JC n°431-432, octobre 2024
Couverture : Jeune Cinéma a 60 ans, par Amélie & Max.
Quatrième de couverture : Jeune Cinéma n°1, septembre-octobre 1964.
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Eh bien, nous y sommes. Depuis le temps que nos propositions de réabonnement évoquaient "le chemin vers le soixantenaire", "la ligne droite qui mène au soixantenaire", "la veille du soixantenaire", il fallait bien que celui-ci survienne. C’est chose faite - nous allons devoir trouver une autre perspective pour convaincre les abonnés de nous accompagner dans la poursuite de l’aventure.
Nous nous félicitions, dans le n°291, d’entrer dans le club fermé des revues de plus de quarante ans, nous étions fiers de saluer, dans le n°361, notre maintien dans le club des plus de cinquante, que dire en franchissant ce nouveau seuil, sinon que nous sommes heureux d’être toujours là, dans ce club encore plus sélect - où nous arrêterons-nous ?
Reprenons ce que nous écrivions à l’automne 2014 : "Il n’est pas certain qu’au prochain bilan décennal, les revues encore en version papier soient bien nombreuses - mais, s’il est encore possible de durer sous cette forme devenue obsolète, nul doute que Jeune Cinéma fera partie du lot". Nous ne sommes pas du genre à agiter nos médailles, ni à affirmer que, sans la revue, l’histoire de la critique n’eût pas été la même - il n’empêche que, si elle existe toujours, ce n’est pas par un miraculeux hasard, mais parce qu’il y a encore des rédacteurs pour y écrire et des lecteurs pour la lire.
Dans cette longévité, le site, inauguré il y a tout juste dix ans, a joué un rôle, et fort important. Certes, les centaines de visiteurs quotidiens ne s’abonnent pas tous, hélas, mais l’œil posé sur le monde par cette vitrine, à l’actualité constamment renouvelée, joue sa partie dans une reconnaissance élargie au-delà de la confidentialité des revues de cinéma. L’objectif d’y recueillir un jour la totalité des articles publiés depuis 1964 est plus que jamais vivace. Pour l’instant, les archives déjà accessibles constituent une mémoire active d’une rare richesse - si un jour, sait-on jamais, la revue disparaissait, elle sera au moins assurée de laisser quelques traces pérennes.
Anniversaire ou pas, la tradition est là : impossible d’échapper à la déploration.
Deux amis nous ont quittés, Jean-Charles Tacchella (1925-2024), le 29 août, et Pierre-William Glenn (1943-2024), le 24 septembre.
Le premier était un fidèle de la revue depuis 1974, Jean Delmas ayant été le seul à lui proposer un entretien après la sortie de Voyage en Grande Tartarie, ses débuts dans la réalisation. Ses Mémoires représentent un étonnant témoignage sur le cinéma français d’une grande partie du dernier siècle, et nous leur avions donné l’écho qu’ils méritaient.
Quant au second, par-delà sa carrière haut de gamme - il fut un des plus grands chefs-opérateurs français et un réalisateur notable (1) -, c’était un de nos compagnons des premiers rangs de la Cinémathèque, en sa période canonique, surgissant cheveux en bataille et casque de moto à la main, et l’on entend encore le rugissement de sa Triumph (il en posséda successivement quelques dizaines) quittant la rue d’Ulm après la dernière séance du soir. Il nous avait confié, en 2015, les secrets du tournage de Out One : noli me tangere de Jacques Rivette (1971), démonstration époustouflante de son talent - il aurait mérité d’être crédité de la coréalisation. Son militantisme (2) ne lui fit pas que des amis, mais au moins les amitiés qu’il entretint furent solides. Faute de pouvoir figurer dans ces pages déjà composées, une nécrologie détaillée a été publiée sur le site de la revue dès le lendemain de sa disparition.
Avant de chercher des perspectives neuves, peut-être faudrait-il esquisser un bilan. Mais nous le laisserons établir par d’autres, afin de ne pas verser dans l’autosatisfaction - mieux vaut un point de vue objectif. Comme il convenait tout de même de faire un clin d’œil à notre passé (après tout, les abonnés depuis 1964 se font rares), nous avons choisi parmi nos archives deux textes de notre équipe fondatrice, l’un de Andrée Tournès (1921-2012), qui jette un regard rétrospectif sur les trente-trois premières années de Jeune Cinéma, l’autre de Jean Delmas (1912-1979), qui salue la mémoire de deux de ses amis surréalistes - nul besoin, en 1967, de célébration spectaculaire-marchande. Nous y avons ajouté un coup de chapeau à tous les collaborateurs des six décennies écoulées, en attendant la suite.
Pour le reste, les rubriques habituelles sont là, pour affirmer la continuité de notre exercice. Une pincée d’actualité, En fanfare, le film de Emmanuel Courcol étant un des bons moments de la rentrée - bien dans la ligne de ses précédents, Cessez le feu (2016), et Un triomphe (2020) -, une brochette de festivals, une louche de découvertes patrimoniales - trois films inconnus de Kihachi Okamoto, six téléfilms de Pierre Prévert -, quelques bouchées personnalisées (Joseph Losey, Jérôme Seydoux, Jean Börlin, Buster Keaton), une poêlée de DVD roboratifs, une farandole de divagations savoureuses (dont la suite, attendue, de l’étude sur Dino Risi), l’ensemble couronné par un choix de livres fréquentables - dont le dernier ouvrage de Thierry Frémaux, décidément infatigable.
Et à propos d’ouvrages, notons deux titres qui viennent de nous parvenir, trop tardivement pour être lus et recensés dans ce numéro : le copieux Robert Altman, miroitements d’une œuvre de Édouard Sivière, édité chez Marest, et dont on espère beaucoup, l’auteur de Brewster McCloud (1970) demeurant à nos yeux le plus grand auteur américain de sa génération. Et Dimanche et autres essais de Edmond Bernhard de Olivier Smolders, édité chez Yellow Now, qui va enfin nous éclairer sur ce cinéaste-alchimiste, obscur et légendaire, issu d’une Wallonie qui ne cessera jamais de nous surprendre.
Lucien Logette
1. Le Cheval de fer, son documentaire de 1974 sur le championnat du monde de moto, n’a pas été égalé et reste un film de référence pour tous les motards.
2. Il filma la grève de Sud-Aviation à Nantes, première usine occupée en mai 1968 - sa notice wikipedia reste muette sur le sujet.
Rétrospective
* Flashback, par Andrée Tournès.
* Pour se souvenir de Desnos et Brunius, par Jean Delmas.
* 537, par Lucien Logette.
Cinéma français
* En fanfare, par Gisèle Breteau Skira.
* Rencontre avec Emmanuel Courcol, par Gisèle Breteau Skira.
* Notes sur quelques films français inédits, par Lucien Logette.
Festivals
* La Rochelle 2024, par Alain Souché.
* Angoulême 2024, par Alain Souché.
Patrimoine
* Kihachi Okamoto : trois films de guerre, par Andrea Grunert.
* Pierre Prévert et la télévision, par Lucien Logette.
Cinéma & Histoire
* Le Garçon aux cheveux verts, par Jean-Michel Ropars.
Cinéma & Business
* Pathé perdu et retrouvé, par Daniel Sauvaget.
Cinéma & Danse
* Ballet(s) suédois, par Nicolas Villodre.
Chercheurs & Curieux
* Buster Keaton apprécie Karl Marx (Bifur n°4, 31 décembre 1929.
DVD
* Glanures. De Jacques de Baroncelli à Alain Mazars, par Philippe Roger.
* Chronique de l’été 2024, par Jérôme Fabre.
* Dressé pour tuer, par Alexis Leroy.
* La Scandaleuse de Berlin, par Enrique Seknadje.
Exposition
* Le cinéma allemand de 1895 à nous jours, par Francis Guermann.
Actualités
* Sitabaomba, chez les zébus francophones, par Nicole Gabriel.
* Grand Tour, par Hugo Dervisoglou.
* Anaïs, 2 chapitres, par Francis Guermann.
* Anora, par Jean-Max Méjean.
* Toxicily, par Nicole Gabriel.
* Un amor, par Francis Guermann
* Une part manquante, par Gisèle Breteau Skira.
* Rivière, par Jean-Max Méjean.
* À l’ombre de l’abbaye de Clairvaux, par Anita Lindskog.
* Bona, par Francis Guermann.
* La Sirène à barbe, par Nicole Gabriel.
* Les Barbares, par Sylvie L. Strobel.
* Les Belles Créatures, par Gisèle Breteau Skira
* Veni Vidi Vici, par Nicole Gabriel.
Livres
* Thierry Frémaux, Rue du Premier-Film, par Anne Vignaux-Laurent.
* Cristian Mungiu, Une vie roumaine, par Gisèle Breteau Skira.
* Armelle-Talbot & Guillaume Sibertin-Blanc, Variations Fassbinder, par Nicole Gabriel.
Divagations
* Dino Risi ou la vision nue II, par Patrick Saffar.
* Découverte du cécifoot, par Bernard Nave.
* Sur la route de Kustendorf, parJean-Max Méjean.
* La mise en scène du sport, par René Prédal.
Hommage à Bernard Chardère (1930-2023).