home > Au fil du temps > Tous les éditos (2014-2024) > Journal de Wayne Hays (édito 2021)
Journal de Wayne Hays (édito 2021)
Édito 2021
publié le vendredi 1er janvier 2021


 

ÉDITO 2021

 



Entre "le pessimisme" (de l’humeur, de la connaissance) et "l’optimisme" (de la volonté, du combat), et les adeptes de ces fourre-tout qui tous ont peur de la vérité, comme le disait Tristan Bernard, on a renoncé à choisir son camp.

À relire les éditos du site depuis sa naissance, force est de constater, que, avant même qu’apparaissent les collapsologues en 2015, on avait perdu non seulement toute foi, mais tout dessein, et cela depuis longtemps, des années, peut-être au tournant des années 1980. Dans les inconscients, la catastrophe se substituait à la révolution.

Désormais, après cette terrifiante année 2020, plus que jamais, nous tournons en rond dans la nuit (1). Car, si ce qui est arrivé au monde peut trouver de multiples explications et responsabilités bien concrètes, l’irruption de la pandémie de covid19 demeure philosophiquement énigmatique.

Après Ma’ Joad la mère du syndicaliste, Old Gringo le témoin ironique, Hushpuppy la petite fille étonnée, Ben Cash le vieux hippie, Louise Wimmer la chômeuse sans homme, Ellis et Neck, les deux ados en phase d’initiation, Abla, la grande dame du Sud, Jeune Cinéma, en 2021, donne la parole à Wayne Hays, l’homme qui doute.

Il fut éclaireur, "traceur", pendant la guerre du Vietnam. Vétéran, il est à présent de retour dans son Arkansas natal, détective. Un jour, un cas non résolu se présente. Il a appris à n’être sûr de rien, à examiner toutes les possibilités, à s’attarder sur le pire, c’est son job.
Cela devient son destin. Son obsession, son tourment, parce que l’histoire va lui repasser les plats trois fois, il va passer sa vie à enquêter, à la recherche d’une introuvable vérité. Quand, à la fin de son chemin, dans son temps cyclique à lui, il voit la vérité bien en face, il ne la reconnaît pas.
Pourquoi suivre, pendant toute une année 2021, un homme qui "n’est rien", un loser comme on disait un temps, qui ressemble à Sisyphe et à Giovanni Drogo (2) ?
C’est que peut-être, pour le monde, voici venu le temps de la métaphysique. Pas, comme l’ont cru certains, un 21e siècle religieux, les religions, comme les révolutions, sont toujours trahies. Suivre la quête de Wayne Hays, c’est accepter l’absurdité de la condition humaine, c’est reléguer Prométhée sur le mont Caucase, c’est retrouver la nécessaire humilité, dans cette sorte de no man’s land où errent les enfants perdus d’aujourd’hui.

La métaphysique est un refuge de l’âme, où elle reprend des forces. Pour persévérer dans la lutte, et dans la quête de la justice, cette notion non-naturelle qui fait l’honneur du genre humain.

Année Vignaux-Laurent
 

1. In girum imus nocte et consumimur igni de Guy Debord (1971).

2. Le Désert des Tartares (Il deserto dei Tartari) de Dino Buzzati (1940) a pour héros le lieutenant Giovanni Drogo.


 

* True Détective, saison 3 de Nic Pizzolatto (2019).
Wayne Hays : Mahershala Ali ; Roland West : Stephen Dorff.



Au fil du temps, tous les éditos
 

Voyage dans le temps.
 



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts