lui, Martin Scorsese, Michael Cimino, Alan J. Pakula, James Ivory, Richard Linklater, Guillermo del Toro, Tim Burton, Ethan Hawke ou Miguel Littín pour des films parfois inédits en France, et il travaille aussi avec de nombreux cinéastes moins connus. Dans les années 1990, à la cinquantaine, il tourne deux films importants avec John Sayles : en 1996 dans Lone Star (1996) et Limbo (1999).
Dans ses nécrologies, on cite beaucoup Une étoile est née (A Star is Born) de Frank Pierson (1976) pour lequel, avec Barbra Streisand, il a reçu le Golden Globe 1977. Mais le film n’est jamais qu’un remake (le 2e), et, dans la catégorie remake, on préfère celui de Georges Cukor en 1954.
En réalité, nous avons un faible pour un film mal connu, qui, la même année, a été seulement nommé aux Golden Globe, le film du scénariste Lewis John Carlino, Le Marin qui abandonna la mer (The Sailor Who Fell from Grace with the Sea) de (1976).
Le beau jeune homme, hors-la-loi, et ses relations ambiguës avec le traître James Coburn, on l’a vu vieillir magnifiquement mais de loin, et avec étonnement.
C’est que, contrairement à Bob Dylan et son Never Ending Tour, il ne faisait pas de tournées internationales, et vint rarement en Europe. On ne le voyait pas en vrai, sur scène. Ils ne sont pas nombreux ceux qui ont eu la chance de le voir à San Sebastian en 2010, ou à Paris, à la Cigale, en 2017.
* Cf. aussi "Bob & Kris, quelques précisions", Jeune Cinéma en ligne directe.