Journal de Solomon Roth (décembre 2023) II
16-27 décembre 2023
publié le mercredi 27 décembre 2023


Mercredi 27 décembre 2023

 

Frank Cassenti (1945-2023) est mort le 22 décembre 2023.


 

À l’annonce de sa mort, une génération entière s’est trouvée replongée dans un passé, qui avait tendance à s’éloigner de plus en plus. Comme s’il s’était calcifié à jamais, en 1976, avec son film L’Affiche rouge et son Prix Jean-Vigo.


 

Alors sont revenus dans nos mémoires, tous les rendez-vous de sa vie, certains d’entre nous y étaient, d’autres auraient bien voulu y être, comme si la vie de Frank Cassenti était emblématique d’une époque.

Il était né au Maroc, il avait fait des études en Algérie, il avait appris à jouer de la contrebasse et de la guitare et était devenu un excellent musicien de jazz. Il fut étudiant à Lille, où il animait le cinéclub de l’UNEF créé par Pierre-Henri Deleau. Et puis, en 1968, il avait rejoint la coopérative Slon fondée par Chris Marker, qui deviendra Iskra en 1974. Il y avait rencontré Marceline Loridan et Joris Ivens, avec qui il avait réalisé un premier ciné-tract sur une grève de mineurs dans le Nord.

En 1969, il a 24 ans, et c’est là que sa "carrière" commence vraiment : il écrit à Jean-Luc Godard. Il raconte ainsi : "Il disait qu’il fallait que le cinéma aille partout, dans les facultés, dans la rue... Je l’ai pris au mot et je lui ai écrit pour lui dire que c’était exactement ce que nous faisions". Jean-Luc Godard lui répond, ils organisent une projection à la fac, et la recette sert à financer son premier court métrage, Flash-Parc, qui est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, que Pierre-Henri Deleau vient d’intégrer comme délégué général (et où il restera 19 ans, jusqu’en 1988). Frank Cassenti est un homme d’amitiés.

À partir de là, il ne va plus cesser de faire des films, sans jamais s’éloigner de son engagement originel, et sans lâcher sa première passion, le jazz. En 1973, il réalise un second court métrage, L’Agression, avec Josiane Balasko, Patrick Bouchitey, Claude Melki Étienne Chicot, comme pour s’enraciner (il n’en fera plus d’autres), qui fut d’abord censuré, puis, sous la pression des médias, libéré.


 

La même année, il réalise son premier long métrage, Salut, voleurs ! avec Jacques Higelin, László Szabó, Jean-Luc Bideau, Anouk Ferjac.

Et puis, en 1975, il peut réaliser L’Affiche rouge, avec le soutien de Pascal Aubier, sur le groupe Manouchian et les résistants de la FTP-MOI, qu’il tourne à La Cartoucherie de Vincennes, et qui marqua les esprits parce qu’il évoquait un moment bien relégué dans la mémoire collective, à part le poème de Louis Aragon paru dans L’Humanité en 1955, puis mis en musique par Léo Ferré en 1961.


 

Après un détour par un film d’historien, La Chanson de Roland (1978), il rencontre Pierre Goldman à sa sortie de prison et ils travaillent à l’adaptation de son livre autobiographique Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France. Pierre Goldman est assassiné le 20 septembre 1979 et le projet tombe à l’eau. Mais Frank Cassenti est fidèle. En 1980, il réalise un documentaire d’hommage à son ami : Aïnama (Salsa pour Goldman).

À partir de 1982, il entame une série de portraits de jazzmen, en commençant par Lettre à Michel Petrucciani.


 

Suivront Archie Shepp avec Je suis jazz... c’est ma vie en 1984, puis une série de documentaires produits par Arte sur Dee Dee Bridgewater, La Velle, Dizzy Gillespie, Nina Simone, Miles Davis Abbey Lincoln, Billie Holiday, Sun Ra...


 

En 2002, il crée le Festival de Porquerolles, avec Archie Shepp et Aldo Romano, sur lequel il réalisera un film Changer le Monde (2019).


 


 

Merci à Camille Dodet pour ces deux photos.

En 2004, il créée avec Samuel Thiebaud, une société de production qui filme des concerts et réalise des documentaires de jazz : Oléo Films.

Dans le Sud, on ne l’oublie pas.


