Jeune Cinéma en ligne directe
Journal de Solomon Roth 2023.
* 16-30 avril 2023 (22 avril 2023) ; 1er-15 juin 2023 (8 juin 2023) ; 17-30 juin 2023 (21 juin 2023) ; 1er-15 septembre 2023
Cf. Chroniques (et vagabondages) de l’Anthropocène (2014-2023).
Cf. aussi :
* Filmographie Anthropocène.
* Bibliographie Anthropocène.
L’année 2023 aura été terrible, selon l’observatoire européen Copernicus, les trois derniers mois de l’été boréal (juin, juillet et août 2023) ont été les plus chauds jamais connus par l’humanité.
"L’effondrement climatique a commencé", a dit hier António Guterres, le secrétaire général des Nations unies.
Il y a quelques temps déjà que les catastrophes font la Une, quasiment chaque jour, de tous les journaux télévisés : les incendies, les déluges, la multiplication des cyclones, la fonte des banquises et des glaciers, la mort des coraux, l’apparition de virus archaïques, les désordres écologiques avec disparitions et apparitions (d’espèces invasives), et, bien entendu, les grands malheurs des humains, détruits et/ou contraints à la migration.
C’est bien, cela devrait amener à une prise de conscience de la société civile, mais il est à craindre qu’au lieu d’éveiller, les annonces quotidiennes endorment, on s’habitue, l’alerte se dissout, et on continue à vaquer à ses occupations, as usual.
La déclaration de António Guterres a ceci d’important qu’il utilise un mot, devenu tabou, parce que désormais largement connoté : "effondrement".
Il y a plus de 40 ans, en 1972, le rapport de Donatella & Dennis Meadows, The Limits to Growth, avait commencé à donner l’alerte. "L’année où le futur a bsculé", dit France Culture. Cela avait fait grand bruit mais dans un tout petit monde. Et n’avait engendré aucun changement de système, nulle part sur la planète.
En 2015, l’ouvrage de Pablo Servigne & Raphaël Stevens avait été un best seller, donnant naissance au mouvement de la collapsologie, qui faisait ricaner les beaux esprits. Yves Cochet prévoyait des années charnière de l’évolution du monde tel qu’il se perpétuait, et disait, en substance, que la rupture la pire (et la plus radicale) serait un nouvelle catastrophe nucléaire (avec laquelle, on flirte allègrement en Ukraine par exemple).
Sur l’effondrement, ce que Pablo Servigne disait en 2020 - par exemple que le retour des autoritarismes est un des signes précurseurs - reste pertinent, même si les lignes ont pas mal bougé : c’était avant la guerre d’Ukraine, avant les coups d’État en Afrique, avant que l’Espagne, la Grèce, le Canada ne partent en fumée.
En 1919, Paul Valéry écrivait de façon poétique : "Nous autres civilisations nous savons maintenant que nous sommes mortelles".
En 2005, Jarek Diamond disait que quand on arrive près du précipice, ce qui est commun à toutes les disparitions des civilisations, ce sont les mauvaises décisions des élites politiques (Mayas ou Romains).
En 2014, le Rapport Handy faisait intervenir un nouveau paramètre, le fait des inégalités : Plus une société est inégalitaire, plus elle de chance de s’effondrer brutalement.
Si, à la base de la société française notamment, on a vu localement des efforts exemplaires, de nouvelles idées et de nouvelles organisations, si on a vu pas mal de manifs, il semble que cela soit moins visible ces derniers temps, cette affaire essentielle qu’est le futur des enfants est éclipsée par la court terme et les préoccupations électorales, la Rentrée des classe, la question de l’immigration, l’ordre policier...
Comme si le peuple de bonne volonté, même celui qui lit tous les livres et vos tous les films, avait délégué le travail aux médias, c’est à dire au spectacle.
Quant aux responsables politiques, on ne les voit guère en action, ne serait-ce qu’en actions exemplaires. Et même, on ne les entend guère, ne serait-ce que sous forme d’effets d’annonce. Et, par-ci, par-là, on ose encore, sans vergogne, parler de croissance comme preuve de bonne santé.
