2022 : Journal de Shi-Wei
* Shi-Wei-édito 2022 ; 1er-15 janvier 2022 ; 17-31 janvier 2022 ; 1er-12 février 2022 ; 16-28 février 2022 ; 1er-15 mars 2022 ; 16-30 mars 2022 ; 1er-14 avril 2022 ; 19-30 avril 2022 ; 1er-13 mai 2022 ; 17-31 mai 2022 ; 1er-15 juin 2022 ; 16-30 juin 2022 ; 31 août-15 septembre 2022 ; 16-30 septembre 2022 ; 1er-15 octobre 2022 ; 17-31 octobre 2022 ; 1er-15 novembre 2022 ; 16-30 novembre 2022 ; 1er-15 décembre 2022 ; 18-31 décembre 2022
Jean-Jacques Beineix (1946-2022) est mort avant-hier, jeudi 13 janvier 2022.
Le succès de Diva (4 César en 1982) nous irritait fortement et ça faisait des engueulades entre amis. Nous, oui, on pensait que c’était "un petit malin au style de pubard". Mais ce n’était pas, comme le suggère Le Parisien, que nous ayons été "des gardiens du Temple", ni des intellos rigides, ni des enfants de la Nouvelle Vague. Il ne faut pas tout confondre, les temples et les chapelles, les artistes et les "créateurs" de look branché.
On ne lui en voulait pas à lui, tout le monde a le droit de faire des films de pub. On adore ceux de Roy Andersson, et son sens de l’ellipse. Et même, on a apprécié l’émission Culture Pub (1986-1989). Mais on les aimait ristretti. Diva de Jean-Jacques Beineix était un clip allongé, bien branché, bien frimeur, on n’aimait ni ses amateurs, ni ses laudateurs, ni ses succès. On pressentait dans cette bande de pretenders, comme un reflux, une "réaction", l’embryon de cette nouvelle société qui commençait à s’installer, que, cette fois, aucun nouveau Mai 68 ne pourrait déstabiliser.
Donc c’est d’un œil distrait qu’on avait été voir La Lune dans le caniveau (1983), plus pour le bienaimé David Goodis et son joli titre, The Moon in the Gutter (1953)
et pour la photo de Philppe Rousselot. Mais on n’avait guère reconnu quoi que ce soit d’éclatant. À sa décharge, peut-être qu’on préférait le noir et blanc des films noirs. Il faudrait le revoir.
Ensuite, on est allé voir 37°2 le matin (1986), pour Philippe Djian, et comme dernière chance pour Jean-Jacques Beineix. Et là, ça a marché. Ce n’était pas un chef d’œuvre, mais on aimait pas mal cette Béatrice Dalle inconnue, encore toute fraîche, et on suivait Jean-Hugues Anglade depuis un moment, au théâtre et au cinéma, avec Patrice Chéreau, même quand c’était raté comme Great Britain d’après Edouard II de Christopher Marlowe, au Théâtre Nanterre-Amandiers.
37°2 le matin (1986) eut du succès, commercial et critique. Mais le film ne promettait rien, en tout cas pas une œuvre, peut-être était-il entaché de soupçons. C’est peut-être pour ça qu’on n’a pas été voir les films suivants, et qu’on n’a même pas vraiment repéré les échecs de Jean-Jacques Beineix et sa progressive disparition des écrans.
La rubrique people l’avait à nouveau amené sur le devant de la scène au moment de la mort de Yves Montand (1921-1991), avant la fin du tournage de leur film, IP5 : L’île aux pachydermes (1991). Il était carrément devenu un cinéaste maudit.
Il paraît qu’il a eu une œuvre documentaire, à partir des années 1990. On ne la connaît pas.
Le destin social de Jean-Jacques Beineix est étrange et sans doute injuste. Il était peut-être trop éclectique, mais cela n’a pas empêché nombre de réalisateurs de poursuivre une carrière.
Il n’était pas un loser, il ne devint pas un perdant magnifique alors même qu’il était relativement solitaire et semblait aimé par son cercle proche.
Mais il n’était sans doute pas non plus un vrai gagnant. Il avait dit quelque part : "Il y a un danger dans le succès, j’ai toujours pensé ça". "Voglio e non voglio", comme aurait dit Zerlina face aux avances de Don Juan. C’est comme si, au cours de sa vie-son œuvre, il n’avait trouvé en lui-même que ses failles et jamais son authenticité.
À Paris, la Fondation Seydoux célèbre pile poil les 400 ans de Molière (1622-1673), ce 15 janvier.
Pierre Louÿs (1870-1925) a passé la fin de sa vie à essayer de prouver que "Molière est un chef-d’œuvre de Corneille". Un siècle après, deux chercheurs, Florian Cafiero et Jean-Baptiste Camps prouvent qu’il n’’y a eu aucune supercherie littéraire, que Corneille n’a pas écrit des pièces signées Molière, qui a bien existé. Sur France Culture.