 

Entre 1972 et 2020, il aura réalisé plus de 23 films, courts métrages, série et téléfilm compris. Une œuvre, de renommée internationale, qui a sa cohérence, celle d’un cinéaste militant, d’un musicien et d’un historien, pas du tout d’un touche-à-tout. Pourtant, elle est mal répertoriée sur Internet, et on constate un peu partout des oublis et des erreurs. Par exemple, sa Lettre à Michel Petruciani est régulièrement confondue avec le documentaire de Michael Radford (2011).

Frank Cassenti disait : "Ma façon de filmer repose sur l’improvisation. Je filme avant tout avec le cœur. Le jazz m’a appris cette façon d’être : mettre le hasard en état de grâce et laisser transparaître l’invisible".
Une façon sensible de faire sa vie, et non de faire carrière, ce genre de belle personne difficile à encadrer de façon exhaustive dans les dictionnaires, quelle que soit leur forme.

Merci à Jean Louis Lemarchand sur le site de la CCU.

On trouve ses films chez les Mutins de Pangée.

Bonnes lectures :

* L’Affiche rouge, L’Avant-scène cinéma n°174, 1976.


 

* Franck Médioni, Michel Petrucciani, le pianiste pressé, Paris, Éditions l’Archipel, 2024.


 


Les sorties sur les grands écrans

* Fear and Desire de Stanley Kubrick (1953).

* Mon ami robot de Pablo Berger (2022).

* L’Innocence (Kaibutsu) aka Monster de Hirokazu Kore-eda (2023).

* Une affaire d’honneur de Vincent Perez (2023).

Les ressorties en versions restaurées

* Mary à tout prix (There’s Something About Mary) de Peter Farrelly & Bobby Farrelly (1998).

* Assaut (Assault on Precinct 13) de John Carpenter (1976).

* Cinq films avec Bernadette Lafont : Les Bonnes femmes de Claude Chabrol (1960) ; La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan (1969) ; Les Stances à Sophie de Moshe Mizrahi (1971) ; L’Amour c’est gai, l’amour c’est triste de Jean-Daniel Pollet (1971) ; La Ville bidon de Jacques Baratier (1973).



Dimanche 24 décembre 2023

 

À Rome, à la Casa del cinema, on accompagne le tournant de l’année, avec onze contes d’hiver signés par Frank Capra, Billy Wilder, Stanley Kubrick, Tim Burton, Paul Thomas Anderson et Quentin Tarantino : Winter Tales (24 décembre 2023-7 janvier 2024).

Aujourd’hui :

* À 16h00  : Nightmare Before Christmas de Tim Burton (1993).


 

Faites votre programme.


À Paris, autrefois, le soir de Noël, les mécréants pouvaient aller au cinéma plutôt qu’à la messe de minuit. De nos jours, le 24 au soir, les cinémas ferment, et même la plupart des bistrots, où on trouve d’ordinaire, un peu de chaleur humaine. Et les sans-famille se débrouillent comme ils peuvent avec leur socio-spleen.
Heureusement, il y a les deux cinémas du Paris Cinéma Club qui nous réconfortent

Ce soir :

* À 19h00, au Christine : Les Affranchis (Goodfellas) de Martin Scorsese (1990).


 

* À 18h50, aux Écoles : No Country fot Old Men de Joel Coen & Ethan Coen (2007).


 

Demain, pour ce jour de l’année toujours un peu trop calme, des films de 13h30 à 21h00.

Faites votre programme.


Partout dans le monde, puisque c’est sur Internet, on découvre l’espace Corridor Elephant et ses expositions.

On a un coup de cœur pour les paysages hantés et les fantômes de Raphaël Lorand. : Le monde comme illusion et donc comme jeu.


 


 


 



Vendredi 22 décembre 2023

 

Cette nuit, à 4h27, heure de Paris, c’était le Solstice d’hiver, la nuit la plus longue de l’année. Aujourd’hui, avant l’aube, a commencé l’hiver.


 


 

Les saisons, ce n’est pas seulement un phénomène astronomique dû à l’inclinaison de l’axe de la planète Terre. Pour l’instant, il y en a encore 4, dans nos régions dites tempérées, mais on peut dire 2 sous les Tropiques et une seule à l’Équateur.

La revue de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) de l’Observatoire de Paris, La Connaissance des temps 2024 vient de paraître.

* On le télécharge gratuitement.

* On consulte la table de matières.


 

C’est aussi un "sentiment", différent pour chaque conscience humaine, selon son tempérament, son époque, et donc sa localisation. Entre l’hiver du Richard III de William Shakespeareet l’été de Martial Raysse, il y a des univers infinis.


 


 

C’est ainsi que, à Paris par exemple, on peut être triste du début de l’hiver, alors que justement les jours rallongent, et se réjouir du début de l’été, alors que c’est le moment où les jours commencent à décliner, la lumière du Soleil étant encore toujours, pour l’instant, une joie.
Au vu des quelques dernières années, il faudra, pourtant, désormais, changer de vision. Nous ne savons rien encore de ce que seront exactement les belles saisons de l’avenir. Mais on est déjà sûr que les temps changent, dans la réalité comme dans les consciences.

Bonnes lectures :

* John Steinbeck, The Winter of Our Discontent, New York, The Viking Press, 1961. L’Hiver de notre mécontentement, traduction de Monique Thiès Del Duca, Paris, 1961. Une saison amère, traduction de Anouk Neuhoff, Paris, LGF, 1998.


 

* Thomas B. Reverdy, L’Hiver du mécontentement, Paris, Flammarion, 2018.


 


D’abord les cadeaux.

Le grand réseau Documents d’artistes, plus précisément celui de la région Auvergne Rhône Alpes célèbre le grand photographe Rajak Ohanian (1933-2023) :

* Rajak Ohanian, Alep 1915. de Vartan Ohanian (2023).

La série photographique la plus personnelle de Rajak Ohanian raconte son retour à Alep en 2005-2006, sur les traces du génocide arménien de 1915. Vartan Ohanian dresse un portrait intimiste de la démarche artistique de son père et de l’héritage culturel transmis au fil des générations.


 


KulturBretagne (KuB), la plateforme en accès libre parmi toutes ses propositions, pour cette fin d’année, choisit La mer pour horizon :

* Goémons

 de Yannick Bellon 
(1946).


 

* La Mer et les Jours

 de Raymond Vogel & Alain Kaminker (1958).


 


Ensuite la brûlante actualité.

À Paris, le Palais de la Porte dorée / Musée national de l’histoire de l’immigration fait de la résistance à la 30e loi sur l’immigration votée depuis 1980.


 

Au-delà des fantasmes truqués, des peurs irraisonnées, du déni de la réalité, il invite à s’informer et à comprendre ce qui constitue notre identité commune. Les "étrangers" en France, il faut en connaître l’histoire, les hasards autant que les nécessités, avant de prendre une position sociale et politique.

Et peut-être de revoir son vocabulaire.

* Qu’est-ce qu’un immigré ?

* Qu’est-ce que la discrimination ?

* Comment définir le racisme ?

* Qu’est-ce que l’antisémitisme ?

* Qu’est ce qu’un demandeur d’asile ?

* Qu’est-ce qu’un réfugié ?

Ce weekend, chaque visiteur recevra un billet gratuit pour le Musée à offrir à ses proches.


Enfin le cinéma.

À Paris, aux 3 Luxembourg, le ciné-club de l’association Contre-plongée de l’Université Panthéon Sorbonne présente :

Ce soir :

* À 20h30 : L’Ange ivre (Yoidore Tenshi) de Akira Kurosawa (1948).


 


À New York, le Lincoln Center, rend hommage à un grand réalisateur mort trop jeune : Desire / Expectations : The Films of Edward Yang (22 décembre 2023-4 janvier 2024).

Edward Yang (1947-2007) s’il n’a réaliseé que 12 films, aura eu le temps voir sa reconnaissance internationale dans les plus grands festivals.

Aujourd’hui :

* À 15h00 et 18h30 : Yiyi de Edward Yang (2000).


 

Faites votre programme.



Jeudi 21 décembre 2023

 

À Paris, à l’Aéro-Club de France, dans la salle du Conseil d’administration, se tient une soirée privée mais ouverte aux amis, avec un film de fête pour cinéphiles avertis : Dolores del Rio se fait donner une fessée.

Ce soir :

* À 19h00 : Flying Down to Rio (Carioca) de Thornton Freeland (1933).


 

Aux soirées "Lanterne magique" de l’Aéroclub, initiées par Jean-Louis Merle, il y a toujours des suppléments passionnants, des bandes d’actualité, des vidéos de divertissement et des cartoons.
Et naturellement, un pot de l’amitié, avec la contribution des invités de la soirée.