Alors António Guterres dit aussi, comme tous les lanceurs d’alerte, comme chaque année, comme toujours, que "Nous pouvons encore éviter le pire du chaos climatique. Et nous n’avons pas un instant à perdre".
En 2018, Pablo Servigne, Raphaël Stevens & Gauthier Chapelle affirmaient qu’une autre fin du monde était possible. C’était il y a cinq ans, depuis les choses ont empiré de façon accélérée.
On sait bien qu’il est trop tard si on continue comme avant.
Or on continue comme avant.
La catastrophe est encours et non pas à venir, comme le dit Aurélien Barrau.
Non, tout n’est pas foutu, on doit garder précieusement l’espoir. Disent-ils tous.
À Paris, l’Académie du climat fait sa rentrée, avec ses partenaires d’automne : les Journalistes-écrivains pour la Nature et l’Écologie, (JNE), l’Institut Momentum, l’École supérieure d’architecture des jardins (ESAJ),l’Université du Bien Commun, l’association française d’archéo-géographie.
Tous les mercredis et les jeudis, une conférence-débat en entrée libre et réservation recommandée.
Ce soir :
* À 19h00 : Nucléaire ou une nécessaire démocratie de l’énergie au temps de l’urgence écologique.
Avec Thomas Blosseville, Hervé Kempf, Marion Rivet, Fabienne Merola.
On peut suivre le débat en direct. Et le retrouver plus tard sur le YouTube de l’Académie.
C’est l’été.
Aujourd’hui, ce mercredi 21 juin 2023, exactement à 16:57:47, temps sidéral, c’est le solstice d’été.
Longtemps, dans nos zones tempérées ce fut la belle saison.
La Nuit de la Saint-Jean, la plus courte de l’année, tout était possible. Les "grandes vacances", dans l’enfance, s’annonçaient magnifiques et sans fin. Un jour, la Fête de la musique s’installa, qui lançait les réjouisances.
En ces premières décennies du 21e siècle, l’été est en train de devenir la saison de toutes les angoisses, de tous les dangers. Le désir de désert, la beauté du feu se métamorphosent en imploration de la pluie et en terreur de la soif.
Ce soir, Médiapart propose une émission spéciale en direct : Climat du Nord au Sud, un monde en bataille, avec Greta Thunberg, Sophie Binet, Vanessa Nakate, Clémence Dubois, Benoît Teste, Diana Nabiruma, Youlie Yamamoto, Simon Duteil, Disha Ravi, Luisa Neubauer.
À Paris, alors que partout dans le monde règnent les dissensions et les conflits, on rejoint un mouvement écologiste qui ne cesse de progresser en évidence, en cohérence, en nombre aussi.
Dès l’ouverture de son site en 2014, Jeune Cinéma avait constitué une bibliographie Anthropocène.
On avait alors constaté qu’elle pouvait commencer avec des précurseurs dès le 19e siècle. Au long des années, elle ne cessait de s’allonger, et, dans le même temps, l’urgence était de plus en plus criante, alors même que les actions des autorités du monde, le nez dans le présent, sans vision ni perspective, ne suivaient pas. Amusant à titre individuel, l’adage "Après moi, le déluge", devient terrifiant en politique.
Aujourd’hui, les climatosceptiques sont moins nombreux, mais les prises de conscience continue à être laborieuses. Il est trop tard pour raccommoder la planète. Peut-être peut-on encore éviter le pire. Si on se réveille.
Nos défaites, voyez-vous,
Ne prouvent rien, sinon
Que nous sommes trop peu nombreux
À lutter contre l’infamie.
Bertolt Brecht.
Devant la violente répression des manifestations de Sainte-Soline, pour une juste répartition du bien commun en péril, l’eau, et après les menaces de dissolution qui ont suivi, 40 personnalités affirment : "On ne dissout pas un dérèglement planétaire. On n’efface pas par décret les constats scientifiques ni le refus d’un capitalisme radicalisé fonçant dans le mur. Loin des procès en "écoterrorisme", ce qui se joue autour des mouvements comme les Soulèvements de la Terre n’est rien d’autre que la bataille de ce siècle".
Dans la salle des fêtes de l’Académie du climat les Éditions du Seuil et leur prestigieuse collection Anthropocène, et les Soulèvements de la Terre invitent à venir débattre autour d’un livre, qui vient de paraître.
Ce soir, en entrée libre :
* À 19h30 : On ne dissout pas un soulèvement.
Avec Jérôme Baschet, Christophe Bonneuil, Isabelle Cambourakis, Sophie Gosselin, François Jarrige, Léna Lazare, Martine Lutteterre, Virginie Maris, Gaïa Marx, Lotta Nouqui, Alessandro Pignocchi, Véra Zassoulitch…
Animation par Zoé Serafinowicz de Reporterre et Philippe Vion-Dury de Socialter.
Aujourd’hui, c’est la Journée internationale de la Terre nourricière.
L’ONU consacre des journées, des semaines, des années et même des décennies internationales, chacune ayant un thème spécifique. Ces célébrations sont des alertes, censées être de "puissants outils de sensibilisation" des gens, des citoyens, des gouvernements, prémices d’une action internationale coordonnée. La liste en est impressionnante et hétéroclite, les alertes sont justifiées. Il reste encore de la place.
Pour la Terre et sa journée, il faut bien reconnaître sa légitimité capitale.
Cela aurait dû toucher immédiatement les "sensibiltés" de l’espèce humaine, au vu de la célèbre et première photo de la Terre, intitulée The Blue Marble, prise depuis Apollo 17, le 7 décembre 1972.
La même année, les esprits correspondant aux dites sensibilités auraient pu être pénétrés par le Rapport Meadows, commandé par le Club de Rome : Donella Meadows, Dennis Meadows, Jørgen Randers & William W. Behrens, The Limits to Growth, Universe Books, 1972. L’ouvrage a été publié en français la même année, chez Fayard, sous le titre Halte à la croissance ! Il a été réédité et complété pour les anniversaires en 2012 et 2022 aux éditions Rue de l’échiquier.
On peut le lire sur Internet.
Donella Meadows (1941-2001) est morte trop jeune. Mais Dennis Meadows, né en 1942, est encore vivant, et il persévère : Entretien avec Dennis Meadows en 2022.
Un film était (relativement) optimiste, il y a encore 10 ans : Dernière alerte. 40 ans après les limites à la croissance (Ultima Chiamata) de Enrico Cerasuolo (2013).
En 2023, il ne faut toujours pas désespérer :
"Agissons sans attendre", c’est l’injonction. C’est pas difficile, "il faut juste une action climatique équitable et efficace portée à l’échelle planétaire", précise le GIEC.
Désormais, cinquante ans plus tard, pourtant, on reconnaît aussi la dérision de ces alertes, et le sarcasme qu’elle génère chez les "hommes de bonne volonté", devant l’inaction plus ou moins générale, et la conjugaison des mauvaises fois, des mensonges, des scepticismes, des réticences, des impuissances.
On serait curieux de savoir ce qu’en pensent, aujourd’hui, les grands guerriers haineux dominants et hyperactifs, comme les petits malins corrompus, répartis plus ou moins harmonieusement sur la planète. Ils ont d’autres pensées prioritaires, et après eux le déluge.
Mais va pour les pensées positives, ce soir, chacun, puissant ou misérable, s’endormira la conscience tranquille.
Aparté :
Ah Dieu ! Que la guerre est jolie, et que la mafia est passionnante, quand elles sont loin et vues par les grands artistes.
Everybody knows that the dice are loaded
Everybody rolls with their fingers crossed
Everybody knows the war is over
Everybody knows the good guys lost
Everybody knows the fight was fixed
The poor stay poor, the rich get rich
That’s how it goes