La Fondation Seydoux amplifie l’anniversaire en commençant son nouveau cycle : Comédie-Française & Cinéma. Aller-Retour avec une exposition (15 janvier-16 avril 2022) et des films (15 janvier-8 février 2022).
Aujourd’hui :
* À 14h30 : Deux films dont l’un avec Gabrielle Robinne (1886-1980) de la Comédie-Française : Jaloux de demain de Daniel Riche d’après Marc Mario (1916), - magnifique restauration, mais ça manque de cartons -, précédé par Le Troubadour de Segundo de Chomón (1906).
* À 16h30 : Hommage à Molière. : Molière, sa vie, son œuvre de Jacques de Féraudy (1922) ; L’Avare de Georges Méliès (1908) ; Les Précieuses ridicules de Georges Berr (1909) ; Le Tricentenaire de Molière à la Comédie-Française (1922).
Présentation par Manuela Padoan.
À Lyon, à l’Institut Lumière, il y a deux sortes de ciné-concerts. Ceux du dimanche, hebdomadaires, à l’institut, "à la maison", et lesCiné-concerts à l’Auditorium de Lyon, en semaine.
Demain, le ciné-concert du dimanche :
* À 14h30 : J’accuse de Abel Gance (1919).
La semaine télé de Jeune Cinéma du 15 au 21 janvier 2022.
À Carcassonne, commence le Festival international du film politique (FIFP), 4e édition (14-18 janvier 2022).
Le festival est né en 2018, sa 3e édition a été annulée, il renaît en 2022. Le genre "film politique" n’existe pas (encore). Il pourrait être en train de naître, qui distinguerait le politicien du politique et incluerait le social et le sociétal.
Au programme, 6 films de fictions, 7 films documentaires, les compétitions et des rencontres.
On note tout de suite les deux ciné-concerts.
Demain, samedi 15 janvier 2022, à l’Odeum :
* À 10h45 : 1984 de Michael Anderson (1956), d’après George Orwell, mis en musique par Monotone.lab.
Et lundi 17 janvier 2022, au Dôme :
* À 18h00 : Plogoff, des pierres contre des fusils de Nicole Le Garrec (1980)
en version restaurée, acccompagné par Monolithe noir.
Cf. sur Jeune Cinéma n°131, décembre 1980.
Ce soir, cérémonie d’ouverture avec Hippolyte Girardot. :
* À 19h00 : Le Monde d’hier de Diastème (2021).
À New York, le super cinéma d’art et essai Metrograph célèbre Miklós Jancsó (1921-2014) avec six de ses films les plus célèbres, mais pas forcément connus par les jeune cinéphiles américains qui connaîtraient plutôt son compatriote et cadet, Béla Tarr né en 1955 (14-20 janvier 2022).
Aujourd’hui :
* À 12h00 : Psaume rouge (Még kér a nép) de Miklós Jancsó (1971)
* À 14h00 : Sirocco d’hiver (Sirokkó, aka Winter Wind) de Miklós Jancsó (1969)
* À 16h15 : Pour Électre (Szerelmem, Elektra) de Miklós Jancsó (1974).
* À 18h15 : Ah ! ça ira (Fényes szelek, aka The Confrontation) de Miklós Jancsó (1969)
* À 18h45 : Rouges et blancs (Csillagosok, katonák) de Miklós Jancsó (1967)
* À 21h00 : Les Sans-Espoir (Szegénylegények, aka The Round-Up) de Miklós Jancsó (1966).
Cf. sur Jeune Cinéma :
* "Jancsó, Miklós (1921-2014). Une vie, une œuvre" Jeune Cinéma n°377, décembre 2016.
* "Entretien avec Miklós Jancsó, à propos de Pour Electre", Jeune Cinéma n°90, novembre 1975.
À Paris, à la Cinémathèque du documentaire, commence le cycle Les yeux doc à midi : La guerre est finie (14 janvier-4 mars 2022).
Aujourd’hui :
* À 12h00 : Killing Time, entre deux fronts de Lydie Wisshaupt-Claudel (2015).
Jeudi 13 janvier 2022
À Paris, à l’Arlequin, commencent les journées de découverte du cinéma italien inédit, en présence des équipes des films, réalisateurs et comédiens : De Rome à Paris, 14e édition (13-17 janvier 2022).
L’année dernière, la 13e édition avait été reportée au mois de juin 2021, à cause du covid.
Ce soir, ouverture :
* À 19h30 : Les freaks sont lâchés (Freaks Out) de Gabriele Mainetti (2021).
À Grenoble, la Cinémathèque, présente son nouveau cycle : Invitation au voyage (13 janvier-11 février 2022).
Ce soir :
* À 20h00 : Fidelio, L’odyssée d’Alice de Lucie Borleteau (2014).
À New York, au MoMA, commence To Save and Project, le MoMA International Festival of Film Preservation, 18e édition (13 janvier-6 février 2020).
Il s’agit de la présentation des films qu’il a récemment restaurés, 60 longs et courts métrages provenant de 19 pays, avec de nombreuses versions originales qui n’ont pas été vues depuis leur sortie initiale en salle.
Aujourd’hui :
* À 13h00 : Me and My Brother de Robert Frank (1965-1968).
* À 19h00 : Wilmington 10 – USA 10,000 de Haile Gerima (1979).
À Paris, au très chic Aéro-club de France on assiste à la Soirée cinéphile.
Ce soir, un moment vintage, le film en VF comme en 1960, avec un remake du film homonyme muet de Harry O. Hoyt (1925).
* À 19h30 : Le Monde perdu (The Lost World) de Irwin Allen (1960).
Inscription préalable nécessaire auprès de Béatrice Bernard.
À Paris, les expositions du Musée des arts décoratifs (MAD) sont en nocturnes tous les jeudis jusqu’à 21h00, et le samedi et dimanche jusqu’à 20h00.
* Le design pour tous : de Prisunic à Monoprix, une aventure française (2 décembre 2021-15 mai 2022).
* Cartier et les arts de l’Islam. Aux sources de la modernité (21 octobre 2021-20 février 2022).
* Thierry Mugler, Couturissime (30 septembre 2021-24 avril 2022).
La revue de l’Observatoire international des prisons section française, Dedans Dehors n°113 de décembre 2021 est parue, avec un dossier : Fracture numérique : les prisons, une "zone blanche"
On consulte les anciens numéros.
On découvre les ouvrages déjà parus, des usuels.
À Paris, en prolongation de la Saison Africa2020 qui s’est terminée le 30 septembre 2021, le Forum des images inaugure un programme exceptionnel : Tigritudes 1956-2021 (12 janvier-27 février 2022).
"Un tigre ne proclame pas sa tigritude : il bondit sur sa proie et la dévore !"
À travers 126 films, 40 pays et 66 ans d’histoire de cinéma, Tigritudes 1956-2021 est conçu par les réalisatrices Dyana Gaye & Valérie Osouf, afin de faire découvrir le cinéma panafricain comme il n’a encore jamais été montré, en 65 séances de projections de films restaurés, avec des courts et des longs métrages issus de tout le continent et de sa diaspora, ainsi que des rencontres, des leçons de cinémas et un cycle jeune public. Après sa diffusion à Paris, le programme Tigritudes partira sur les routes, d’Alger à Los Angeles, de Johannesburg à Conakry, de Port-au-Prince à Maputo.
Aujourd’hui :
* À 17h30 : Séance de courts métrages Jeune Public : À nous la rue de Mustapha Dao (1987) ; Diplomate à la tomate de Samba Félix N’Diaye (1989) ; Amal de Ali Benkirane (2004) ; Mwansa the Great de Rungano Nyoni (2011) ; Da Yie de Anthony Nti (2019), Grand Prix de la compétition internationale au Festival de Clermont-Ferrand 2020.
Ce soir, cérémonie d’ouverture avec le Cameroun :
* À 20h00 : Muna Moto de Jean-Pierre Dikongué Pipa (1975).
En présence de Dyana Gaye et Valérie Osouf, avec Philippe Abia et Arlette Din Beli.
Sélection officielle à la Mostra de Venise 1975, Étalon d’or au FESPACO 1976, le film a été restauré par l’Immagine ritrovatala de la Cinémathèque de Bologne et la Film Foundation’s World Cinema Project.
À Bruxelles, la Cinematek célèbre l’artiste Jan Bucquoy avec une rétrospective de ses films et une carte blanche (12-31 janvier 2022).
Ce soir :
* À 19h00 : La Vie sexuelle des belges de Jan Bucquoy (1994).
En sa présence.
À Paris, à Beaubourg, aujourd’hui, c’est le premier film de cette nouvelle année 2022 du programme d’avant-premières mensuel Trajectoires. (depuis le 29 septembre 2021). Prochaine séance Trajectoires : vendredi 18 février 2022.
Ce soir :
* À 20h00 : The New Kid de Arnaud Dezoteux (2021).
En sa présence.
À Paris, le Ciné-club de l’ENS du mercredi.
Ce soir :
* À 20h30 : À bout de course (Running on Empty) de Sidney Lumet (1988).
Les sorties sur les grands écrans
* Paragraphe 175 de Rob Epstein & Jeffrey Friedman (2000).
* La Leçon d’allemand (Deutschstunde) de Christian Schwochow (2019).
* Vitalina Varela de Pedro Costa (2019).
* Ouistreham de Emmanuel Carrère (2020).
* Placés de Nessim Chikhaoui (2021).
* Jane par Charlotte de Charlotte Gainsbourg (2021).
* Little Palestine, journal d’un siège de Abdallah Al-Khatib (2021).
* Sans Toi de Sophie Guillemin (2021).
À Bruxelles, la Cinematek aime le cinéma muet, et tout spécialement Louis Feuillade et, moins connu que Fantômas, son héros terrible, Rudolph Strelitz, "le banquier des bagnes". Aujourd’hui, commence le cinéfeuilleton Barrabas, (1919), en 12 épisodes. À la fin, ce sont les bons qui gagnent.
Ce soir, salle Ledoux, les deux premiers épisodes :
* À 18h00 : La Maîtresse du Juif errant et La Justice des hommes.
Faites votre programmme. ->https://cinematek.be/fr/programme/calendrier?date=20220111]
À Paris, la Clef Revival inaugure un nouveau cycle : Mémoires queer #1.
Ce soir :
* À 19h30 : Born in flames de Lizzie Borden (1983).
À Marseille, chez Vidéodrome2, les rendez-vous mensuels de Des films sous l’escalier reprennent, pour tous les amateurs de films dits "de genre".
Ce soir, deux films :
* À 20h00 : Duel de Steven Spielberg (1971).
* À 22h00 : Tetsuo (aka Tetsuo The Iron Man) de Shinya Tsukamoto (1989).
Tetsuo est le premier volet d’une série sur Tokyo. Sorti en France en 1994, il est suivi par Tetsuo II : Body Hammer (1992), sélectionné au Festival d’Avoriaz 1992, et par Tokyo Fist (Tokyo-Ken) (1995), sélectionné au Festival de Locarno 1995.
En 2009, le projet Tetsuo refait surface avec The Bullet Man (2009).
À Marseille, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) valorise l’exceptionnel fonds, constitué au début des années 2000, 20 ans après le début de la pandémie terrorisante que fut l’apparition du SIDA.
L’exposition VIH/sida, l’épidémie n’est pas finie ! (15 décembre 2021-2 mai 2022) présente des banderoles, des tracts, des affiches, les brochures et le matériel de prévention des revues associatives, ainsi que des objets militants, des vêtements, des badges et rubans rouges, des médicaments.
On peut y admirer aussi des photographies et des œuvres d’art, ainsi que de nombreux prêts de particuliers.
Cf. aussi "Le sida au cinéma (bilan 2003)", Jeune Cinéma n°281, avril 2003.
Sidney Poitier (1927-2022) est mort jeudi dernier, le 6 janvier 2022.
Naturellement, toutes les nécrologies mettent l’accent sur sa biographie édifiante - descendant d’un des esclaves d’un planteur français établi dans la colonie britannique des Bahamas, il portait le nom de son propriétaire. Mais tous les Afro-Américains ne descendent-ils pas d’esclaves ? -, ainsi que sur la multitude de ses décorations et de ses prix, tout spécialement le fait qu’il ait été le premier comédien noir à recevoir l’Oscar du meilleur acteur, en 1964, à 37 ans, pour son 13e film, Les Lys des champs (Lilies of the Field) de Ralph Nelson (1963).
On n’a pas tort, sur ce terrain précis des Oscars. Les prix ne sont pas des critères absolus, et nombre de grands artistes n’ont jamais été lauréats, mais justement, ils se placent au croisement de la vie artistique et de la vie sociale et, dans le cas de l’acteur Sidney Poitier, ils sont donc particulièrement significatifs d’un état de la conscience nationale à un moment précis. Pour autant, il ne faut pas oublier quelques péripéties de l’histoire des Academy Awards, tout aussi porteuses de sens. Si, en 2002, près de 40 ans plus tard, à 75 ans, il avait aussi reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, et pour "ses performances extraordinaires, sa dignité, son style et son intelligence", il demeurait toujours, au début du 21e siècle, l’arbre qui cachait la forêt.
Les deux années 2015 et 2016, des cuvées d’Oscars où ne figurait aucune nomination d’acteurs noirs, avaient provoqué quelques remous. Il y avait eu, en 2015, une polémique sur le film sélectionné Selma de Ava DuVernay (2014), dont aucun acteur n’était nommé. Et, en 2016, rebelote : l’annonce d’une sélection à 100% blanche, avait fait bondir Michael Moore autant que Spike Lee. Avec #OscarsSoWhite, on avait alors fait les comptes. Depuis la création du prix en 1929, en 2016, on comptait 2 911 Oscars pour des Blancs et 36 pour des Noirs. Pour les réalisateurs, John Singleton était le seul réalisateur noir à avoir été nommé pour son film Boyz’n the Hood (1992), et Steve McQueen, pour Twelve Years a Slave, le seul à recevoir l’Oscar du meilleur film en 2014, une première.
Pour les acteurs, on pouvait juste citer, en 2002, Halle Berry dans À l’ombre de la haine (Monster’s Ball) de Marc Forster (2001), et Denzel Washington, la même année, dans Training Day de Antoine Fuqua (2001). Puis, en 2005, Jamie Foxx dans Ray de Taylor Hackford (2004), et, en 2007, Forest Whitaker dans Le Dernier Roi d’Écosse (The Last King of Scotland) de Kevin Macdonald (2006).
Il ne faut pas négliger l’emblématique comédienne Hattie McDaniel (1895-1952), récompensée en 1940 comme meilleur second rôle (la servante de Scarlett O’Hara, dans Autant en Emporte le Vent ). Mais l’événement n’avait été qu’une curiosité historique.
Ainsi la reconnaissance de Sidney Poitier, 44 ans plus tard, pour un rôle normal d’homme libre, a-t-elle marqué un étape, bien que l’acteur ait été contesté, notamment par les Black Panthers, qui ne le trouvaient pas assez militant, avec même une tentation "Oncle Tom". Une étape symbolique forte pourtant, puisque, en 1967, un an avant l’assassinat de Martin Luther King (1929-1968), il fut l’acteur le mieux payé du box-office, mais éphémère puisqu’il fallut attendre un demi-siècle pour que se dessine une tendance durable.
Finalement, Sidney Poitier, contemporain de Harry Belafonte né aussi en 1927, aura eu un destin de précurseur plus que celui d’un chef de file, en entr’ouvrant seulement la voie à de grands acteurs comme Morgan Freeman (né en 1937), Denzel Washington (né en 1954), Forest Whitaker (né en 1961), ou Mahershala Ali (né en 1974), un par décennie, en somme, le compte n’y est pas. Et on reste quand même, aujourd’hui, dans une vision du monde qui exige une logique de quotas, cette ruse honteuse mais nécessaire, qui provoque généralement des excès de zèle imbéciles, comme par exemple la censure de Autant en emporte le vent (1939), retiré du catalogue de HBO en 2020.
Il semble néanmoins que, sous la nouvelle mandature présidentielle américaine, une certaine justice sociale soit en train d’émerger. On verra si cela se répercute, à la 94e cérémonie des Oscars retardée, cette année, au dimanche 27 mars 2022 (pandémie et JO d’hiver) Il n’est pas exclu que le souvenir de Sidney Poirier influence, plus ou moins souterrainement, le palmarès. Mais on rêve, si on croit que l’inconscient collectif américain -, dans un pays où le KKK existe toujours sous la forme d’une nébuleuse de groupuscules suprémacistes - pouvait changer rapidement, par la grâce des réseaux sociaux disséminant les images du martyre de George Floyd. C’est l’occasion d’ailleurs de rappeler que le mouvement Black Lives Matter a été fondé en 2013, et qu’il a mis 7 ans à être vraiment connu. Finalement, plus que les Oscars, c’est la Médaille de la Liberté, qui a été décernée à Sidney Poitier par le président Barack Obama, le 12 août 2009, qui aura, historiquement, le plus de sens, même si c’était avec 16 autres personnalités, pour faire connaître sa biographie exceptionnelle de citoyen.
Le New York Times, pour annoncer sa mort, a titré en Une : Sidney Poitier Was the Star We Desperately Needed Him to Be. Car c’est en tant qu’artiste seulement, indépendamment de sa couleur de peau et non pas en tant que fait social, qu’il aurait voulu être honoré, en tant qu’acteur (55 rôles entre 1947 et 2001), et aussi en tant que réalisateur (9 films entre 1972 et 1990, récompensés, pour la plupart, uniquement par les NAACP Image Awards décernés par la National Association for the Advancement of Colored People, née en 1967.
En France, la première fois qu’on l’a vu à l’écran, c’était dans son troisième film, Pleure, ô pays bien-aimé (Cry, the Beloved Country) de Zoltan Korda (1951), qui fut sélectionné en 1952, à la fois à la Berlinale et au Festival de Cannes, et sortit en salle en en France en 1953. On s’en souvient peut-être surtout parce qu’on avait lu le roman de Alan Paton, sur l’apartheid en Afrique du Sud, traduit et paru en France en 1950.
Bien sûr, ensuite, on a tous vu Graine de violence (Blackboard Jungle) de Richard Brooks (1955), où on l’avait à peine remarqué. On s’en souvient plutôt parce que la BO comportait Rock Around the Clock de Bill Haley, le must des surboums d’antan.
On a vu aussi, entre deux manifs contre la guerre d’Algérie, Paris Blues de Martin Ritt (1961), parce que le film était sorti à Paris en 1962, parce que Martin Ritt, Paul Newman, Louis Armstrong, et parce qu’on y reconnaissait Michel Portal et Roger Blin, mais pas spécialement pour Sidney Poitier.
On n’aura, finalement, vraiment reconnu l’événement socio-artistique incarné par Sidney Poitier qu’en 1967, une année qui véhiculait toutes nos autres prises de conscience ultérieures, tout autant que la rupture entre générations qu’elles représentaient. L’éminent Dr John Prentice, dans Guess Who’s Coming to Dinner, disait à son père : "Tu te considères comme un homme de couleur. Je me considère comme un homme".
* Devine qui vient dîner... (Guess Who’s Coming to Dinner) de Stanley Kramer (1967).
* Dans la chaleur de la nuit (In the Heat of the Night) de Norman Jewison (1967).
Bonne lecture d’un livre qui n’a jamais été traduit en français :
* Sidney Poitier, The Measure of a Man : A Spiritual Autobiography, San Francisco, Harper, 2007.
TCM Remembers Sidney Poitier (1927-2022).
À Lyon, à l’Institut Lumière, chaque dimanche, on peut se régaler d’un ciné-concert.
Aujourd’hui :
* À 14h30 : La Divine Croisière de Julien Duvivier (1929).
Accompagnement au piano par Ralph Arabat.
À Échallens, à 15 km de Lausanne, l’association des amis du cinéma d’Échallens, fondée le 10 août 2011, fait vivre le cinéma avec un ciné-club épatant.
Notre ami Pierre Carrel en assurait la programmation et l’animait à sa manière pince-sans rire depuis 30 ans. On le rencontrait chaque année à Bologne, pour Il cinema ritrovato, discret, timide peut-être, mais souriant.
Il fallait le voir et l’écouter présenter Tom Hanks pour L’Extraordinaire Mr. Rogers de Marielle Heller (2019).
Il est mort le 9 décembre 2021, et aujourd’hui, on lui rend hommage.
* À 17h00 : Hommage à Pierre Carrel.
En France et en Italie, et les anciens camarades de la Cinémathèque suisse, ils sont nombreux ceux qui ne l’oublieront pas.
La semaine télé de Jeune Cinéma du 8 au 14 janvier 2022.
Peter Bogdanovich (1939-2022) est mort hier, le jeudi 6 janvier 2022.
Tout le monde connaît son nom, et on est, en général, capable de citer son film La Dernière séance (The Last Picture Show, 1971) qui reçut deux Oscar en 1972 et constitue la pièce maîtresse de sa courte apogée, comme réalisateur, au tournant des années 1970.
Avec quelques autres films, comme La Cible (Targets, 1968), sa première fiction, dont Samuel Fuller était le coscénariste et Boris Karloff la star.
Ou bien ceux qu’on a pu voir au Festival de Cannes 1985, comme Mask (1985), Prix de la meilleure actrice pour Cher, et qui reçut un Oscar en 1986, pour le meilleur make up.
On peut aussi généralement le citer comme acteur, dans quelques œuvres très connues comme ses débuts avec Roger Corman dans Les Anges sauvages (The Wild Angels) (1966), où on ne le voit guère, Lions’Love de Agnès Varda (1969) où on préfère regarder Viva, ou Opening Night de John Cassavetes (1977), où il n’est même pas crédité.
Il a pourtant à son actif une importante filmographie, comme acteur (57 rôles entre 1958 et 2021), et comme réalisateur (34 entre 1967 et 2018), dont la moitié pour la télévision à partir de 1994. Il avait d’ailleurs commencé par la télé, avec, en 1967, un entretien The Great Professional : Howard Hawks.
Mais il aura surtout été une très importante figure du mouvement qu’on a appelé le Nouvel Hollywood, qui, de la fin des années 1960 au début des années 1980, a bouleversé le paysage de l’industrie et de l’art, celui des hiérarchies professionnelles et des pouvoirs, comme celui des idées et des œuvres. De cette nouvelle vague, il fut le chroniqueur savant et un grand cinéphile respecté, que certains ont comparé à l’historien Kevin Brownlow. Dès le début des années 1960, il s’était fait connaître comme programmateur de films au MoMA, avec suffisamment de poids pour réévaluer Howard Hawks, alors sous-estimé, ou redécouvrir Allan Dwan, carrément oublié. Il faut aussi mentionner la quinzaine d’ouvrages qu’il écrivit par la suite dont cinq ont été traduits en français.
On note tout particulièrement sa relation privilégiée avec Orson Welles (1915-1985), qu’il avait rencontré en l’interviewant sur le tournage de Catch-22 de Mike Nichols (1970).
C’est lui qui, 40 dans plus tard, reprit le film inachevé de son ami, De l’autre côté du vent (The Other Side of the Wind, 1970-1976) pour en faire un montage, sélectionné à la Mostra de Venise et repris au Festival Lyon-Lumière, en 2018.
Nous, nous avons une sorte d’admiration secrète pour lui, qui vient de ce qu’en 1959, à 20 ans à peine, il avait monté, Off-Broadway, une pièce de théâtre, Le Grand Couteau (The Big Knife, 1949) du grand Clifford Odets (1906-1963, et sous sa bénédiction.
Aujourd’hui, on peut aller le saluer sur Internet en regardant sa série Peter Boganovich recommends. Il s’agit d’une série de 70 courtes séquences télévisuelles, créées, à la fin des années 80, par lui et Louise Stratten. Il disait avoir considéré ce travail comme une sorte de service public.
* Peter Bogdanovich Recommends : Orson Welles.
* Peter Bogdanovich Recommends : Greta Garbo.
Bonnes lectures :
* Les Maîtres d’Hollywood. Entretiens avec Peter Bogdanovich, traduction de Mathilde Trichet & Julien Marsa, tomes 1 et 2, Nantes, Capricci, 2018.
* Jean-Baptiste Thoret, Le cinéma comme élégie : Conversations avec Peter Bogdanovich, Paris, Carlotta/GM Editions, 2018.
À Paris, à Beaubourg, à la Cinémathèque du documentaire, commence la double Rétrospective Denis Gheerbrant-Marc Isaacs (7 janvier-6 mars 2022).
Ce soir, soirée d’ouverture à 20h00 :
* Un printemps de square de Denis Gheerbrant (1981-2021).
* Calais, la dernière frontière de Marc Isaacs (2003).
En leur présence.
À Paris, la Cinémathèque, commence une Rétrospective Joseph Losey (6 janvier-7 février 2022).
Ce soir :
* À 20h00 : Monsieur Klein de Joseph Losey (1975).
En présence de Patricia Losey.
À Lyon, l’Institut Lumière célèbre Marcello Mastroianni avec une rétrospective(17 novembre 2021-19 janvier 2022) et deux expositions de photos et d’affiches (15 décembre 2021-23 janvier 2022),
Dans ce cadre, ce soir :
* À 18h30 : Marcello Mastroianni et Federico Fellini.
Conférence de Jean A. Gili.
Bonne lecture :
* Jean A. Gili, Marcello Mastroianni, Paris, La Martinière, 2016.
À Paris, à la Clef Revival, c’est cinéma tous les jours à prix libre.
Ce soir :
* À 19h30 : À l’abordage de Guillaume Brac (2020).
En sa présence.
Faites votre programme de la semaine.
À Paris, à la Cinémathèque, commence la Rétrospective Jacques Rivette (5 janvier-13 février 2022).
Ce soir :
* À 20h00 : Va savoir de Jacques Rivette (2000).
En présence de Jeanne Balibar, Jacques Bonnaffé et Véronique Manniez-Rivette.
À Paris, c’est le Ciné-club hebdomadaire de l’ENS, salle Dussane.
Ce soir :
* À 20h30 : Wallace & Gromit, 3 courts-métrages de Nick Park (1995).
Sur France culture, on signale : Pourquoi j’aime le cinéma par Edgar Morin.
Covid 19 & Co : On commence à recevoir des informations sur le report de sorties de films. Aujourd’hui il en sort quand même 24. Il faut choisir.
Les sorties sur les grands écrans
* J’étais à la maison, mais... (Ich war zuhause, aber…) de Angela Schanelec (2019).
* Guanzhou, une nouvelle ère de Boris Svartzman (2019).
* Residue de Merawi Gerima (2020).
* En Attendant Bojangles de Régis Roinsard (2020).
* Marché noir (Koshtargah) de Abbas Amini (2020).
* Tous les garçons et les filles (2021), un ensemble de deux courts métrages : Pauline asservie de Charline Bourgeois-Taquet (2018) et Mauvais garçons de Élie Girard (2020).
* Twist à Bamako de Robert Guédiguian (2021)
* Mes frères et moi de Yohan Manca (2021).
* Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson (2021).
* Mai 68 au masculin de Jorge Amat (2021).
Les ressorties en versions restaurées
* Europe 51 (Europa ’51) de Roberto Rossellini (1952).
* Dušan Makavejev, cinéaste charnel : L’Homme n’est pas un oiseau (Covek nije tica, 1965) ; Une affaire de cœur : La tragédie d’une employée des P.T.T. (Ljubavni slucaj ili tragedija sluzbenice P.T.T., 1967) ; Innocence sans protection (Nevinost bez zaštite, 1968).
* Le Messager (The Go-Between) de Joseph Losey (1971).
* Neige de Juliet Berto & Jean-Henri Roger (1981).
À Toulouse, à la Cinémathèque, où Agnès Jaoui succède à Robert Guédiguian à la présidence du conseil d’administration, commence un cycle dédié au grand chef-opérateur Renato Berta (4 janvier-17 février 2022).
Il est né en 1945 et s’est fait connaître en travaillant avec les cinéastes de la Nouvelle Vague suisse dans les années 60, puis a poursuivi sa carrière avec les plus grands en Europe. La Cinémathèque française à Paris lui avait déjà rendu hommage (2-21 mars 2011). Mais depuis lors, il a travaillé sur une dizaine de films, dont les deux derniers, tous deux sélectionnés à la Mostra de Venise 2021 : Qui rido io de Mario Martone (2021) et Il buco de Michelangelo Frammartino (2021).
Ce soir :
* À 19h00 : Charles mort ou vif de Alain Tanner (1970).
Bonne lecture :
* Renato Berta & Jean-Marie Charuau, Photogrammes, Paris, Grasset, 2021.
Signatures, le vendredi 21 janvier 2022, à 19h00 à la Cinémathèque, et à la librairie Ombres blanches, le samedi 22 janvier 2022, à 11h00.
La Cinémathèque propose aussi Dr. Chaplin et Mr. Charlot (4 janvier-16 février 2022), on croit presque tout connaître, on ne s’en lasse jamais.
Ce soir :
* À 21h00 : Les Lumières de la ville (City Lights) de Charles Chaplin (1930).
À Pontarlier, le Cine-club Jacques Becker, commence la nouvelle année avec un programme de voyages. On en est régulièrement privé, en vrai, depuis des mois. Un grand écran et la chaleur humaine du "club", rien de tel pour consoler.
Ce soir :
* À 18h30 et à 20h45 : Honeyland de Tamara Kotevska & Ljubomir Stefanov (2019).
À Paris, à la Clef Revival :
Ce soir, un film collectif mythique :
* À 19h30 : Loin du vietnam de Claude Lelouch, Marceline Loridan-Ivens, Agnès Varda, Jean-Luc Godard, Chris Marker, Alain Resnais, Joris Ivens, William Klein (1967).
À Paris, comme chaque premier lundi du mois, l’Agence du court métrage propose C’est déjà demain.
Ce soir, au MK2 Odéon, à 20h00 :
* L’Abécédaire de Philippe Prouff (2020).
* L’Amour en plan de Claire Sichez (2021).
* L’Appartement de Raphaël Frydman (2020).
* L’Ami de vacances de Antoine du Jeu (2020).
Le Monde diplomatique de janvier 2022 est paru.
JEUNE CINÉMA VOUS SOUHAITE UNE BONNE ANNÉE 2022.
Merci à Bob Dylan pour son Endless Highway (2015) et à la Halcyon Gallery.
Les traditionnels bilans de la fin de l’année 2021 ont égrené les faits importants au long des mois, la plupart étaient des tragédies, incendies, inondations, naufrages, guerres, menaces de guerre, massacres, et toujours la pandémie due à un virus protéiforme.
Ce qui nous a paru le plus irréparable, le plus écrasant, c’est l’échec de la Cop26, à Glasgow. Cette impossibilité de s’entendre, pour de nécessaires efforts communs de décroissance, alors même que tous reconnaissaient que c’était "la dernière chance", admettant ainsi qu’ils savaient, depuis 1972, les risques et le temps qui filait (1), c’est un constat d’incompétence et de paralysie, c’est comme un désespoir.
L’année 2022, une année de tous les dangers parmi d’autres, Jeune Cinéma regarde Shi-Wei, une petite fille chinoise.
On est en 1970, elle a à peu près dix ans. Après l’échec du Grand bond en avant et la grande famine qui a suivi, ses parents, des intellectuels, ont été envoyés à la campagne dans les champs, pour apprendre ce qu’était le vrai travail. Alors elle vit seule avec sa sœur dans sa maison. Elles savent se débrouilller pour leur vie quotidienne et s’amusent bien.
Shi-Wei est une bonne élève, appliquée, elle lit mieux que personne le petit livre rouge, et va régulièrement à son "groupe de propagande", elle n’a pas encore l’âge pour être Garde rouge. Dans cette liberté encadrée de loin, elle apprend la vie sur le tas. C’est marrant avec les copines qui sont dans le même cas. C’est plus dur dans la rue, quand elle croise les garçons (bien indisciplinés, dirait-on) du Projet ouvrier, venant de la classe désormais dominante (le prolétariat), en bande, hargneux, qui la harcèlent, la traitent de lèche-cul, de sale chienne d’intellectuelle puante, de garçon manqué, lui piquent ses jouets ou brûlent les cheveux de sa sœur. Dans ces circonstances, les citations du "soleil rouge de nos cœurs" ne servent à rien. Heureusement que la mère a de temps en temps des permissions, qui peut lui donner alors une vision du monde officieuse et affectueuse, raisonnable, sans lui révéler les trop lourds secrets, et si souvent honteux, des grandes personnes : "Bats-toi avec malice, mais d’abord protège-toi". À chaque jeu, à chaque épreuve, à chaque consolation, la petite fille chinoise écoute, réfléchit, comprend.
Qu’a-t-elle compris, en ce temps-là, Shi-Wei qui a fait sa vie le mieux qu’elle pouvait, et a commencé sa cinquantaine cette année ? Peut-être qu’il fallait changer de pays si on voulait trouver une juste voie médiane entre vie privée et pensée publique. Et aussi, sans doute, que ça ne suffirait pas à un avenir serein. (2)
Que comprend aujourd’hui dans le monde, une petite fille masquée, en formation, une Terrienne désormais, qui aura 20 ans en 2032 ? Que les adultes sont absents ou impuissants, que les capitaines sont fous ou irresponsables ? Que les machines sont à manier avec prudence et sagesse ? Que ça ne va pas pouvoir continuer comme avant, qu’il va falloir s’adapter et retrousser ses manches ? Que dans les rues des villes immenses, il vaut mieux ne pas montrer qu’on a peur ? Qu’on lui aura volé son enfance et leur futur ?
Anne Vignaux-Laurent
1. Le Rapport Meadows commandé par le MIT et le Club de Rome, date de 1972.
2. Le film est autobiographique. Xiao-Yen Wang vit à San Francisco.
* La Môme singe (The Monkey Kid) de Xiao-Yen Wang (1995).
Shi-Wei : Fu Di ; la mère : Shu Fang ; l’institutrice : Yang Lin ; le petit coq du Projet ouvrier : Xiao Hua
Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 1995.
Au fil du temps, tous les éditos
* Présentation de Jeune Cinéma