Inscription nécessaire en mail ou par téléphone : Béatrice Bernard ; 01 47 23 72 63.


Qui ne connaît pas encore le site Criminocorpus ?


 

C’est une plateforme en ligne sur l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Au départ, elle est consacrée à des publications scientifiques, issue du Centre pour les humanités numériques et l’histoire de la justice, une Unité mixte de service créée en 2015 par le CNRS et le Ministère de la Justice, en partenariat avec les Archives nationales de France : le CLAMOR.
Mais elle est devenue une des lieux les plus divertissants pour le commun des mortels, avec son musée numérique, qui produit ou accueille des expositions thématiques et dont les collections rassemblent une sélection de documents et d’objets particulièrement rares ou peu accessibles.
Il y a aussi une revue en libre accès, un blog et une chaîne youtube


 

Le site nous offre sa dernière exposition : De Fantômas à Méphisto. René Navarre (1877-1968). L’artiste aux mille visages. Elle reprend en partie l’exposition organisée à la Bibliothèque des littératures policières (BiLiPo) (5 mai-1er août 2015).


 


 


 

Le premier Fantômas, le seul, le vrai, c’est celui de Pierre Souvestre & Marcel Allain (32 romans entre 1910 et 1913) et, au cinéma, celui de Louis Feuillade (5 adaptations entre 1913 et 1914), adoré par les Surréalistes, celui qui écrase du pied le Palais de justice : René Navarre. Tous ceux qui suivront ne sont que des variations plus ou moins réussies.


 

* Fantômas. À l’ombre de la guillotine de Louis Feuillade (1913).


 

On écoute le cours de cinéma de Christophe Gauthier.


 

Bonne lecture :

* Dominique Kalifa, Tu entreras dans le siècle en lisant Fantômas, Paris Vendémiaire, 2017.


 



Mercredi 20 décembre 2023

 

À Paris, à la Fondation Seydoux, commence le nouveau cycle : Jacques Feyder. Un cinéaste du réalisme (20 décembre 2023-9 janvier 2024).


 

Aujourd’hui :

* À 17h00 : Crainquebille de Jacques Feyder (1922).


 

En entier sur Internet.

Faites votre programme.


À Paris, à la Cinémathèque, commence une Rétrospective David Lean (20 décembre 2023-4 janvier 2024).

Ce soir, ouverture :

* À 20h00 : Le Mur du son (The Sound Barrier) de David Lean (1951).
Présentation par Kevin Brownlow.


 

Faites votre programme.


À Paris, au cinéma Panthéon, c’est le cinéclub Cinécitoyen organisé avec le Service territorial éducatif et d’insertion (STEI) de Paris, destiné à de jeunes personnes en réinsertion sociale,
Il est ouvert à tous,

Aujourd’hui :

* À 11h00 : Les Combattants de Thomas Cailley (2014).


 


Les sorties sur les grands écrans

* Un corps sous la lave (Eles Transportan a Morte) de Samuel M. Delgado & Helena Girón (2021).

* La Fille de son père de Erwan Le Duc (2023).

* Pour ton mariage de Oury Milshtein (2023).

* Munch de Henrik Martin Dahlsbakken (2023).

* Ma France à moi de Benoit Cohen (2023).

* Les Colons (Los colonos) de Felipe Gálvez Haberle (2023).

* Voyage au Pôle Sud de Luc Jacquet (2023).

* Menus-plaisirs Les Troisgros de Frederick Wiseman (2023).

Les ressorties en versions restaurées

* 4 films de Wong Kar-wai : Chungking Express (1994) ; Les Anges déchus (Do lok tin si, 1995) ; Happy Together (Chun gwong cha sit, 1997) ; The Hand (2004).



Mardi 19 décembre 2023

 

Otar Iosseliani (1934-2023) est mort, avant-hier, dimanche 17 décembre 2023.


 

Il était né à Tbilissi, Géorgie, c’est à dire en URSS à l’époque, et il y est mort. Mais, depuis 1982 (à 48 ans), le Géorgien était naturalisé français et travaillait en France, où il vivait la plupart du temps.
Il avait commencé par des études de musique (piano, composition et direction d’orchestre), et cette formation joue un rôle majeur dans son œuvre. Il parlait volontiers de la construction musicale de ses films : "Je n’ai jamais eu recours à la musique pour illustrer ou transmettre au spectateur les émotions qu’il doit ressentir. La musique est un personnage".
Puis il poursuivit ses études avec les mathématiques et la mécanique à l’Université de Moscou, et bifurqua à l’Institut national de la cinématographie S.A. Guerassimov, où il eut comme professeur Alexandre Dovjenko (1894-1956). Il réalisa deux courts métrages en 1958 et 1959, puis son film d’étude en 1961 : Avril, qui fut immédiatement interdit.

Avril de Otar Iosseliani - Bande-annonce from La Cinémathèque française on Vimeo.


 

Après ce début décourageant, il changea de direction, et fut un moment ouvrier métallurgiste, une expérience dont il tira un documentaire : La Fonte. (Tudzhi, 1964).


 


 

Mais on ne change pas une vocation évidente : dès lors, il ne cesse plus de faire des films, même si, pour chacun, il prend tout son temps, et même s’il est censuré. Il dira, en 2010, à propos de Chantrapas  : "Finalement, j’ai toujours fait tout ce que je voulais en Union soviétique, même si mes films étaient interdits, La Chute des feuilles, et tous mes courts métrages. Si vous étiez interdit, vous étiez aussi quelqu’un à respecter. 120 cinéastes travaillaient pour le régime, puisque le cinéma était un instrument de propagande. Malgré tout, on ne peut pas dire que les censeurs étaient si sévères. Ils interdisaient les films, mais ils respectaient les cinéastes. Ils nous donnaient la possibilité de terminer le film, avant de l’interdire".


 

C’est ainsi que les films interdits traversèrent aisément les frontières pour arriver au Festival de Cannes : en 1967, La Chute des feuilles (Giorgobistve) est sélectionné par la Semaine de la critique. Et en 1974, Il était une fois un merle chanteur (Ko shashvi mgalobeli, 1970), est sélectionné par la Quinzaine des réalisateurs.


 

Mais Otar Iosseliani se lasse de ce jeu de cache-cache avec les autorités, et il va quand même quitter le pays en 1979, après Pastorale. Il rejoint alors la France, le pays de Jacques Tati (1907-1982) qu’il reconnaît comme un sorte de maître, considérant que la musique et le bruit sont les ingrédients essentiels des films. "Quand dans un film tout est compréhensible sans que l’on comprenne la langue, je pense que ça, c’est le cinéma", dit-il. À partir de là, il va réaliser ses films en France, avec pour la musique, le compositeur Nicolas Zourabichvili, qu’il ne quittera plus, parfois avec une distribution complètement géorgienne comme dans Brigands, chapitre VII (1996), ou mixte comme dans Chantrapas (2010), ou avec des acteurs français comme dans Les Favoris de la lune (1984).


 

En France, comme le dit son ami Émile Breton, il reconstitue sa petite Géorgie, d’abord avec les amis français rencontrés en URSS, Pascal Aubier, Bernard Eisenschitz, ou Mathieu Amalric - à qui il offre son tout premier rôle au cinéma -, et les amis d’amis retrouvés à Paris.


 

Georges Sadoul (1904-1967) a eu le temps de voir La Fonte (1964) et il admire le moyen métrage : "Le ton de Otar Iosseliani est personnel et neuf, parce qu’il met l’accent moins sur les forges de Vulcain que sur les hommes qui y travaillent. On retient avant tout les visages, les expressions, les gestes d’hommes guettés par une « caméra-œil » attentive et pleine d’amour vrai".


 


 


 

Marcel Martin (1926-2016) eut plus de temps pour l’accompagner : "Ses films ont été l’une des révélations majeures de la fin des années 60. À côté du cinéma russe particulierement brillant alors, et dans le cadre d’une production géorgienne en plein épanouissement avec Tenguiz Abouladzé (1924-1994) et les frères Gueorgui Chenguelala (1937-2020) et Eldar Chenguelala (né en 1933), ils apportaient un regard neuf, un ton nouveau qui tranchaient sur l’image globale qu’on pouvait se faire du cinéma sovietique de l’époque". (Cf. texte paru à propos d’un hommage rendu par le Festival de La Rochelle en 1989).


 

Émile Breton (né en 1929) enfin, dit qu’avec lui, rien n’est vraiment sérieux : "Avec lui, on est toujours au cinéma". Ses amis, il les fait jouer dans ses films. Il disait, à Venise à propos de La Chasse aux papillons (1992) : "Je me sens un peu comme un chef de troupe qui joue toujours avec les mêmes interprètes. Je prends mes amis parce que je ne fais pas souvent de films et que ça ne leur prend pas trop de temps. Par ailleurs, jouer trop souvent use un acteur, les miens gardent une certaine fraîcheur". Lui-même ne dédaigne pas d’y figurer à partir de 1989, ou même de jouer dans le film de Pascal Aubier, Le Fils de Gascogne (1996) où il joue son propre rôle.


 

Pratiquement tous ses films ont été sélectionnés par des festivals, Venise et Berlin suivent Cannes, mais aussi Locarno, Munich, Tallinn, Lisbonne-Estoril, et, bien entendu Moscou. Son dernier film Chant d’hiver est sorti en 2015, et la dernière rétrospective qui lui a été consacrée a eu lieu il y a 4 ans, à la Cinémathèque française (22 mai-22 juin 2019).


 

Dans son œuvre (22 films entre 1958 et 2015), on boit joyeusement, on chante conformément à la culture populaire de son pays, (minimum à trois voix, et chaque voix suit son dessein), on vagabonde, on pince sans rire, on est toujours élégant. Les spectateurs sortent toujours ragaillardis des projections.


 

Otar Iosseliani disait de ses films : "Ils sont optimistes et, à la fin, ils se terminent mal. Mais tout se termine mal dans la vie".
Il disait aussi, de lui-même, en 1992 : "Ma distinction à moi, c’est entre le bons et les cons".


À Paris, au Grand Action c’est le Ciné-club Louis Lumière.

Ce soir :

* À 19h30 : Et là-bas, quelle heure est-il ? (Nǐ neibiān jǐdiǎn) de Tsai Ming-liang (2001).
En présence du directeur de la photo : Benoît Delhomme.


 


À Paris, au Musée d’Orsay se tient l’exposition Van Gogh à Auvers-sur-Oise. Les derniers mois (3 octobre 2023-4 février 2024).


 

Aujourd’hui :

* À 20h00, sur écran géant : La Passion Van Gogh (Loving Vincent) de Dorota Kobiela & Hugh Welchman (2017).


 


À Montreuil, l’Atelier de cinéma expérimental (ETNA), organise une soirée spéciale, pour accueillir le deux cinéastes espagnols Samuel M. Delgado et Helena Girón, à l’occasion de la sortie, demain, de leur film Un corps sous la lave. (Participation libre. Chacun apporte de quoi boire et grignoter pour partager).


 

Ce soir, à 20h00,une sélection de leurs courts-métrages :

* Sin Dios ni Santa María (Neither God nor Santa Maria) de Samuel M. Delgado & Helena Girón (2015).


 

* Montañas ardientes que vomitan fuego (Burning Mountains that Spew Flame) de Samuel M. Delgado & Helena Girón (2016).


 

* Plus ultra de Samuel M. Delgado & Helena Girón (2017)
.


 

* Bloom de Samuel M. Delgado & Helena Girón (2023)
.


 



Samedi 16 décembre 2023

 

Guy Marchand (1937-2023) est mort hier, vendredi 15 décembre 2023.


 

Ancien légionnaire, ancien parachutiste, amateur de belles bagnoles, amateur de chevaux et de PMU, saxophoniste, crooner, romancier... ses multiples vies, on les connaît mal. Lui-même confessait d’ailleurs, en 2003 : "Moi, je suis un chanteur, et je ne fais le comédien que pour des raisons fiscales".


 

Sa réputation principale, c’est surtout comme acteur, de second rôle, du cinéma français le plus populaire, avec pas mal de César. Entre 1962 et 2023, de 25 ans à 86 ans, 114 crédits, belle carrière, allant de Robert Enrico, François Truffaut, Jean-Charles Tacchela, Luc Béraud, Claude Pinoteau, Philippe de Broca, Maurice Pialat, Claude Miller, Bertrand Tavernier, Diane Kurys, Gérard Lauzier, Gérard Krawczyk, Costa-Gavras, Pierre Granier-Deferre, Alain Corneau, Édouard Molinaro, Nadine Trintignant, Jean-Louis Trintignant, et jusqu’à Christophe Honoré et Olivier Ducastel & Jacques Martineau.
On le reconnaissait toujours avec plaisir, comme un familier et un vieil ami, dans tous les autres films inévitables de nos filmographies personnelles des années 1970 et 1980, et même plus tard, et même au 21e siècle.


 


 


 

Trois exceptions à l’étranger avec Le Jour le plus long (1962), (The Longest Day) de Ken Annakin, Andrew Marton, Bernhard Wicki, Gerd Oswald & Darryl F. Zanuck,(1962), où il a été coupé au montage, mais qui lui a quand même mis le pied à l’étrier ; Au-delà de la gloire (The Big Red One) de Samuel Fuller (1980) ; Sauf votre respect (Try This One for Size) de Guy Hamilton (1989).


 


 

On aimait beaucoup cette espèce de légèreté ironique qui le caractérisait, par exemple dans Garde à vue de Claude Miller (1981), où, son nom était en bas de l’affiche, mais où, aux côtés de Lino Ventura et Michel Serrault, même s’il était celui qui faisait les cafés, il faisait un sacré contrepoint.


 

Mais finalement, le seul qui ait vraiment retenu notre attention et notre affection c’est son personnage de Nestor Burma. Il s’en approche avec le film Nestor Burma, détective de choc de Jean-Luc Miesch (1982), où il n’est que journaliste.


 


 

Puis il vire Michel Serrault du rôle-titre pour s’y installer dans la série de 39 épisodes Nestor Burma (1991-2003). Il devient donc le personnage principal, qu’on aime aussi comme créature de Léo Malet (1909-1996), notre anarchiste surréaliste parisien préféré, qui le reconnaissait comme "son Nestor Burma", solitaire et nonchalant, même si, au fur et à mesure du succès de la série, les scénarios étaient de plus en plus "librement inspirés" de ses personnages.


 

Sur Internet, on trouve certains épisodes des huit saisons en entier.

* Les affaires reprennent de Philippe Venault (1998).


 

* Concurrences déloyales de Jacob Berger (2002).

Et la série existe en DVD.

On n’oubliera pas sa santé malicieuse.


 

Bonne lecture :

* Guy Marchand, Le Guignol des Buttes-Chaumont, Paris, Michel Lafon, 2007.


 


À Paris, au cinéma Panthéon, l’Italie à travers son cinéma.

Aujourd’hui :

* À 11h00 : Oltre il confine de Alessandro Valenti (2022).
En sa présence.


 


À Lyon, à l’Institut Lumière, on se précipite à la Nuit Philip K. Dick, animée par Jérémy Cottin, avec café-croissants au matin.


 

Ce soir, à partir de 20h30, 4 films :

* Minority Report de Steven Spielberg (2002).


 

* The Truman Show de Peter Weir (1998).


 

* Total Recall de Paul Verhoeven (1990).


 

* Blade Runner Final Cut de Ridley Scott (1982).


 


À Rome, la Casa del cinema programme
les Giornate del cinema ucraino (15-17 décembre 2023).

Aujourd’hui :

* À 15h00 : Le Royaume de Naya (Mavka : Lisova pisnya) de Oleh Malamuzh, Oleksandra Ruban & Yevheniy Yermak (2022).


 

* À 17h00 : Peaceful-21 (Mirny-21) de Akhtem Seitablayev (2023).


 

* À 19h00 : Dovbush de Oles Sanin (2023).


 

* À 21h30 : Susidka (La vicina di casa) de Natalia Pasenytska (2022).


 

Faites votre programme.


Trois cadeaux de Bref Cinéma, la revue de référence éditée par l’Agence du court métrage.

* J’aurais pu être une pute de Baya Kasmi (2010).


 

* Le Sang de la veine de Martin Jauvat (2021).


 

* Partir un jour de Amélie Bonnin (2021).


 

Dernier numéro paru, le n°128.


 

* On achète la revue.

* On s’abonne.


À Marseille, à la Friche Belle de Mai, c’est la sixième et dernière étape du Climat Libé Tour 2023, en entrée libre.


 

Une journée-événement, d’échanges et de débats, consacrée aux pollutions, enjeu majeur pour la santé et l’environnement.

Faites votre programme.



Au fil du temps, tous les éditos
 

Voyage dans le temps.
 



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